À titre liminaire, M. Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France, a présenté le rapport de la délégation générale comme le bilan des évolutions, sur la période 2007-2008, de l'action coordonnée des administrations concernées par la politique linguistique gouvernementale. Il a souligné le fait qu'un tel rapport était présenté à la représentation nationale pour la première fois dans le cadre d'une audition.
Il a observé, tout d'abord, que, malgré la vocation interministérielle de la délégation, les administrations ne communiquaient qu'inégalement les données relatives à la mise en oeuvre, dans leur champ de compétence respectif, de la politique linguistique du Gouvernement. Des enquêtes ponctuelles ont permis, toutefois, d'analyser l'efficacité des actions menées par les administrations pour garantir le droit au français dans deux domaines particulièrement sensibles : le monde du travail et celui de la recherche scientifique.
Une première enquête, menée à partir d'un panel de sept millions de salariés dans des entreprises de vingt salariés et plus, a révélé que 25 % des salariés étaient amenés à recourir, dans le cadre de leur travail, à une langue étrangère, dont l'anglais dans 90 % des cas. En outre, 31 % des personnes interrogées ont déclaré recevoir des messages en langue étrangère, alors que cela représente une gêne pour 23 % d'entre eux, cette situation pouvant éventuellement déboucher sur des sentiments d'exclusion.
a ajouté que ces résultats avaient été exposés à l'occasion d'un séminaire, en décembre 2007, sur le français en tant que langue de l'entreprise. Dans le cadre de cette réunion, les pratiques linguistiques des entreprises ont fait l'objet d'une réflexion approfondie, notamment en matière de défense de la langue française, mais aussi d'amélioration des compétences linguistiques dans le monde de l'entreprise.
En outre, une enquête sur la place du français dans le domaine de la recherche scientifique, menée à partir d'un panel de 2.000 directeurs de laboratoire et directeurs de recherche, a permis de constater la suprématie de l'anglais dans les sciences exactes conjuguée à une domination plus nuancée dans les sciences humaines et sociales. Ces résultats soulignent la nécessité d'encourager beaucoup plus fortement la diffusion des travaux scientifiques en langue française.
s'est employé, ensuite, à commenter l'état de l'application de la loi du 4 août 1994 précitée par les administrations. Il a relevé que, dans le domaine de la consommation, les informations communiquées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la Direction générale des douanes (DGD), qui disposent de près de 10 000 agents chargés de veiller à l'application de la loi, ne font pas apparaître d'évolutions significatives : si l'on constate une tendance à l'augmentation du nombre des contraventions, les manquements constatés demeurent de faible gravité et le nombre de décisions des tribunaux en la matière restent stables, de l'ordre d'une centaine par an.
Il a souligné, en revanche, un fait nouveau : les atteintes au droit du travail, s'agissant de l'emploi de la langue française dans les entreprises, rencontrent désormais un écho dans une opinion publique qui témoigne d'une sensibilité accrue vis-à-vis du rôle du français dans le renforcement de la cohésion nationale. Au nombre des affaires portées devant la justice et impliquant des entreprises accusées de ne pas respecter les règles relatives à l'usage du français sur le lieu de travail, figure la décision du tribunal administratif de Paris, du 27 juin 2008, de condamner l'INSERM pour avoir imposé l'usage de la seule langue anglaise dans l'audition des équipes de direction au Conseil scientifique.
Dans ces conditions, M. Xavier North a reconnu qu'un effort massif devrait être engagé en faveur du français dans la recherche et l'enseignement supérieur. Il a notamment fait référence aux données transmises par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris qui révèlent une augmentation significative des modules délivrés en anglais dans les écoles de commerce prestigieuses, au détriment de l'enseignement en français.
Il a estimé, par ailleurs, que les efforts en matière de défense de la langue française devaient également être intensifiés dans le domaine de la publicité. Il a notamment insisté sur le fait que l'affichage publicitaire pose de sérieux problèmes de respect de l'usage de la langue française. A cet égard, il a relevé un avis rendu par le Conseil de l'éthique publicitaire en 2007 qui formule un certain nombre de recommandations en vue de susciter l'envie de se réapproprier notre langue chez les publicitaires. Dans cette démarche de sensibilisation, un partenariat avec France Télévisions peut être envisagé.
a rappelé la place importante accordée par la délégation à deux problématiques particulières : la pratique de la langue française par les migrants et la promotion des langues régionales de France.
En matière de lutte contre l'illettrisme, les tests menés lors des journées d'appel et de préparation à la défense révèlent qu'un nombre préoccupant de jeunes (12 % en métropole, 30 % outre-mer en 2007) quittent l'enseignement en grande difficulté de lecture. La bonne maîtrise du français, à l'oral comme à l'écrit, est donc aujourd'hui un objectif prioritaire de l'éducation nationale et des programmes rénovés visant à prévenir l'illettrisme sont entrés en vigueur en 2008 à l'école, et le seront au collège en 2009.
a souligné le rôle du français en tant que vecteur de l'intégration sociale pour les migrants. La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a en effet fait de l'évaluation du degré de connaissance de la langue française une étape majeure de l'intégration républicaine dans la société française. En outre, la loi n° 2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale prévoit que la formation professionnelle tout au long de la vie au sein de la fonction publique territoriale comprend des actions de lutte contre l'illettrisme et pour l'apprentissage de la langue française.
