Intervention de Jean-Paul Virapoullé

Réunion du 18 novembre 2008 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 63 priorité, amendements 226 2019

Photo de Jean-Paul VirapoulléJean-Paul Virapoullé :

Par conséquent, il était temps que les parlementaires aient le courage de supprimer ce que j’appelle la « retraite cocotier » : les fonctionnaires qui n’ont pas quinze ans d’exercice outre-mer et qui n’ont pas un lien matériel avec l’outre-mer ne doivent pas avoir droit à cet avantage. Sur ce sujet, il n’y a pas de désaccord.

Je voudrais attirer l’attention de l’ensemble de la représentation nationale et du Gouvernement sur le point suivant : les choses sont rendues un peu plus compliquées par le fait que nous discutons du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera obligatoirement soumis à l’examen de la plus haute juridiction française, le Conseil constitutionnel.

N’étant pas un fin connaisseur du droit constitutionnel, je me dois, en tant que modeste sénateur, de vérifier comme chacun d’entre vous s’il n’y a pas péril en la demeure pour la réforme pour le cas où l’article 63 serait examiné en l’état par le Conseil constitutionnel. Or, j’ai deux inquiétudes à cet égard.

Ma première inquiétude concerne le plafonnement de l’ITR, qui sera prévu par décret, pour les fonctionnaires en exercice et pour ceux qui sont déjà à la retraite. Cela ne pose-t-il pas un problème de rétroactivité ?

M. le président de la commission des affaires sociales connaît bien la question et sait que le Conseil constitutionnel a, en matière fiscale, bien encadré le principe de la rétroactivité : il peut y avoir rétroactivité de la loi eu égard, notamment, à l’autorité de la chose jugée, mais à condition qu’elle serve un seul objectif, à savoir l’intérêt général. Les économies financières ne sont pas reconnues comme un motif valable par le Conseil constitutionnel.

Or nous sommes ici dans le cas d’économies budgétaires. J’attire donc l’attention de la Haute Assemblée sur la situation de ceux qui sont déjà à la retraite et qui vont connaître une régression, même si elle est faible, de leur pouvoir d’achat. Il n’échappera à mon avis pas au Conseil constitutionnel que le principe de la non-rétroactivité de la loi est remis en cause, et le Conseil sera peut-être amené à sanctionner cette disposition.

J’en viens à ma seconde inquiétude, qui concerne un problème plus grave. Ceux qui prendront leur retraite en 2009 subiront un plafonnement, ce que je veux comprendre, mais ceux qui partiront à partir de 2019 se verront appliquer une dégressivité. Selon l’année de votre départ à la retraite, le montant total perçu – retraite de base plus ITR – variera.

À mon avis, il aurait été préférable de traiter la question de la dégressivité dans la loi plutôt que de renvoyer au décret, lequel n’est pas publié puisque la loi n’est pas encore votée. Sur le plan de la sécurité juridique, je ne suis pas membre du Conseil constitutionnel, mais il me semble que cela risque de soulever un problème. Il sera en tout cas intéressant d’analyser la décision que rendra le Conseil constitutionnel sur cette question.

Monsieur le secrétaire d’État, c'est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement n° 226 rectifié, qui ne remet en cause que la dégressivité à partir de 2019. Pourquoi vouloir tout réformer tout de suite au risque de précipiter les choses et de créer un traumatisme outre-mer ? J’ai envie de dire : « basta » ! Nous pouvons faire un grand pas ce soir, puis marquer une pause et examiner la situation dans les mois qui viennent, voire dans un ou deux ans. D’ailleurs, il nous a bien fallu quatre ans pour en arriver là ce soir !

Il y a déjà des avancées : certains syndicats à la Réunion discutent de la durée de résidence, qu’ils préféreraient voir fixée à dix ans au lieu de quinze ans. S’ils débattent sur les chiffres, c’est bien qu’ils admettent le principe de la résidence. Il y en a même qui acceptent le principe du plafonnement.

Pourquoi prévoir la dégressivité dans cet article, au risque d’encourir la censure du Conseil constitutionnel ? Ce n’est raisonnable ni socialement, ni politiquement, ni juridiquement.

L’approche qu’il convient, à mon sens, de privilégier est la suivante : nous devons faire évoluer le dispositif, mais avec mesure, humanité et raison. Il n’est pas nécessaire de chambarder l’économie de l’outre-mer, comme l’ont si bien indiqué les orateurs précédents. L’économie de l’outre-mer, ce sont le sucre, le tourisme, la pêche, l’industrie du bâtiment, ainsi – il faut bien le dire – que la fonction publique. Si vous touchez un pan de cette économie, vous mettez en péril l’économie de l’outre-mer, et ce à un moment où personne dans le monde ne peut prédire quelles seront les conséquences économiques de la crise financière.

Je ne suis pas en train de faire un caprice pour exiger que rien ne bouge et que l’on en reste aux avantages acquis. J’indique juste que nous devons procéder avec raison et mesure, en respectant les droits fondamentaux et l’équilibre économique des territoires d’outre-mer. Nous ne devons pas aller trop vite, car la loi risque d’être jugée contraire à la Constitution de notre pays par le Conseil constitutionnel.

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