Intervention de Laurent Collet-Billon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 novembre 2009 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2010 — Audition de M. Laurent Collet-billon délégué général pour l'armement

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

a souligné que l'année 2009 avait été une année budgétaire exceptionnelle à deux titres. Elle a vu le début d'exécution de la nouvelle LPM ainsi que la mise en oeuvre du plan de relance de l'économie.

En 2009 a également été lancée la modernisation du ministère de la défense, avec la mise en place d'une nouvelle gouvernance des investissements. La DGA s'inscrit pleinement dans ce mouvement. Elle a engagé les évolutions qui doivent lui permettre de poursuivre sa mission dans un format resserré et pour un coût d'intervention réduit.

L'année 2009 a constitué un véritable défi que la DGA et l'ensemble de ses personnels ont su relever.

a rappelé que l'action de la DGA s'ordonnait autour de quatre axes : investisseur avisé, partenaire des armées au quotidien, moteur de la construction européenne, expert référent.

Il a rappelé le déroulement de l'exercice budgétaire 2009 selon ces quatre axes.

S'agissant tout d'abord des investissements, il a souligné que les objectifs d'engagement et de paiement, à la fois sur le programme 144 et sur le programme 146, étaient en passe d'être tenus, aussi bien pour la loi de finances initiale (hors plan de relance) que pour le plan de relance lui-même.

Concernant la loi de finances initiale (hors plan de relance), pour le programme 146, début octobre, près de la moitié des autorisations d'engagement (soit environ 9 milliards d'euros) et près des trois-quarts des crédits de paiements (soit environ 9 milliards d'euros) avaient été exécutés. En fin d'année, le montant des engagements devrait être proche de 18 milliards d'euros et celui des crédits de paiements de 11 milliards d'euros. Les ressources attendues en 2009 sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « fréquences », soit 600 millions d'euros, ne seront pas au rendez-vous et leur produit est donc reporté en 2010. Ce manque budgétaire sera compensé, pour l'exercice 2009, par la possibilité de consommer 500 millions d'euros de reports de crédits, au titre du plan de relance économique, ainsi que par la prise en compte de l'impact de la désinflation, évalué à 100 millions d'euros. Ces effets conjugués devraient limiter le report de charges à la fin de l'année 2009 à environ un milliard d'euros ce qui est supportable compte tenu de l'importance du programme budgétaire concerné. Pour le programme 144, la situation à la même date s'établissait à un niveau d'engagement de 75 % (environ 460 millions d'euros) et à 90 % pour les crédits de paiements (environ 600 millions d'euros).

S'agissant du plan de relance, pour le programme 146, la quasi-totalité des engagements est réalisée, soit près de un milliard d'euros pour un objectif de 1,09 milliard d'euros. Les paiements réalisés se montent à 467 millions d'euros pour un objectif de 625 millions d'euros, soit les trois-quarts. Pour le programme 144, les engagements s'élèvent à environ 190 millions d'euros pour un objectif de 207 millions d'euros, soit 91 %, et l'avancement des paiements est de 75 %. Les niveaux d'engagements et de paiements sont exceptionnellement élevés. Cela s'est traduit par diverses commandes globales parmi lesquelles les plus emblématiques concernent le deuxième sous-marin Barracuda, 332 véhicules blindés de combat d'infanterie VBCI, 16 454 systèmes Félin et trois frégates FREMM. Le plan de relance a permis en outre la commande d'un 3ème bâtiment de projection et de commandement (BPC) et de cinq hélicoptères EC 725 Caracal. La quatrième tranche du contrat de production Rafale (soixante avions) doit s'ajouter à cette liste. M. Laurent Collet-Billon a souligné que la DGA avait su faire face au défi que constituait un objectif global d'engagements plus de deux fois supérieur à celui de 2008 et un objectif de paiements supérieur de plus de 3 milliards d'euros au niveau de dépense des années précédentes. Ce résultat a été obtenu grâce à la mobilisation forte de tous les acteurs et à la définition claire des priorités d'action.

Parmi les principales livraisons intervenues au cours de l'année, il a retenu, pour la composante aéroportée de la dissuasion, la mise en service, le 1er octobre 2009, du premier escadron de Mirage 2000 NK3 équipé d'ASMPA (air-sol moyenne portée amélioré), sur la base d'Istres et la poursuite à un rythme très satisfaisant des livraisons de Rafale et de VBCI.

