C'est la première fois que je m'exprime devant la Commission de l'économie en tant que telle et j'en suis ravi. Effectivement, les compétences de votre commission recoupent de nombreuses missions de la Caisse des Dépôts telles que définies par la loi. La Caisse des Dépôts est un groupe public, c'est-à-dire un établissement public et des filiales, au service de l'intérêt général et du développement économique du pays. À ce titre, la Caisse des Dépôts effectue toute mission à la demande des pouvoirs publics ou des collectivités locales. Placée sous la surveillance du Parlement, elle est en quelque sorte « l'entreprise publique » du Parlement et il est donc normal que je vienne vous rendre compte de nos activités sur les trois sujets sur lesquels j'ai été interpellé : le financement des collectivités locales, notre investissement dans La Poste et le FSI.
Concernant le financement des collectivités, nous vivons malheureusement une révolution complète en revenant à la situation dans laquelle nous étions il y a vingt-cinq ans. Au début des années 1960, le financement des collectivités se faisait sur le produit du fonds d'épargne. Très vite, il a été considéré que ce fonds devait se limiter au logement social et des émissions de titres ont donc commencé sur le marché pour financer les collectivités locales avec le Crédit local de France. Puis cette banque, qui a pris son indépendance, est devenue Dexia. En 2007, quand je suis arrivé à la tête de la Caisse des Dépôts, j'ai pu constater que l'affectio societatis avait singulièrement diminué : nous n'avions plus que 11 % du capital et Dexia était partie dans un rêve de banque universelle, dont le bilan pouvait s'accroître de façon démesurée en profitant d'une situation atypique. Dexia prêtait en effet à long terme aux collectivités locales, sur des durées de vingt-cinq à trente ans, à des taux relativement élevés de 4 à 5 % tout en se refinançant, à court terme à des taux de 1 à 1,5 %. Mais la liquidité n'est pas un bien éternel. En 2008, il y a ainsi eu une crise du refinancement, les banquiers ne prêtant plus aux banquiers. Dexia a dû faire face alors à un problème de liquidité majeur, qui a conduit dans l'urgence à une recapitalisation à hauteur de plus de six milliards d'euros pour redonner confiance aux acteurs du système et permettre à Dexia de se refinancer. Le nouvel administrateur délégué de Dexia, Pierre Mariani, a entrepris tout ce qui était en son pouvoir, avec le soutien de ses actionnaires, pour réduire la taille du bilan de Dexia. La réduction opérée a dépassé cent milliards d'euros. Il a vendu une filiale américaine de rehaussement de crédits, qui faisait courir de lourds risques à la banque.
Cependant, il n'a pas été en mesure de surmonter la crise de défiance de septembre-octobre 2011, liée à la crise des dettes souveraines. Après la dégradation de la note des États-Unis, le 5 août, un nouveau cycle de défiance entre les banques s'est en effet enclenché. L'impact sur Dexia a été fort en raison de l'exposition de cette banque sur la dette de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce. Pour survivre, Dexia a envisagé, dès le début de septembre, de revendre à la Caisse des Dépôts la structure qui lui servait à refinancer les prêts aux collectivités locales. Je m'explique. Le financement aux collectivités se faisait à travers Dexia-crédit local, qui détenait 40 % du marché il ya encore deux ans, mais dont la part était tombée depuis à 10 %. Dans cette activité, intervenaient deux entités, l'une dédiée à l'origination des prêts, l'autre au refinancement, DexMA. Cette dernière faisait de la gestion actif/passif : en face des prêts à long terme des collectivités locales, elle utilisait les bénéfices de la loi de 1999 sur les sociétés de crédit foncier pour lever des ressources sous forme d'obligations à long terme très sécurisées. Dexia a considéré que la vente de cette activité à la Caisse des Dépôts, avec tout le portefeuille associé, soit près de 80 milliards d'euros environ, pouvait constituer une réponse à la crise qu'elle traversait, car, dans cette société de refinancement, se trouve un besoin de liquidité de 15 milliards d'euros correspondant à ce qui est nécessaire pour sécuriser les détenteurs d'obligations foncières. La Caisse des Dépôts a observé que, même en rachetant ce portefeuille pour un euro symbolique, cela occasionnerait une perte de première consolidation de près de 5 milliards d'euros, car les taux d'intérêts auxquels les prêts avaient été accordés étaient avec des marges d'intérêt beaucoup plus basses que celles auxquelles on pourrait les reprêter aujourd'hui. À quoi s'ajoutait le risque sur les emprunts dits toxiques dans la mesure où l'on peut s'attendre à ce que les collectivités locales les renégocient. Nous avons donc demandé à l'État des garanties, qui ont fait l'objet de la loi de finances rectificative en cours d'adoption.
Bien que les États aient donné leur garantie globale à Dexia au cours de la troisième semaine de septembre et alors que le rachat de DexMA n'était plus indispensable à la survie de Dexia, la Caisse des Dépôts a poursuivi le projet en raison de l'importance de la question du financement des collectivités locales. La situation du financement des collectivités est aujourd'hui la suivante. Les banques commerciales sont réticentes à prêter, notamment en raison des nouveaux ratios de Bâle III, qui obligent à inscrire dans le bilan, en face d'un emploi de long terme, une ressource de long terme. Or, ces ressources sont coûteuses, de sorte que les banques hésitent à aller sur ce marché. La Caisse des Dépôts et le groupe La Poste ont donc le projet de mettre en place, pour le début de 2012, une nouvelle banque, dont le nom sera dévoilé bientôt, pour prêter aux collectivités. Elle sera détenue à 65 % par la Banque postale et à 35 % par la Caisse des Dépôts. Parallèlement, l'activité de refinancement sera assurée par Dexma détenue à 65 % par la Caisse des Dépôts, à 5 % par la Banque postale, Dexia en conservant 30%. Nous espérons pouvoir commencer à délivrer les nouveaux prêts à la fin du premier trimestre 2012. Dans l'intervalle, le premier ministre a annoncé, le 7 octobre, qu'il dégageait une enveloppe de 3 milliards d'euros sur fonds d'épargne pour satisfaire aux besoins d'emprunts des collectivités de fin d'année. Elle sera distribuée, pour moitié, entre les banques commerciales et la Caisse des Dépôts. Le taux auquel sortiront les prêts sera connu dans les prochains jours. Il devrait se situer au taux du Livret A + 185 pb. Ces prêts pourront être soit souscrits directement auprès de nos directeurs régionaux, soit auprès de banques qui auront soumis pour des adjudications qui doivent avoir lieu très prochainement. Nous espérons que cette enveloppe de 3 milliards d'euros sera suffisante, dans la mesure où les informations qui nous remontent donnent à penser que la demande de 2011 sera peut-être supérieure à celle de 2008. En novembre 2008, nous avions mis en place une enveloppe de 5 milliards d'euros, qui n'avait été consommée qu'à hauteur de 2,7 milliards d'euros. Je vous invite à nous faire remonter les difficultés qui pourraient se poser sur tel ou tel territoire.
Pour finir sur ce thème, je considère que notre projet de joint venture avec La Poste n'est pas concurrent du projet d'Agence de financement des collectivités locales. S'il existe un bon projet de l'Agence de financement des collectivités locales, nous croyons à la concurrence et nous croyons qu'il est nécessaire que puissent se développer des établissements capables de répondre aux besoins des collectivités - même si je pense que cette agence devrait plutôt répondre aux besoins des grandes collectivités. J'ai indiqué au président de l'Association des maires des grandes villes de France et au président de l'Association des maires de France que nous étions ouverts à toutes les discussions possibles entre l'agence et notre joint venture avec La Poste.