Intervention de Alain Pichon

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 octobre 2009 : 1ère réunion
Contrôle budgétaire — Enquête de la cour des comptes - crédits de la présidence française de l'union européenne - Audition pour suite à donner

Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes :

En préambule, M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, a tenu à souligner que les travaux de la Cour se sont déroulés dans les meilleures conditions, grâce à la collaboration des services du secrétariat général pour la PFUE (SGPFUE), des services du Premier ministre ainsi que de ceux du ministère des affaires étrangères et européennes.

Puis il a mis en avant le caractère factuel du rapport, dépourvu de jugement sur les effets et les résultats de la PFUE. Il a ajouté que la Cour des comptes avait procédé au même exercice dans le cadre de la PFUE de l'année 2000. Ce contrôle avait abouti à un référé sévère en 2004 révélant les dysfonctionnements et les désordres budgétaires du dispositif alors mis en place. Il s'est félicité que l'organisation réalisée dans le cadre de la PFUE de 2008 ait tenu compte des critiques de 2004. Il a précisé qu'aucune autre institution supérieure de contrôle dans un Etat membre de l'Union n'a produit de rapport public sur la consommation des crédits de la présidence de l'Union européenne. Ce contrôle effectué à la demande de la commission des finances du Sénat participe, en conséquence, à l'information du citoyen, principe désormais constitutionnel.

Puis il a développé les principales conclusions de l'enquête de la Cour des comptes. S'agissant tout d'abord de l'organisation administrative et budgétaire, il a observé la réalisation de réels progrès, notamment en matière de coordination interministérielle et de suivi de la mise en place des crédits.

La nomination d'un secrétaire général de la PFUE, la conformité de l'architecture budgétaire à la LOLF ainsi que la gestion déconcentrée des crédits constituent une amélioration en termes de mise en oeuvre du dispositif et de suivi des dépenses par rapport au cadre fixé lors de la présidence de 2000.

Les crédits ont été inscrits au programme 306 « PFUE » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » dans le cadre des lois de finances pour 2008 et 2009. Ils ont été répartis au sein de trois actions, celles liées aux activités obligatoires et traditionnelles de l'exercice de la présidence de l'Union européenne à hauteur de 60 millions d'euros, celles relatives aux initiatives propres à la présidence française pour un montant de 73 millions d'euros ainsi que celles rattachées aux activités interministérielles pour 15 millions d'euros. Trois budgets opérationnels ont été définis, s'attachant respectivement aux services du Premier ministre, au ministère des affaires étrangères et européennes, ainsi qu'à seize autres ministères.

A l'exception de quelques incertitudes juridiques sur le plan administratif et budgétaire, la Cour relève de façon positive que l'ensemble des dispositifs ont été mis en oeuvre avec une économie de moyens en termes d'emplois. Elle constate que les objectifs sur le plan matériel ont été atteints. La PFUE n'a conduit qu'à un nombre limité de créations d'emplois grâce au recours à des bénévoles ainsi qu'à des équipes réduites d'une remarquable efficacité. Le SGPFUE et le service du protocole ont été mobilisés « jour et nuit ».

a ensuite souligné une sous-consommation des crédits de la PFUE à hauteur de 16 % des autorisations d'engagement. En effet, les crédits en loi de finances pour 2008 étaient fixés à 188,6 millions d'euros. Puis les autorisations d'engagement ont été ramenées à 178,9 millions d'euros, en raison de gels et de blocages. La dépense effective au 30 septembre 2009 s'élève à 151,5 millions d'euros. L'évaluation finale devrait établir une consommation des crédits inférieure à 150 millions d'euros. Sans porter de jugement, M. Alain Pichon observe que la différence de crédits procède à la fois d'une surévaluation initiale des crédits et d'un souci de réduction de la dépense. Il relève qu'au moment de l'inscription des crédits dans le projet de loi de finances, la PFUE affichait une grande ambition que le contexte économique permettait de porter.

De surcroît, il a indiqué que le montant de la consommation des crédits à hauteur de 150 millions d'euros ne représente pas la totalité des dépenses réalisées dans le cadre de cette présidence. Certaines d'entre elles ont été prises en charge par le budget de différents ministères. A défaut d'un recensement exhaustif, M. Alain Pichon évalue ce montant entre 5 et 10 millions d'euros. Il convient de tenir compte également de la dotation budgétaire versée par l'Union européenne à hauteur de 9 millions d'euros. Les collectivités territoriales ont aussi contribué à la réalisation de certaines des manifestations de la présidence. Le rapport de la Cour évalue les dépenses de mécénat à hauteur de 10 millions d'euros et la dépense fiscale qui s'y rattache à 6 millions d'euros. Il mentionne également les dépenses directes et indirectes induites par les dépenses de sécurité. Au total, les conclusions de l'enquête évaluent l'ensemble de ces dépenses « externalisées » entre 20 et 25 millions d'euros, établissant le montant réel des dépenses effectives de la PFUE à environ 175 millions d'euros.