Concernant l'amélioration de la maîtrise des coûts, qui est un indicateur de résultat du programme, il a fait remarquer que la DGA avait maintenu sa performance de gestion à un niveau satisfaisant. En 2008, la hausse moyenne des devis a été de 0,8 % sur l'ensemble des opérations d'armement du périmètre du programme 146. Les résultats en 2009 devraient être du même ordre.

De même, le niveau des intérêts moratoires a été maîtrisé, notamment grâce à une campagne exceptionnelle de paiement en mode dérogatoire pendant le mois de janvier 2009, avant la réouverture des outils comptables normaux. A la fin du mois d'août, le montant de ces intérêts était inférieur à 10 millions d'euros et le ratio constaté était de 0,10 %. Il devrait continuer de se situer cette année nettement en-dessous de la cible (soit de l'ordre de 24 millions d'euros).

a reconnu que certains programmes défrayaient la chronique et faisaient l'objet d'un traitement spécifique, comme celui de l'avion de transport militaire Airbus A400 M. Il a ainsi souligné que l'effort de maîtrise des délais des programmes doit être poursuivi. Il a néanmoins considéré que la DGA avait montré, au travers du volet défense du plan de relance, sa capacité à intervenir en tant qu'investisseur au profit de l'Etat dans son action de soutien et de développement de l'économie du pays. La DGA est prête à poursuivre ce rôle dans le cadre du grand emprunt si cela lui est demandé. Comme l'a indiqué le ministre à l'université d'été de la défense, la feuille de route pour l'industrie de la défense, qui s'appuie sur l'expertise technique de la DGA, est prête.

S'agissant, en second lieu, de l'activité de la DGA en tant que partenaire des armées, il a tout d'abord évoqué les acquisitions menées dans le cadre dit des UOR (urgent operationnal requirements) : acquisition ou modification d'équipements militaires en urgence pour répondre aux besoins des forces sur les théâtres d'opération. Il a tout d'abord cité le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Elrick Irastorza, pour qui les forces françaises déployées en Afghanistan ont un niveau d'équipement n'ayant rien à envier à celui des forces des autres nations présentes. Il y a cependant, comme pour toutes les forces de la coalition, des adaptations à réaliser dans des délais contraints pour assurer la sécurité et l'efficacité des soldats français face aux particularités du terrain. Pour y répondre, la DGA a eu recours à des procédures d'urgence pour l'acquisition de matériels nouveaux, tels que les tapis anti-sable pour l'aménagement d'aires de pose destinées aux hélicoptères de l'armée de terre, ou pour des adaptations de moyens existants, telles que l'installation de tourelleaux téléopérés équipés de mitrailleuses de 12,7 mm sur les VAB ou encore les kits de blindage pour les hélicoptères COUGAR. Ces procédures exceptionnelles ne sauraient se substituer au processus normal de définition des systèmes d'armes, processus qui reste incontournable pour des équipements innovants et pour assurer la cohérence d'ensemble de l'outil de défense. Ces acquisitions en urgence mettent toutefois en lumière la nécessité de concevoir des matériels aisément configurables selon les particularités de chaque opération.

Pour la France, ces commandes en urgence devraient représenter 260 millions d'euros en 2009, dont une bonne part au profit de dispositifs de protection du combattant. Les personnels de la DGA se sont mobilisés pour faire bénéficier les armées des délais les plus courts malgré la charge supplémentaire induite par ces opérations. Le délai moyen constaté entre la demande de l'état-major et la commande au fournisseur est de trois mois cette année. Les armées reconnaissent aujourd'hui la grande réactivité et l'efficacité dont la DGA a su faire preuve en la matière.

Outre ces acquisitions urgentes, M. Laurent Collet-Billon a souligné que la DGA avait envoyé onze ingénieurs en OPEX, au plus près des forces en opération, pour les aider à prendre en main les matériels nouveaux, appréhender les besoins et l'emploi des matériels pour mieux y répondre au travers des programmes. Les experts de la DGA ont pu ainsi accompagner l'expertise conduite sur les drones tactiques après les incidents rencontrés durant l'été. Ils ont également pu doter rapidement les forces de dispositifs de lutte contre les IED (improvised explosive device) particulièrement appréciés par les soldats. Ces actions se sont révélées très positives aussi bien pour les armées que pour la DGA et il affirmé qu'il comptait poursuivre dans cette voie.

