C'est un grand plaisir pour moi de participer à vos travaux en tant que Premier président de la Cour des comptes, je le dis en connaissant bien votre commission, pour avoir collaboré avec vous lorsque j'étais à la commission des finances de l'Assemblée nationale. Mon prédécesseur, du reste, avait pour habitude de venir présenter régulièrement devant vous les rapports de la Cour.
Le 22 juin dernier, la Cour des comptes a adopté son rapport sur la certification des comptes 2009 du régime général de la sécurité sociale et il vous a été remis, comme le prévoit la LOLFSS, avant la fin du mois de juin.
La certification des comptes d'un organisme constitue une assurance raisonnable que ses comptes sont réguliers et sincères, et qu'ils donnent une image fidèle du résultat de sa gestion, de son patrimoine et de sa situation financière. Cet exercice annuel est destiné à vous apporter une information fiable sur les produits, les charges et le résultat du régime général. J'espère que nous contribuerons utilement à éclairer vos prochains débats sur la loi de financement de la sécurité sociale.
Cet exercice est complété, depuis l'an passé, pour les comptes des autres régimes de sécurité sociale, par les opinions des commissaires aux comptes chargés de les auditer. La Cour a défini avec eux un cadre contractuel d'échanges d'informations et a pris en compte leurs opinions, notamment le refus de certification des comptes du régime agricole.
Il sera sans doute bientôt nécessaire de prévoir un cadre juridique plus global pour ces échanges.
Les branches du régime général de la sécurité sociale traitent chaque année des centaines de millions d'opérations, pour environ 350 milliards d'euros en dépenses et 320 en recettes. Quand on atteint de tels chiffres, la certification n'est plus seulement une affaire de vérification comptable : il faut savoir si les systèmes d'information assurent la traçabilité des opérations comptables et si le contrôle interne suffit pour maîtriser les risques d'anomalies.
Ainsi analysons-nous systématiquement les procédures de contrôle interne des caisses et en évaluons-nous l'efficacité. Cet exercice est très utile car il incite les organismes de sécurité sociale à mieux maîtriser les risques financiers et à renforcer leurs efforts pour réduire les erreurs et lutter contre la fraude. Ces efforts contribuent à améliorer progressivement la qualité de leur gestion des prestations, et donc la qualité du service rendu aux assurés.
C'est ainsi, suite aux travaux de certification, que la Cnam a renforcé ses contrôles sur les opérations gérées pour le régime général par les mutuelles d'étudiants et de fonctionnaires. Elle a également mis en place des liaisons informatiques qui ont permis aux assurés de ces mutuelles de bénéficier de la même qualité de services que les autres. Dans d'autres branches, la Cnaf et la Cnav ont mis en place des systèmes d'évaluation des erreurs de calcul des prestations et pensions. La maîtrise du risque d'erreurs dans les comptes devient ainsi l'affaire du dirigeant et plus seulement du comptable, au bénéfice des assurés sociaux.
L'exercice de certification met aussi l'accent sur des problèmes de normes comptables. Les agents comptables ne sont pas en cause, puisqu'ils appliquent la réglementation, mais certaines règles ne sont plus adaptées à la réalité économique et financière de la branche. Par exemple, si les comptes du fonds de solidarité vieillesse étaient additionnés à ceux de la branche retraite, le déficit de cette branche en 2009 ne serait pas de 7,2 milliards, mais de 10 milliards d'euros. Il appartient au ministère en charge des comptes publics de mettre les règles en conformité avec les normes comptables.
Les comptes de l'exercice 2009 ont été marqués par une augmentation très importante du déficit des quatre branches du régime général. Pour 347 milliards d'euros de charges, leur déficit s'élève à 20,3 milliards, deux fois plus qu'en 2008. La dégradation est particulièrement visible pour la branche maladie, dont le déficit est passé en un an de 4,4 milliards à 10,6 milliards. La loi organique pose un principe d'équilibre financier des branches, qui a été perdu de vue depuis de nombreuses années.
L'endettement du régime général atteint 25 milliards au 31 décembre 2009. Sans la reprise d'une partie de la dette par la Cades en 2008 et 2009, il aurait atteint 52 milliards. S'il est important d'avoir des comptes certifiés, il l'est tout autant qu'ils soient équilibrés, mais nous en sommes loin.
Cette année, la Cour n'a pas été en mesure de certifier les comptes de la branche retraite et de la Cnav. Elle certifie avec réserves les autres comptes dont, pour la première fois, les comptes de la branche famille et de la Cnaf.
La Cour a refusé de certifier cette année les comptes de la branche retraite et la Cnav, comme elle l'avait fait pour l'exercice précédent. L'an dernier, nos travaux d'audit, menés avec la Cnav, nous avaient fait constater une série de défaillances et nos constats subsistent pour les comptes 2009.
Nous avons ainsi relevé un nombre important d'erreurs dans la comptabilisation des pensions de retraite, pour un montant cumulé trop élevé. Il y a d'abord des erreurs dans le calcul des pensions par la branche : près de 8 % des pensions de retraite calculées en 2009 présentaient une anomalie de portée financière, représentant 0,78 % du montant total, car beaucoup d'erreurs portent sur un montant unitaire faible. Ces erreurs sont liées à des difficultés internes : les mailles du filet du contrôle des opérations effectuées par les gestionnaires doivent être resserrées. A ces erreurs internes s'ajoutent des défaillances dans les données entrantes, c'est-à-dire dans les informations en provenance des employeurs et des organismes sociaux utilisées pour calculer la pension au moment du départ à la retraite.
