Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 mai 2011 : 1ère réunion
Application du principe de subsidiarité en matière de tva — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur :

Le 28 avril 2011, la commission des affaires européenne a déposé, à l'initiative de notre collègue Jean Bizet, une proposition de résolution sur l'application du principe de subsidiarité en matière de TVA. Cette résolution s'inscrit dans le cadre de la consultation lancée par la Commission européenne sur le système de TVA. Elle vise à élargir la faculté pour les Etats membres de l'Union européenne de recourir à des taux réduits de TVA, dès lors que ce recours « ne crée pas de dysfonctionnement dans le marché intérieur et qu'il n'y a pas de risque de distorsion de concurrence ». Sous cette condition, le principe de subsidiarité trouverait à s'appliquer en matière de TVA et dans certains secteurs. Parmi ces secteurs, la filière équine est explicitement visée par la proposition de résolution.

Quel est le contexte de cette proposition de résolution ?

Tout d'abord, il convient de rappeler qu'au regard des recettes fiscales, la TVA représente actuellement l'impôt le plus « productif » dans notre pays. Son produit est évalué à 177,2 milliards d'euros en 2011, soit 52 % du total des recettes fiscales au cours de cet exercice.

Essentielle à l'équilibre budgétaire de par son rendement, la TVA représente également un impôt d'avenir. La Commission européenne le souligne dans son Livre vert de décembre 2010. Elle relève que, dans les années à venir, « il est possible que le financement de l'Etat-providence doive reposer moins qu'aujourd'hui sur l'imposition du travail et des revenus du capital (épargne), ce qui plaide (...) en faveur d'un basculement vers la fiscalité indirecte ». Cette analyse est bien connue de notre commission, qui s'est depuis déjà fort longtemps prononcée en faveur de la création d'une « TVA sociale »... Un nombre croissant de pays européens s'y rallient : le Danemark, l'Allemagne et, plus récemment, le Royaume-Uni ainsi que le Portugal, ou dans un futur proche la République tchèque. D'une certaine manière, on peut d'ailleurs interpréter le Livre vert de la Commission européenne sur l'avenir de la TVA comme procédant d'un souci d'anticiper et de préparer le « basculement » des systèmes de prélèvements obligatoires en modernisant le principal impôt d'avenir qu'est la TVA.

Dans cette perspective d'ensemble, les taux réduits de TVA constituent autant de niches fiscales, qui plus est très coûteuses. Faut-il rappeler que la dépense fiscale se concentre aujourd'hui dans notre pays à hauteur de 26 % sur la TVA ? Parmi les vingt-et-un dispositifs les plus coûteux (c'est-à-dire à plus d'un milliard d'euros) figurent cinq mesures ayant trait à la TVA. L'augmentation d'un point de TVA à taux réduit rapporterait 2,3 milliards d'euros.

Actuellement, les directives européennes encadrent strictement le recours aux taux réduits, mais de manière très insatisfaisante. Reposant sur le principe d'unanimité, la procédure de révision de la liste des biens et des services pouvant faire l'objet d'un taux réduit souffre à la fois d'une extrême longueur, d'une grande complexité et d'une certaine opacité. Elle incite en réalité les gouvernements à avoir recours à un double langage, en prenant des engagements au niveau national tout en sachant qu'il y aura blocage au niveau communautaire. D'autre part, elle crée de l'incertitude dans les secteurs économiques concernés compte tenu des délais très longs. Enfin, elle peut engendrer des « coûts cachés », puisque l'accord unanime des Etats membres ne peut généralement être obtenu sans concessions sur d'autres sujets.

Il paraît donc souhaitable de souligner dans la proposition de résolution ces motifs d'insatisfaction, qui sont autant d'éléments essentiels à prendre en compte dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur le recours aux taux réduits de TVA par les Etats membres.

Dans sa proposition de résolution, la commission des affaires européennes prône l'application du principe de subsidiarité dans le domaine de la TVA. Si ce principe mérite d'être exploré, les conséquences qui pourraient en découler doivent cependant être évaluées de manière approfondie : notamment les fortes pressions de la part des groupes d'intérêts qui ne manqueraient pas de formuler des demandes reconventionnelles (qu'on pense au chocolat, à la margarine...). C'est la raison pour laquelle il est nécessaire (et plus prudent...) de compléter la rédaction de la présente proposition de résolution en demandant au Gouvernement d'« étudier les avantages et les inconvénients d'une application du principe de subsidiarité à la détermination des taux réduits de TVA ».

L'autre enjeu soulevé par la proposition de résolution déposée par nos collègues de la commission des affaires européennes réside dans la question du taux intermédiaire. En France, la création d'un taux intermédiaire présenterait l'avantage de réduire l'écart important (14,1 points) qui existe aujourd'hui entre le taux normal et le taux réduit, et donc le coût budgétaire de certains taux dérogatoires.

Cette solution pourrait trouver, par exemple, un terrain d'application dans le cas de la TVA sur la filière équine, dont le coût du taux réduit est estimé à 200 millions d'euros. Sur ce point, je vous propose un amendement rédactionnel, pour faire apparaître la référence à un taux intermédiaire pour la filière équine à une place plus pertinente dans le texte.

En tout état de cause, la politique conduite en matière de taux réduit de TVA doit devenir plus cohérente. Nous avions déjà eu l'occasion de le dire lors des débats autour du prix du livre numérique, et cette proposition de résolution nous donne l'occasion de le répéter s'agissant de la filière équine. Actuellement, en France, cette filière est considérée, à juste titre, comme faisant partie intégrante de la filière agricole. Elle est donc soumise au taux réduit de TVA. Cependant, la Commission européenne conteste cette application du taux réduit et a engagé un certain nombre de procédures en manquement contre des Etats, dont la France. Plusieurs arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) semblent lui donner raison. Pour autant, dans un souci de cohérence fiscale, il paraît éminemment souhaitable de s'associer au souhait de la commission des affaires européennes que le taux réduit de TVA, ou un éventuel taux intermédiaire, puisse continuer d'être appliqué à l'ensemble de cette filière.

Enfin, il est impératif de rappeler dans la proposition de résolution la doctrine de notre commission en matière d'équilibre des finances publiques. De la règle d'équilibre que la France a commencé de mettre en oeuvre avec la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, il découle un principe simple de compensation : si de nouveaux taux réduits de TVA devaient être décidés, il conviendrait d'accroître l'effort discrétionnaire annuel d'un montant équivalent à celui du coût des nouvelles niches en matière de TVA. Cette règle de compensation et d'équilibre budgétaire pourrait d'ailleurs, dans les semaines à venir, devenir une obligation constitutionnelle.

Je propose donc à la commission d'adopter la proposition de résolution de la commission des affaires européennes, modifiée et complétée par deux amendements traduisant les observations que je viens de vous exposer.

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