S'agissant de l'action de la DGA en tant que « moteur de la construction européenne », M. Laurent Collet-Billon a indiqué que deux directives tirées du paquet « défense » proposé par la Commission fin 2007, relatives respectivement aux transferts intracommunautaires de produits liés à la défense et aux marchés publics dans les domaines de la défense et de la sécurité, et fortement promues par la France au cours de sa présidence de l'Union européenne (PFUE), avaient été adoptées cette année.

a noté que le souffle européen porté par la France est retombé après la PFUE. Les attentes envers l'AED (Agence européenne de défense) n'en sont que plus fortes pour transformer les aspirations communes en programmes, malgré un budget réduit tant en fonctionnement qu'en investissement

Le projet MIDCAS (insertion des drones dans la circulation aérienne), qui sera structurant pour l'industrie européenne dans le domaine des équipements d'évitement automatique de collision pour drones, et qui représente un enjeu majeur pour le développement des drones en Europe, a ainsi pu être concrétisé lors du salon du Bourget par la signature de l'accord de coopération et la notification du marché d'étude.

Deux nouveaux stades de préparation, l'un pour le futur hélicoptère de transport lourd et l'autre pour la formation des pilotes de chasse, ont été lancés au sein de l'AED. Ils s'ajoutent aux trois premiers stades de préparation (guerre des mines, future Unmanned Airborne system et protection contre les menaces bactériologiques) lancés pendant la PFUE.

Le projet MUSIS (multinational space-based imaging system) a été instauré comme projet ad hoc de l'Agence européenne de défense au printemps 2009.

a ensuite évoqué l'action de la DGA en tant qu'expert référent dans un format resserré. Il a rappelé que la modernisation de la DGA s'inscrivait dans la démarche de révision générale des politiques publiques (RGPP) engagée par le ministère de la défense. Cette modernisation comprend trois axes, avec pour contrainte une réduction de 24 % des effectifs sur la période de programmation : la réduction du nombre d'implantations, la rationalisation du soutien, la révision des processus.

Sur les 20 implantations géographiques principales de la DGA, seules quinze seront conservées. Cet objectif passera par des fermetures de sites, parmi lesquels ceux de Vernon et d'Angers, avec le maintien d'une piste d'essais sur ce dernier site. Cela passe également par le transfert du centre d'études de Gramat au Commissariat à l'énergie atomique (direction des applications militaires) dès le début de l'année 2010. Les textes sont en cours d'approbation. Enfin le service de la qualité sera réorganisé. En 2014, il ne comptera plus que 25 sites, au lieu de 49 actuellement.

a ensuite déclaré que la DGA participait pleinement au travail de rationalisation des fonctions de soutien entrepris par le ministère. Cette rationalisation permettra de concentrer les effectifs de la DGA sur les métiers techniques et de préserver ainsi son expertise. Il va de soi que ces rationalisations du soutien doivent préserver le niveau de service actuel qui a permis de supporter la charge importante de cette année. Il est donc fondamental que des contrats de service avec engagement de résultat soient élaborés avec les entités du ministère qui seront chargées du soutien et méthodiquement suivis. C'est une étape indispensable pour clairement définir les périmètres de responsabilité, garantir la qualité de service et permettre à la DGA de conserver sa certification ISO 9001. Les centres de formation dont la DGA disposait encore seront fermés ou transférés, à l'exception du centre de formation d'Ile de France dont l'activité sera concentrée sur le seul site d'Arcueil.

Concernant la révision des processus, M. Laurent Collet-Billon a précisé que des actions étaient engagées pour moderniser et simplifier le fonctionnement de la DGA et permettre ainsi de préserver la capacité d'intervention dans un format réduit. Elles s'appuient sur une démarche qualité dont la conformité aux meilleures pratiques est attestée par une certification globale ISO 9001 dont l'audit de renouvellement vient de se dérouler.

La mise en oeuvre de ces trois orientations permettra de réduire les effectifs de la DGA au niveau fixé par le ministre. Elle s'appuie sur un plan stratégique des ressources humaines qui définit sur le long terme les compétences techniques clés dont la DGA a besoin pour conduire son action.

Enfin, concernant le soutien aux exportations, il a indiqué que les perspectives de prises de commandes en 2009 étaient de l'ordre de 7 milliards d'euros et pourraient même dépasser ce chiffre. Il a déclaré qu'il espérait tenir cet objectif au vu des données déjà connues (3,3 milliards d'euros) et que ce résultat amènerait à des niveaux supérieurs à celui des meilleures années récentes, dépassant les 6,58 milliards d'euros de 2008. L'objectif affiché est bien d'arriver à un niveau d'exportations équivalent aux crédits consacrés aux équipements de façon à amortir le coût de développement des programmes. Cette reprise confirme la dynamique actuelle de la politique de soutien à l'exportation.