Nous constatons toutefois des améliorations. La Cnav avait découvert en 2007 que le nombre de périodes assimilées au chômage était majoré à tort depuis 1992, voire auparavant. En 2009, les flux entrants de données ont été corrigés - mais pas les stocks, correction de masse jugée trop complexe par le directeur de la sécurité sociale. Nous attendons encore une sécurisation des procédures comptables et des opérations de paiement des pensions, difficultés déjà signalées l'an dernier et dont le règlement prendra du temps.
La branche a engagé des programmes d'amélioration à la suite de nos observations. Elle refond son dispositif de contrôle interne et son système d'information comptable et financier. Dans l'attente de ces évolutions lourdes, elle diffuse des instructions à son réseau pour mieux formaliser et mieux contrôler la gestion des principaux processus. La Cour est consciente de ces efforts et sait qu'ils prennent du temps. Elle souhaite qu'ils aboutissent dans les meilleurs délais afin de lui permettre de certifier les comptes de la branche.
Concernant la branche famille et la Cnaf, la Cour n'avait pas certifié les comptes 2006, 2007 ni 2008, en raison de trop grandes incertitudes sur le contrôle interne.
Cette année, nous avons accepté de franchir la ligne qui sépare le refus de certifier de la certification avec réserves. Certes, le contrôle interne souffre toujours d'insuffisances et il ne donne pas l'assurance que les risques de fraudes ou d'erreurs de calcul sont suffisamment maitrisés.
Nous avons observé que des provisions et des charges à payer enregistrées au moment de l'inventaire étaient sous-estimées : des corrections ont été apportées, mais elles restent insuffisantes. Enfin, comme l'an dernier, le suivi comptable des flux liés à l'assurance vieillesse des parents au foyer n'est toujours pas fiable : voici un domaine où, au-delà des questions comptables, une simplification de la réglementation s'impose.
Ces difficultés persistantes, qui font l'objet de réserves, ne doivent pas cacher l'importance des progrès accomplis par la branche ni l'ampleur des chantiers engagés, la plupart en bonne voie. Un fichier national des allocataires - le « répertoire national des bénéficiaires » - que nous appelions de nos voeux, a été déployé. Les Caf disposent d'une connaissance désormais plus sûre des ressources des allocataires, obtenue directement auprès de l'administration fiscale.
Les travaux des services d'audit interne et de validation des comptes des organismes du réseau sont maintenant suffisants pour appuyer les vérifications de la Cour. Les opérations de combinaison sont progressivement sécurisées grâce au déploiement d'un nouveau logiciel. Enfin, la Cnaf a engagé la révision complète de son dispositif d'analyse des risques de contrôle interne.
J'en viens aux deux branches dont les comptes avaient déjà été certifiés l'an dernier et sur lesquels nous maintenons notre opinion positive, en incluant des réserves.
En ce qui concerne l'Acoss et le recouvrement, des progrès ont été réalisés, notamment dans la clarification des relations financières avec l'Etat et l'enregistrement de certaines créances en fin d'année. Il reste toutefois des marges de progrès importantes dans la production d'éléments de justification des comptes et dans le contrôle interne des anomalies de recouvrement, notamment pour les artisans et commerçants.
Nous formulons également des réserves concernant les estimations et le traitement comptable de certaines opérations.
Enfin, nous certifions les comptes 2009 de la Cnam, la branche maladie et la branche accidents du travail-maladies professionnelles avec réserves, comme depuis 2006. Des progrès importants ont été réalisés dans le contrôle interne. Cette année, quatre des sept réserves exprimées en 2008 ont pu être levées.
D'autres sujets critiques ont connu des progrès inachevés, mais notables, comme la mise en place d'une comptabilité auxiliaire des prestations et la sécurisation des flux en provenance des mutuelles de fonctionnaires et d'étudiants. Toutefois, des lacunes subsistent, et nous en avons relevé de nouvelles. Elles concernent, entre autres, les dispositifs de contrôle des paiements aux établissements accueillant des enfants handicapés, la prise en charge de soins dispensés par les masseurs-kinésithérapeutes et les médicaments rétrocédés par les hôpitaux.
En accomplissant sa mission de certification, la Cour met en oeuvre la mission que lui confie l'article 47-2 de la Constitution. Elle a ainsi pour ambition de renforcer la confiance dans les comptes publics que doivent avoir les citoyens, les acteurs économiques et leurs représentants.
Chacun sait ainsi qu'en France, les comptes publics sont examinés et vérifiés par une institution indépendante, qui en rend compte au Parlement. Si la Cour a chaque année refusé de certifier les comptes de certaines branches et en a certifié d'autres avec réserves, son objectif est bien sûr de parvenir le plus tôt possible, en liaison avec ses interlocuteurs des régimes sociaux, à certifier sans réserve les comptes de toutes les branches et de toutes les caisses. Pour y parvenir, la Cour aura accompagné dans leur effort de maîtrise des risques, les dirigeants de ces organismes, leurs agents comptables, leur personnel et bien sûr aussi leurs administrations de tutelle. La certification est un exercice d'accompagnement en vue d'une plus grande transparence et d'une plus grande lisibilité.