Il a, par ailleurs, salué l'implication de la Haute assemblée dans le débat qui a conduit à la reconnaissance constitutionnelle de la valeur patrimoniale des langues régionales de France, à l'occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Leur enseignement, proposé aux élèves dans les écoles, collèges et lycées de France métropolitaine et d'outre-mer, continue de s'inscrire dans le dispositif rénové de l'enseignement des langues régionales mis en place au cours des années scolaires précédentes.
S'agissant du travail d'enrichissement de la langue française, le délégué général a souligné l'importance des travaux de la commission générale de terminologie et de néologie qui produit 317 termes nouveaux, publiés au Journal officiel. Pour répondre au souhait d'une meilleure diffusion de ce vocabulaire, la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) a modernisé et amélioré son outil de diffusion sur Internet. Un nouveau site en libre accès depuis septembre 2007, intitulé « FranceTerme » offre une base de données regroupant le vocabulaire recommandé, des rubriques destinées à un public diversifié et un outil de collaboration entre les diverses commissions spécialisées.
Sur la place du français dans les organisations internationales, M. Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France, a relevé l'interprétation à la fois restrictive et extensive de la loi à laquelle se prête la délégation générale. Celle-ci met traditionnellement l'accent, tour à tour, sur une organisation internationale, comme cela a été le cas auparavant pour l'Organisation des nations unies (ONU) à New York puis pour les organes de l'ONU en Europe. La délégation générale s'intéresse aujourd'hui plus particulièrement à la place du français dans l'architecture institutionnelle du droit international. Malgré la parité théorique des deux langues officielles de la Cour européenne des droits de l'homme, le français et l'anglais, M. Xavier North a regretté qu'eu égard au rôle central des juristes dans la détermination du régime linguistique applicable, la rédaction des décisions et des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme se caractérise, compte tenu de la répartition entre anglophones et francophones, par un déséquilibre en faveur de l'anglais. Il importe donc d'encourager les diplomates et les fonctionnaires internationaux à intensifier leurs efforts dans la pratique du français au sein des instances juridiques internationales.
La demande de français dans le monde demeure forte : si le nombre de professeurs de français dans le monde reste stable (près de 900.000), celui des étudiants de français dans notre réseau de centres culturels est en augmentation, notamment dans les pays émergents.
En outre, le délégué général a indiqué que, s'agissant de la place du français sur Internet, un rééquilibrage entre l'anglais et les autres langues était en train de s'opérer. Si la place de l'anglais sur la toile a diminué de moitié en grande partie du fait de la montée en puissance du chinois, celle du français demeure satisfaisante dès lors que, pour une communauté francophone évaluée à 1,97 % de la population mondiale, la proportion de contenus francophones sur Internet est estimée à 4,41 %. Il a ajouté que le poids cumulé des langues romanes sur Internet reste considérable : à 100 pages en anglais correspondent 55 pages en langues romanes ; sur le total des pages de la toile (toutes langues confondues), les pages en langues romanes représentent 12,6 %. Or, à l'intérieur de l'espace des langues romanes, le français dépasse l'espagnol et le portugais alors que le nombre d'hispanophones et de lusophones dans le monde (au total 605 millions) est beaucoup plus important que celui des francophones.
Evoquant le XIIe sommet de la francophonie qui s'est tenu à Québec du 17 au 19 octobre 2008, M. Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France, a relevé que pour la première fois dans l'histoire de la francophonie institutionnelle a été adoptée une résolution spécifique sur la langue française. Dans cette résolution, les chefs d'Etat et de gouvernement demandent notamment au Secrétaire général de la francophonie d'entamer les démarches visant à conclure un pacte linguistique avec les Etats et les gouvernements qui le souhaitent. Ils demandent également à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) d'accompagner les Etats qui s'engagent en faveur du français pour contribuer à garantir un enseignement de qualité à tous les niveaux de formation.
S'agissant de la place du français dans les institutions de l'Union européenne (UE), le Commissaire européen en charge du multilinguisme, M. Léonard Orban, est intervenu dans le cadre des Etats généraux du multilinguisme, qui se sont tenus le 26 septembre 2008 à la demande de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication : c'est la première fois que la question a été abordée sous l'angle des langues parlées par les sociétés civiles, et pas seulement en termes de traduction des documents de l'UE dans des langues autres que l'anglais. Ces Etats généraux ont recommandé, notamment, un projet de résolution à soumettre au prochain Conseil des ministres de l'UE chargés de l'éducation, de la culture et de la jeunesse, qui préconise une réflexion sur la pertinence et la faisabilité d'un grand programme européen de soutien à la traduction, qui pourrait être au plurilinguisme ce que le programme ERASMUS est à la mobilité des personnes dans l'UE.
Un large débat s'est ensuite engagé.