Ensuite, M. Alain Pichon a constaté que les dépenses de la PFUE ont été plus élevées que les précédentes qui ont respectivement atteint en 1995 et 2000, 14 et 57 millions d'euros. Il a précisé que toute comparaison est néanmoins complexe, en raison des différences de périmètre, d'architecture budgétaire, d'environnement international et d'objectif de ces différentes présidences. Il a cependant tenu à préciser que la PFUE de 2008 a organisé près de 550 manifestations, de natures diverses, dont 9 sommets, 25 réunions ministérielles, 182 manifestations diverses ministérielles et 328 séminaires. Ainsi plus de trois événements par jour ont été organisés au titre de la PFUE dans une centaine de villes et cinquante six départements. Ces dépenses ne sont comparables qu'à celles de la présidence allemande, estimées à 180 millions d'euros. Tout parallèle avec les coûts des présidences précédentes, telles que celles de l'Autriche, de la Finlande, du Portugal ou de la Slovénie, évalués à environ 70 à 80 millions d'euros chacune, est délicat.

a estimé qu'il existe deux types de présidence, d'une part celle exercée par les grands pays fondateurs tels que la France, l'Allemagne ou l'Italie, dont le coût s'élève en moyenne à plus de 150 millions d'euros, d'autre part celle des pays de taille plus modeste dont le financement moyen s'élève approximativement à 80 millions d'euros. Il s'est alors demandé si cet écart de 1 à 2 est de nature à donner une image positive du coût de fonctionnement des institutions européennes.

Il a poursuivi son propos en remarquant que l'exercice d'une présidence engendre deux types de dépenses. D'une part, celles qui ont un caractère structurel et sont rattachables aux réunions des conseils et réunions des ministres et, d'autre part, celles relevant des ambitions de chaque pays. S'agissant de la PFUE de 2008, l'enquête de la Cour a révélé une prépondérance des dépenses liées à l'initiative française par rapport aux dépenses engagées au titre du fonctionnement structurel de la présidence de l'Union européenne. Ces dernières sont de l'ordre de 62 millions d'euros contre 76 millions d'euros pour les premières. M. Alain Pichon a précisé que le rapport entre dépenses structurelles et initiatives nationales s'est inversé, en cours d'exécution de la programmation de la PFUE, au profit des secondes.

Puis, il a évoqué l'absence de contrainte et le manque de maîtrise dans la programmation de la PFUE, en mentionnant une planification des événements parfois « tardive, précipitée, et défaillante ». La nécessité de l'urgence a, dans certains cas, conduit à la mise en oeuvre de procédures dérogatoires. Elle n'a pas permis d'obtenir les meilleurs coûts. M. Alain Pichon a constaté que « l'obligation de faire l'a emporté sur les principes économiques ».

Le grand nombre d'événements a pu créer, à certains égards, une impression de mauvaise coordination, de redondance et de manque de lisibilité tant pour la presse que pour le citoyen. L'enquête de la Cour des comptes n'a permis d'établir ni leur nécessité ni leur l'impact.

Revenant sur le recours aux procédures dérogatoires, M. Alain Pichon a illustré son propos par les contrats et les marchés publics du SGPFUE, en recensant douze marchés conclus hors procédure réglementaire, vingt-deux marchés négociés sans mise en concurrence, un marché passé en procédure « adaptée-négociée » et neuf marchés seulement avec mise en concurrence. Il a également mentionné le fait que le sommet de Paris pour l'Union de la Méditerranée a été organisé dans l'extrême urgence ainsi que dans des conditions d'une rare complexité. Cependant, son coût établi à environ 16,6 millions d'euros n'a pas donné lieu à un retour sur investissement, puisque le Grand Palais a été aménagé de manière provisoire. Tout en convenant de l'obligation de résultat qui pesait sur cette manifestation et sans remettre en cause le rattachement de celle-ci aux crédits de la PFUE, il a relevé que le paiement de ces dépenses a donné lieu à un ordre de réquisition du comptable public, en raison du défaut de mise en concurrence. Il a ajouté que la pertinence de cette dépense s'inscrit dans la problématique de l'investissement dans une structure immobilière d'accueil permanente.

a, ensuite, tenu à aborder la question de l'évaluation de la performance du programme de la PFUE, tout en admettant la complexité d'un tel exercice qui ne doit pas déboucher sur un contrôle de l'opportunité. Il a cependant fait valoir que décideurs et organisateurs ont fait preuve de « peu d'exigence pour analyser l'impact de leurs initiatives ». Il a qualifié l'objectif tendant à mesurer la satisfaction matérielle des participants « d'aimable sinon de simpliste ». Tout en reconnaissant que la France n'a pas adopté une position différente de ses prédécesseurs en termes d'évaluation, il a cependant déploré l'absence « d'esprit lolfien » dans cette tentative de mesure de la performance. Il a constaté que les assemblées parlementaires sont peu renseignées sur l'efficience des présidences de l'Union européenne. Il a évoqué la possibilité de mesurer la capacité à faire progresser les dossiers européens ou de parvenir à des réunions conclusives en ayant recours à un indicateur relatif au nombre d'accords ou de protocoles signés.

Enfin, M. Alain Pichon a souhaité poser deux questions. La première concerne la légitimité de la prise en charge des dépenses liées au fonctionnement des conseils et des réunions européens par les budgets nationaux. Il a suggéré que les activités obligatoires et statutaires de la présidence de l'Union européenne relèvent du budget européen afin de réduire les écarts de coût d'exercice de la présidence entre grands et petits pays. La seconde question porte sur l'évolution du coût de la gouvernance internationale. Il a observé que l'augmentation du nombre de réunions internationales, des acteurs, des dépenses de sécurité et de communication, ne peut pas justifier la dérive constatée.

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