Parmi les principaux contrats signés en 2009, M. Laurent Collet-Billon a souligné ceux passés par les Emirats arabes unis -MRTT tranche 2, Avion PAT-MAR, Atlas C2- et le contrat de sous marins Scorpène pour le Brésil.

Parmi les perspectives majeures, il a mentionné le Rafale dans divers pays et la FREMM pour la Grèce.

La politique d'exportation reste une nécessité pour maintenir le tissu industriel de la France et les débouchés offerts permettent d'en assurer la vitalité.

L'année 2009 aura été, dans ce domaine, une année décisive dans la mise en oeuvre d'une meilleure coordination des actions des ministères. Depuis le rapport du député Yves Fromion, beaucoup de chemin a en effet été parcouru et la nécessité de coordination des actions de tous les ministères autour des grands enjeux nationaux a été prise en compte.

Ce nouveau dispositif d'accompagnement des exportations commence à faire ses preuves et permet donc une meilleure synchronisation du temps de la décision politique avec celui des affaires, ce qui ne peut que favoriser des succès futurs.

Dans la deuxième partie de son exposé relatif au projet de loi de finances pour 2010, M. Laurent Collet-Billon a souligné qu'il s'agira d'un budget de transition avec, pour les autorisations d'engagement, un objectif de 11 milliards d'euros pour le programme 146 et de 672 millions d'euros pour le programme 144. Les paiements resteront élevés, avec une cible de 10,9 milliards d'euros sur le programme 146 et de 722 millions d'euros sur le programme 144, y compris les derniers paiements des contrats liés au plan de relance.

Concernant les programmes de recherche et technologie, M. Laurent Collet-Billon a indiqué que le renouvellement des composantes océaniques et aériennes de la dissuasion se poursuivra. Les études concernant le sous-marin nucléaire lanceur d'engins des années 2030 sont en cours de lancement.

Le renforcement engagé des capacités de frappe dans la profondeur sera prolongé par la commande de 168 armements air-sol modulaires (AASM), 22 systèmes lance-roquette unitaires (LRU), 135 missiles MISTRAL rénovés et 20 missiles air-air d'interception à domaine élargi (MIDE).

Le soutien et la mobilité des troupes au sol seront modernisés et renforcés par la poursuite des livraisons de véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), de petits véhicules protégés (PVP), de véhicules blindés légers (VBL) et par la commande de 200 véhicules de transport logistique (PPT).

La fonction connaissance et anticipation, mise en avant par le Livre blanc, sera développée au travers de la commande d'un satellite de communication (ATHENA-COMCEPT), de 3 satellites d'observation optique (MUSIS), de la mise en service d'Hélios IIB et de la livraison de 6 POD de reconnaissance de nouvelle génération.

La livraison de 11 avions Rafale, de 7 hélicoptères d'appui protection Tigre, de 4 hélicoptères marine NH90 NFH viendra poursuivre le renouvellement des moyens aériens.

L'année 2010 sera également celle des décisions sur les drones et sur les modalités de poursuite du programme A400M, ce qui inclut des acquisitions palliatives pour limiter le déficit capacitaire.

Concernant l'industrie, M. Laurent Collet-Billon a indiqué que le vote de la LPM et de ses dispositions sur SNPE (société nationale des poudres et explosifs) et sur l'ouverture plus large du capital de DCNS à des acteurs privés ouvre de nouvelles perspectives. Ces dispositions seront utilisées pour poursuivre la rationalisation dans le domaine de la propulsion solide avec le rapprochement de SNPE et de Safran ainsi que pour constituer des partenariats au niveau européen dans le domaine naval avec DCNS. La DGA agira également plus activement en faveur de la rationalisation à l'échelle européenne du secteur terrestre avec NEXTER.

Sur le plan européen, il s'agira de poursuivre la dynamisation des coopérations. La DGA s'y emploie avec constance, les élections législatives, notamment en Allemagne à la fin septembre 2009 et au Royaume-Uni en 2010 devant permettre tour à tour de préciser les perspectives de coopération.

Enfin, s'agissant de la modernisation, il a affirmé que le processus serait poursuivi dans les directions sus-mentionnées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion