Intervention de Paul Blanc

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 mars 2009 : 1ère réunion

Photo de Paul BlancPaul Blanc, co-rapporteur :

Puis M. Paul Blanc, co-rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, a fait valoir que, sans contester le caractère décevant des résultats obtenus par l'Afa, les critiques de son action ont été, à son sens, d'une sévérité excessive.

En effet, au-delà des dysfonctionnements propres à l'agence, la dégradation du contexte de l'adoption internationale et le caractère inachevé de la réforme de 2005 expliquent, pour une large part, les difficultés rencontrées par l'Afa.

En premier lieu, sa création est intervenue alors que le nombre d'adoptions internationales diminuait, quelle que soit la nationalité des familles candidates : entre 2005 et 2008, celles accordées aux ressortissants français sont passées de 4 136 à 3 271, soit une baisse de plus de 20 % en trois ans. On a toutefois observé une légère amélioration en 2008, avec une hausse de 3,4 %.

Par ailleurs, 70 % des adoptions françaises à l'étranger ont été réalisées dans des pays non signataires de la convention de La Haye, dans lesquels l'agence n'est pas présente de plein droit. Elle n'est, par exemple, pas implantée en Ethiopie, en Russie ou Haïti - ce devrait toutefois être le cas en 2009 pour ces deux derniers pays - alors que près de la moitié des enfants adoptés par des familles françaises sont originaires de ces trois Etats non signataires de la convention.

Il faut savoir que sa mise en oeuvre progressive a conduit les pays signataires à durcir peu à peu leur législation vis-à-vis de l'adoption internationale. Il peut alors en résulter la fermeture du pays aux adoptions individuelles, la priorité donnée, dans l'intérêt de l'enfant, à l'adoption nationale ou encore un degré d'exigence accru sur les qualités requises des futurs parents adoptifs (âge, revenus, niveau de diplôme, etc.).

Le second facteur expliquant les difficultés de l'Afa tient au caractère inachevé de la réforme de 2005.

D'abord, la réorganisation des institutions françaises en charge de l'adoption n'est intervenue que tardivement. Ainsi, le transfert à l'agence des dossiers individuels d'adoption et des compétences de gestion de l'ex-mission pour l'adoption internationale (MAI) n'a été que partiel. L'absence de réflexion d'ensemble sur les conséquences de ce transfert s'est traduite à la fois :

- par un effacement du secrétariat général de l'autorité centrale pour l'adoption internationale (SGAI), qui n'a exercé ni son rôle de pilotage et de coordination, ni celui de représentant de l'autorité centrale française à l'étranger et dans les instances internationales de l'adoption ;

- par l'absence de convention d'objectifs et de gestion entre l'agence et les ministères de tutelle et, de fait, l'absence de stratégie coordonnée des implantations des OAA et de l'Afa dans les pays d'origine des enfants à adopter ;

- en conséquence, par une mauvaise identification des rôles respectifs de l'autorité centrale et de l'agence, qui a pu conduire à des incohérences dans les informations transmises aux familles ou à des doubles emplois.

Ceci étant, les réformes engagées en août 2008 par le Gouvernement, sous la responsabilité du nouvel ambassadeur pour l'adoption internationale, M. Jean-Paul Monchau, semblent aller dans le bon sens. Elles visent notamment à renforcer et réorganiser l'autorité centrale.

a ensuite fait observer que les deux autres objectifs de la réforme de 2005 qui visaient respectivement à harmoniser les conditions de délivrance des agréments et à développer l'adoption nationale n'ont pas davantage été atteints. Avec plus de 28 000 agréments en cours de validité, soit sept fois plus que d'enfants à adopter, et seulement 775 enfants adoptés en France sur les quelque 3 200 pupilles d'Etat, les chiffres plaident en faveur d'une évolution des pratiques dans ces deux domaines.

Enfin, il a évoqué certaines difficultés propres à l'Afa, qui ont affecté son action :

- le statut public de l'agence, qui justifie son assujettissement aux règles de la comptabilité publique, l'a empêchée d'assurer l'accompagnement à l'étranger des transactions financières des familles adoptantes, celles-ci se faisant très souvent en liquide. Des solutions existent mais elles nécessitent des montages parfois complexes ;

- l'agence, contrairement aux OAA, n'est pas habilitée à mener seule des opérations de coopération, même lorsqu'elles sont de nature humanitaire. Or, celles-ci sont souvent l'unique moyen de nouer des relations de confiance avec les orphelinats des pays d'origine ;

- l'Afa ayant vocation à accueillir l'ensemble des demandes sans opérer de sélection, les familles peuvent déposer simultanément jusqu'à trois ou quatre dossiers dans différents pays. Outre l'engorgement qui en résulte, cette situation pose un problème éthique : il n'est en effet pas acceptable qu'un enfant déjà abandonné une fois puisse l'être une seconde fois après l'apparentement, par une famille qui aurait, entre-temps, accueilli un autre enfant. Qui plus est, la multiplication de ces cas de renoncement tardif contribue évidemment à discréditer l'organisme accompagnateur et le pays d'accueil. Au vu de ces observations, il semble souhaitable d'engager une réflexion sur la limitation du nombre de démarches d'adoption réalisées simultanément par un même foyer.

Il faut donc espérer que la réforme annoncée de l'adoption créera des conditions favorables à un meilleur fonctionnement de l'agence et à l'atteinte des objectifs qui lui ont été fixés.

Puis M. Auguste Cazalet, co-rapporteur, a plaidé pour qu'une seconde chance soit donnée à l'Afa, considérant que les réformes engagées ou envisagées par le Gouvernement sur le double front de l'adoption internationale et nationale vont dans le bon sens. Pour en accroître l'efficacité, la mission a préconisé une clarification des rôles et de l'organisation de l'ensemble des acteurs en charge de l'adoption.

Cette première série de recommandations porte sur :

- le renforcement de la mission de pilotage et de coordination de l'autorité centrale française, tant à l'égard de l'Afa que des OAA, ce qui suppose à la fois la signature rapide d'une convention pluriannuelle d'objectifs et de gestion avec l'agence et chaque OAA ; la présence d'un représentant de l'autorité centrale à l'ensemble des réunions internationales et européennes sur l'adoption et la création d'un portail Internet unique de l'adoption internationale, afin de garantir la cohérence des informations communiquées aux familles ;

- l'analyse globale des effectifs et des compétences respectifs de l'autorité centrale, de l'Afa et du réseau diplomatique ;

- la définition d'une stratégie coordonnée d'implantation des OAA et de l'agence dans les pays d'origine des enfants ; ceci suppose que l'Afa soit habilitée à intervenir, de droit, dans les pays non parties à la convention de La Haye, dans lesquels on observe généralement un nombre important de démarches individuelles et que soient précisées les actions de coopération et d'aide humanitaire qui pourraient favoriser l'implantation de l'agence dans de nouveaux pays ;

- le renforcement des OAA, notamment sur le plan financier : la contractualisation prévue avec l'Etat doit être l'occasion de faire le point sur leur situation financière, que la Cour des comptes qualifie, pour certains d'entre eux, de « fragile » ; elle doit aussi permettre d'instaurer des mécanismes d'incitation financière à la mutualisation de leurs moyens, voire à leur regroupement. De ce point de vue, il apparaît souhaitable que le ministère des affaires étrangères et européennes devienne l'interlocuteur budgétaire unique des OAA ;

- la mobilisation de l'ensemble du réseau diplomatique et consulaire pour faciliter et améliorer le suivi des dossiers d'adoption, lorsqu'ils ont été transmis aux pays d'origine.

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