Intervention de Jean Arthuis

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 octobre 2006 : 2ème réunion
Entreprises — Développement de la participation et de l'actionnariat salarié - demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président :

a indiqué que ce déplacement se situait dans le cadre des travaux menés par la commission, depuis déjà longtemps, sur la mondialisation de l'économie. Il a rappelé que, chaque année, de 2002 à 2005, des délégations du bureau s'étaient rendues respectivement au Brésil, en Argentine, en Chine et en Inde.

Il a estimé que l'Asie orientale était « une région en mouvement », évoquant, parmi les sujets d'actualité, l'accession de M. Shinzo Abe à la fonction de Premier ministre du Japon le 26 septembre 2006, et, le 9 octobre 2006, la réalisation présumée d'un essai nucléaire souterrain par la Corée du Nord, suivie de la recommandation, par le Conseil de sécurité de l'ONU, que M. Ban Ki-Moon, ministre des Affaires étrangères de Corée du Sud, devienne secrétaire général de l'ONU au 1er janvier 2007.

Il a rappelé que la délégation du bureau, qu'il avait eu l'honneur de présider, comprenait, outre lui-même, MM. Philippe Marini, rapporteur général, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Michel Moreigne et François Marc, et qu'il avait obtenu l'accord de l'ensemble des participants pour être cosignataires, le cas échéant, du rapport d'information.

Il s'est félicité de ce que la délégation ait pu rencontrer des responsables de haut niveau : en Corée, un ministre et un vice-ministre, des parlementaires, le président de l'autorité de régulation financière coréenne, le vice-président de l'organisation représentant le patronat, des représentants des milieux d'affaires français ; au Japon, deux ministres, le gouverneur de la Banque du Japon, le président de l'autorité de régulation financière japonaise, des personnalités politiques de premier rang, des parlementaires, des hauts fonctionnaires, des économistes, des spécialistes des relations avec la Chine, des personnalités du monde académique, des personnalités françaises et japonaises des secteurs financier et industriel.

Après avoir rappelé que le Japon et la Corée avaient aujourd'hui un niveau de vie, exprimé en parité de pouvoir d'achat, identique à celui respectivement de l'Europe occidentale et du Portugal, il a déclaré que les économies du Japon et de la Corée connaissaient aujourd'hui certaines difficultés. Il a estimé que la stagnation de l'économie japonaise dans les années 1990 provenait, notamment, d'une incapacité des pouvoirs publics à réformer son système bancaire, une telle réforme n'ayant été mise en oeuvre qu'à compter de 1998. Il a considéré qu'en Corée, le manque de transparence des chaebols, c'est-à-dire des grands groupes économiques, avait été une cause essentielle de la grave crise économique traversée par le pays en 1998.

Il a souligné que le Japon était le pays dont la dette publique brute, de l'ordre de 160 % du PIB, était la plus élevée de l'OCDE. Il a indiqué que, comme dans certains pays occidentaux, le gouvernement affirmait pouvoir réduire le déficit public par la seule maîtrise de la dépense, ce que certains observateurs jugeaient irréaliste, en particulier du fait du vieillissement de la population, qui poussait les dépenses à la hausse.

Il a jugé que si le quasi-plein emploi que l'on pouvait observer dans ces pays, avec un taux de chômage de seulement 4,4 % au Japon et 3,7 % en Corée en 2005, provenait en partie d'une logique de « partage du travail », avec, dans le cas du Japon, une forte flexibilité à la baisse des horaires et des rémunérations, il s'expliquait également par le fait que Japonais et Coréens étaient souvent contraints d'accepter des emplois qui trouveraient difficilement preneur en France.

Il a considéré que la croissance structurelle des deux économies tendait à se ralentir. Il a estimé que la croissance structurelle de l'économie japonaise était désormais de l'ordre de 1,5-2 % par an, et que si la croissance structurelle de l'économie coréenne était encore de 5 % par an environ, elle tendait à diminuer, du fait du vieillissement de la population et de la fin du « rattrapage » économique. Il a souligné à cet égard que la Corée avait un taux de fécondité de 1,17 enfant par femme en 2002, ce qui était le taux le plus bas de l'OCDE, avec celui de la République tchèque. Il a ajouté qu'une éventuelle réunification des deux Corée, dont les niveaux de vie présentaient un écart de l'ordre de 1 à 10 - la Corée du Nord étant l'un des Etats les plus pauvres du monde - pourrait avoir de graves conséquences sur l'économie de la Corée du Sud.

a rappelé qu'il s'attachait, en particulier depuis un rapport d'information publié en 1993 (337, 1992-1993), à faire oeuvre de pédagogie au sujet de la mondialisation, et à combattre la tendance contemporaine à « diaboliser » cette dernière. Il a considéré que si la mondialisation était, incontestablement, une bonne chose, elle pouvait avoir des conséquences dommageables pour l'emploi dans les pays développés. Le progrès technique, qu'elle favorisait, nuisait à l'emploi des personnes les moins qualifiées ; par ailleurs, la délocalisation de certaines activités était également un facteur de chômage.

