Intervention de Yann Gaillard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission culture et article 68 quater - examen du rapport spécial - contrôle budgétaire du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines - communication

Photo de Yann GaillardYann Gaillard, rapporteur spécial :

Nous devons cette enquête au rapporteur général, qui a attiré notre attention sur le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). Nous avons été confortés dans notre intérêt par la découverte dans le Rhône d'un buste de César exposé dans le magnifique musée départemental Arles antique, dont je recommande la visite à chacun, car il est parfait !

Issue d'un service créé par Malraux, le DRASSM doit inventorier, protéger et promouvoir le patrimoine sous-marin. Quelque 5 000 épaves ont été répertoriées, mais leur nombre effectif est estimé à 20 000. Avec la ratification par la France de la Convention de l'Unesco du 20 novembre 2001 sur le patrimoine subaquatique, le nombre d'épaves sous juridiction française serait compris entre 100 000 et 150 000.

J'en viens au plan budgétaire. Les dépenses de fonctionnement et d'intervention du département représentent 1 million d'euros ; la rémunération des 38,4 équivalents temps plein coûte 2,4 millions. Les nouveaux locaux du DRASSM sont situés sur la plage de l'Estaque, à Marseille.

L'archéologie terrestre a vingt ans d'avance sur l'archéologie subaquatique. Ce retard est imputable aux difficultés techniques propres à la discipline, mais aussi au fonctionnement longtemps autarcique du département, qui a pu retarder l'éclosion de partenariats scientifiques fructueux.

Par ailleurs, je relève que l'archéologie préventive demeure embryonnaire en milieu immergé, faute d'opérateur et en raison de la faible diffusion du « réflexe préventif » chez les aménageurs et dans les services de l'Etat.

Le soutien financier apporté par le DRASSM se concentre sur un faible nombre de structures ; les opérations qu'elle accompagne sont fréquemment placées sous la responsabilité directe de ses agents. Nous aboutissons ainsi un milieu fermé très particulier.

Malgré la réalité des succès remportés, notamment avec le fameux buste de César, il semble que leur médiatisation soit parfois approximative. Le DRASSM doit donc promouvoir une vulgarisation de qualité.

Le contrôle effectué nous a permis d'appréhender les tensions existant entre professionnels et bénévoles. Le rapport écrit en explicite les causes en détail.

Le DRASSM est en quelque sorte une « petite entreprise qui ne connaît pas la crise ». Ainsi, le ministère de la culture et de la communication a publié le 30 avril 2009 un communiqué relatif à la construction du navire André Malraux. En effet, l'Archéonaute, ancien navire du DRASSM, a été désarmé en 2005, pour cause de vétusté. Le nouveau navire sera très performant. Il utilisera des robots d'intervention profonde et des submersibles et disposera d'un système de positionnement dynamique. Il devra pouvoir loger une dizaine de scientifiques loin du rivage et soutenir plusieurs mois une équipe de plongeurs.

En période de disette budgétaire, on peut être sceptique à propos de cet équipement coûteux. Nonobstant l'intérêt que présente l'exploration des épaves profondes, l'essentiel de l'archéologie subaquatique se déroule le long de la frange côtière. Le directeur du DRASSM évoque un espace de recherche couvrant 11 millions de kilomètres carrés, mais 95 % de cette zone échappent à la capacité du nouveau navire. Le DRASSM aurait pu investir dans un bateau plus léger, quitte à louer occasionnellement un navire plus sophistiqué pour travailler en eau profonde. La Comex, qui s'inquiète d'ailleurs de la concurrence, était prête à coopérer. Selon le ministère chargé de la mer, peu enthousiasmé par cet investissement, le DRASSM aurait aussi pu reconvertir un thonier, ce qui aurait coûté bien moins cher.

Sur un autre plan, la RGPP conduit à mutualiser les moyens d'intervention de l'Etat en mer. Le bateau du DRASSM sera nécessairement intégré, volens nolens, à la fonction garde-côtes.

Enfin, on peut s'interroger sur le financement de cette affaire. La recherche d'un mécénat privé ayant été infructueuse, l'Etat payera tout ! Cet investissement coûtera 8,6 millions d'euros. Je précise que la construction est financée par redéploiement de crédits, sans avoir jamais été retracée dans un document soumis au Parlement. Pour conduire le projet à terme, il manque toutefois 5,6 millions d'euros en crédits de paiement, qui seront demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. L'autorisation parlementaire ne sera donc formellement sollicitée qu'une fois le bateau construit.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion