Intervention de André Vantomme

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission aide publique au développement comptes de concours financiers prêts à des etats étrangers et accords monétaires internationaux et compte d'affectation spéciale engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique - examen du rapport spécial

Photo de André VantommeAndré Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Il y a, dans le budget de l'aide publique au développement pour 2011, des éléments de satisfaction et des éléments qui peuvent susciter la curiosité, voire l'inquiétude.

Dans les éléments de satisfaction, je note d'abord, comme le rapporteur spécial, la préservation du niveau de ce budget dans un contexte de restriction budgétaire. Une autre satisfaction tient au rééquilibrage opéré entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale : ces deux canaux de notre coopération ont leur légitimité, et chacun a son efficacité, mais l'accroissement de l'aide multilatérale s'est effectué au détriment de notre coopération bilatérale dans des proportions regrettables. Le projet de loi de finances pour 2011 et la programmation budgétaire pour 2011-2013 marquent un léger infléchissement en la matière. Grâce à une économie faite, d'une part, sur le FED et, d'autre part, sur notre contribution à la Banque mondiale, les crédits de l'aide bilatérale sont légèrement augmentés.

Les éléments d'inquiétude concernent d'abord les engagements internationaux de la France. La programmation budgétaire ne permettra pas à la France d'atteindre l'objectif de 0,7 % de la richesse nationale consacrée à l'aide publique au développement en 2015, surtout si l'on prolonge de 2013 à 2015 les tendances actuelles. D'ailleurs, dès 2012, notre effort d'aide risque de baisser. La fin d'une vague d'annulations de dettes et le début du remboursement des très nombreux prêts consentis ces dernières années vont mécaniquement diminuer l'aide française. De ce point de vue, nos administrations n'ont pas intérêt à accroître les prêts dans le seul but d'augmenter cette aide car, s'ils sont comptabilisés lors de leur engagement, ils sont soustraits de l'aide lors du remboursement. Pour faire de l'aide au développement nette par des prêts, il faut toujours prêter plus qu'on ne nous rembourse et, à long terme, c'est bien sûr insoutenable.

Nous n'atteindrons donc pas 0,7 %, et cela met en cause la crédibilité de la parole de la France, nos responsables politiques continuant à déclarer que nous serons au rendez-vous. C'est un problème parce que des pays comme le Royaume-Uni, qui ont adopté une stratégie de long terme, déclarent, eux, qu'ils atteindront l'objectif, alors même que, d'une part, ils ne font que des dons et, d'autre part, ils ont adopté une politique de restriction budgétaire particulièrement sévère.

Un deuxième sujet de préoccupation concerne l'engagement de la France d'augmenter de 20 % et de porter à 360 millions d'euros sa participation au Fonds mondial de lutte contre le sida. Cet engagement n'est pas budgété ; on évoque la possibilité de recourir à la taxe sur les billets d'avion, qui finance actuellement la Facilité internationale d'achats des médicaments (UNITAID). Or, aujourd'hui, le produit de cette taxe diminue du fait de la diminution du trafic. Prélever sur ce produit, ce qui consiste à « déshabiller Paul pour habiller Pierre », c'est donc créer une incertitude sur le financement.

Par ailleurs, la mortalité infantile est une de nos priorités affichées or, selon l'Organisation mondiale de la santé, d'autres maladies que le sida, telles que la diarrhée et la pneumonie, sont des causes beaucoup plus meurtrières. Une diversification des objectifs eût été préférable à cette concentration des moyens sur un fonds certes utile, certes visible, mais déjà bien pourvu.

Un autre sujet de curiosité concerne la globalisation des lignes budgétaires relatives à l'AFD, aux organisations non gouvernementales (ONG) et au Fonds de solidarité prioritaire. On n'a plus qu'une ligne budgétaire alors même que l'aide au Pakistan et à l'Afghanistan d'un côté, et celle à Haïti d'un autre côté, font l'objet de lignes distinctes. Il serait préférable que les arbitrages soient faits avant le vote de la loi de finances, de sorte que le Parlement puisse se prononcer sur la répartition et non sur un montant global.

Un dernier sujet concerne les fonds consacrés à la préservation des biens publics mondiaux en général et à la préservation de la biodiversité en particulier. Un nouveau compte d'affectation spéciale, grâce aux produits de la vente des quotas carbone de la France, va permettre de financer des projets relatifs à la déforestation. J'observe qu'à Copenhague, il a été prévu que les financements de la lutte contre le réchauffement climatique seraient additionnels, par rapport à ceux consacrés au développement, la crainte des pays en développement étant que ces financements soient prélevés sur ceux bénéficiant à la lutte contre la pauvreté. Or les crédits du nouveau compte d'affectation spéciale sont comptabilisés dans notre effort global en faveur du développement...

Pour finir, je propose aux rapporteurs spéciaux de s'associer à une demande au nouveau ministre de la coopération, visant à entreprendre la révision du document de politique transversale (DPT), qui accompagne le projet de loi de finances et retrace l'ensemble des financements concourant à notre aide au développement.

Le projet annuel de performances de la mission « Aide au développement » ne retrace que 35 % de cet effort, le DPT est donc essentiel pour avoir une vue d'ensemble. Or, aujourd'hui, ce document n'est pas satisfaisant. Si M. de Raincourt souhaite vérifier la répartition géographique de nos interventions, l'équilibre entre subventions et prêts ou la concentration de nos engagements en Afrique subsaharienne, il ne les trouvera pas dans ce document. Sur environ quatre-vingt dix pages, il y en a soixante pour décrire les vingt-six programmes qui concourent à l'aide au développement, et une vingtaine, en annexe, dont deux ou trois seulement contiennent des informations pertinentes. Nous pourrions ensemble demander au Gouvernement une refonte de ce document, pour qu'il permette aux parlementaires de disposer de l'information utile.

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