Il a considéré que le Japon et la Corée commençaient à connaître certaines des conséquences négatives de la mondialisation. Il a souligné que l'emploi précaire se développait dans les deux pays, indiquant qu'au Japon, la quasi-totalité des créations nettes d'emplois depuis 1990 avaient consisté en des emplois dits « irréguliers ». Il a jugé symptomatique que le débat français sur le contrat première embauche (CPE) ait été contemporain d'un débat analogue en Corée, relatif à deux projets de loi, considérés par une partie de l'opinion publique comme la manifestation d'une volonté de développer l'emploi précaire.

Il a considéré que si le Japon était parvenu à se spécialiser dans les produits à fort contenu technologique, tel était moins le cas de la Corée, pour l'instant du moins, ce qui la soumettait à une concurrence croissante de la part de la Chine.

Il a estimé que, contrairement à ce qui était souvent affirmé, la théorie économique reconnaissait que le développement de la Chine pourrait être défavorable à l'emploi dans les pays développés. Evoquant un article publié par M. Paul Samuelson, prix Nobel d'économie, dans le « Journal of Economic Perspectives » de l'été 2004, il a considéré que des gains de productivité de la part de la Chine dans les secteurs à fort contenu technologique pourraient amener celle-ci à produire à la fois dans ces secteurs et dans ceux à faible contenu technologique, réduisant considérablement l'intérêt des pays occidentaux à commercer avec elle.

a alors présenté les principaux aspects qui seraient développés dans le rapport d'information, dont l'ensemble des membres de la délégation seraient cosignataires. Il a souligné, en particulier, que, dans les deux pays, la restructuration du système bancaire avait nécessité l'injection massive de fonds publics, à hauteur de 20 % du PIB au Japon et de 30 % du PIB en Corée, ainsi que l'instauration d'une autorité de régulation unique pour l'ensemble du secteur financier. Il a rappelé que le Japon avait connu depuis 1999 une inflation négative, et que la Banque du Japon avait mené, depuis 1999, une politique dite de « taux zéro », et, d'avril 2001 à mars 2006, une politique monétaire originale, dite « quantitative », consistant en l'injection massive de liquidités. Il a considéré que le Japon pratiquait un protectionnisme de fait, par le biais de réglementations techniques, et que son marché était difficilement accessible, à cause de son système de distribution. Il a estimé que le yen et le won étaient sous-évalués d'environ 20 % par rapport au dollar.

Il a souligné le faible taux de chômage de la Corée et du Japon, indiquant qu'au pire des ralentissements économiques récents, ce taux, en période de croissance significative, de l'ordre de 3-4 %, n'avait été « que » de 6,9 % en 1998 pour la Corée et de 5,4 % en 2002 pour le Japon. Il a jugé que si le ralentissement économique avait suscité peu de chômage au Japon, cela incombait, en particulier, à une diminution de 10 % de la durée du travail depuis 1990 et à une diminution de 6 % des salaires réels de 1997 à 2003. Il a souligné, en outre, que le Japon faisait partie des trois Etats où le travail à temps partiel était le plus développé, et qu'il y correspondait à 25 % des travailleurs, contre 15 % dans l'OCDE. Il a considéré que le faible chômage structurel du Japon provenait de facteurs difficilement transposables en France, comme la mince générosité de l'indemnisation du chômage, et de facteurs culturels.

Il a rappelé que la dette publique brute du Japon était de 160 % du PIB, ce qui était le taux le plus élevé de l'OCDE. Il a précisé que son déficit public annuel était de l'ordre de 6 % du PIB. Il a considéré que l'on pouvait tirer de cette situation plusieurs enseignements : l'inefficacité des politiques de relance budgétaire ; le fait que c'était la charge de la dette qui rendait le taux d'endettement public plus ou moins supportable, cette charge étant maintenue au Japon à un faible niveau grâce à des taux d'intérêt à long terme de l'ordre de 1,5 %, contre environ 4 % dans la plupart des autres pays ; et le caractère parfois incontournable d'une augmentation de la fiscalité, en particulier de la TVA, dans le cadre d'une politique de réduction du déficit public. Il a souligné, à cet égard, que si le Premier ministre japonais actuel et son prédécesseur n'avaient pas clairement pris position en faveur d'une telle augmentation, les interlocuteurs politiques rencontrés par la délégation avaient laissé entendre que l'assainissement des finances publiques ne pourrait pas être réalisé par la seule maîtrise des dépenses. Il a considéré que le Japon devrait, à moyen terme, augmenter son taux de TVA, actuellement de 5 %, soulignant qu'il avait en ce domaine une marge de manoeuvre plus grande que la France, dont le taux normal de TVA était déjà de 19,6 %.

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