Je voudrais vous dire, M. Balligand, que je partage beaucoup de vos observations, mais que, selon moi, vous n'allez peut-être pas assez loin dans certains domaines.
Tout d'abord, quand vous dites qu'il n'y pas eu de décentralisation nouvelle, c'est à la fois vrai et faux car il y a une décentralisation rampante, l'Etat chargeant les collectivités territoriales de diverses missions, d'ailleurs sans compensation financière. A cet égard, je vous rejoins sur la problématique des normes, qui doivent être jugulées.
J'ai un point de vue différent du vôtre sur les questions fiscales et financières. Sur ces sujets nous devons changer radicalement notre mode d'appréhension : nous vivons dans des schémas passéistes, où les collectivités territoriales semblent s'accrocher à un rapport quasi hiérarchique avec l'Etat, notamment en matière de finances locales. En Allemagne, et dans d'autres pays fédéraux, les collectivités disposent certes de garanties financières, mais elles sont aussi animées d'une solide culture de la négociation avec l'Etat ; elles sont dégagées de cette forme de rapport hiérarchique avec lui, alors que nos collectivités territoriales semblent souhaiter le conserver, se plaçant ainsi dans une posture défensive. L'exemple de la conférence nationale des exécutifs illustre bien cette incapacité à faire naître une véritable culture de la négociation entre l'Etat et les collectivités territoriales.
C'est pour cela que le débat sur l'autonomie fiscale me semble dépassé : l'important est que les collectivités territoriales conservent leur autonomie financière ; elles peuvent très bien y parvenir, et ce serait leur intérêt, en négociant des parts d'impôts, ce qu'elles ne font malheureusement pas. L'Etat s'en accommode d'ailleurs fort bien car cela lui permet de mettre les collectivités territoriales sous coupe réglée avec les nouvelles modalités de financement qu'il choisit.
La véritable décentralisation ce ne serait donc pas l'autonomie fiscale, qui est un objectif illusoire, mais une révolution culturelle en matière de négociation avec l'Etat, doublé d'une révolution institutionnelle. Nous devons enfin sortir de notre schéma jacobin.
Sur la répartition des compétences, je suis favorable au dispositif de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales. Cette nouvelle répartition des compétences est plus saine, plus claire et devrait permettre des économies d'échelle. Mais, il y a une deuxième révolution à faire, vis-à-vis de l'Etat : sans doute de nouvelles compétences devraient être décentralisées ; mais nous pourrions aussi imaginer de rendre à l'Etat un certain nombre de celles qui sont aujourd'hui exercées par les collectivités territoriales, comme les SDIS par exemple.
Sur la péréquation enfin, et plus particulièrement la péréquation horizontale, je suis plus confiant que vous sur sa réalité au niveau du bloc communal où, me semble-t-il, les évolutions sont désormais bien engagées. En revanche, je suis plus réservé au niveau des régions et des départements : le dispositif qui a été mis en place ne me semble pas parfait et je crois que les départements et les régions ne travaillent pas suffisamment sur ces sujets entre eux ; c'est particulièrement frappant au niveau des régions qui ne semblent pas vouloir faire de péréquation, comme on le voit depuis des années dans le cadre des travaux du comité des finances locales.