J'en viens à la troisième partie du rapport, qui s'attache à identifier les marges d'émancipation par rapport au scénario très noir décrit dans la partie précédente.
En préambule à cette réflexion, il faut souligner combien ces marges paraissent étroites. En effet, le système économique est de plus en plus englobant et les Etats de moins en moins autonomes, donc de moins en moins capables de surplomber et de piloter les phénomènes économiques et sociaux.
Cependant, si le contexte exerce de très fortes contraintes, elles ne sont pas entièrement mécanistes et il reste un espace de choix, dont témoigne une certaine différenciation des « modèles » nationaux, à la condition que les modalités de l'action publique se renouvellent.
Cet impératif de renouvellement nous paraît devoir passer par une double reconnaissance. D'une part, celle que le bon niveau d'action ne peut plus être réduit au niveau national, idée généralement admise « sur le papier » mais dont l'exemple européen montre qu'elle a du mal à trouver tous les prolongements concrets qu'il faudrait. D'autre part, celle que la complexification des structures et l'accélération des changements appellent des méthodes d'action plus décentralisées, avec une place plus grande accordée à l'expression des demandes sociales, mais sans être pour autant abandonnées à l'initiative des éléments du corps social.
Sous le bénéfice de ces observations préliminaires, il faut voir dans la promotion d'un objectif politique prioritaire de maximisation de la croissance économique reposant sur la conciliation de la créativité nécessaire au dynamisme de l'économie de marché et d'une répartition équilibrée de ses fruits, tout aussi nécessaire à ce dynamisme, la clef de voûte d'un pacte social du travail de progrès.
Ces orientations générales impliquent que les mécanismes de marché soient respectés dans toute la mesure où ils sont compatibles avec un bouclage du circuit économique allant dans le sens d'une amélioration de la croissance potentielle. De même, toutes les politiques publiques régressives de ce point de vue devraient être remises en cause.
Dans le même temps, l'Etat devrait conduire toutes les politiques nécessaires à la production des biens publics - improduits par le marché - sans lesquels la croissance potentielle ne serait pas optimisée. Parmi ces politiques, celle qui s'attache à promouvoir un statut du travail digne et rémunérateur n'est pas la moindre, non plus que celle qui corrige les inégalités excessives dans la distribution des revenus primaires.
Les obstacles majeurs à surmonter sont celui des excès de concurrence entre espaces économiques ainsi que le court-termisme d'un capital mis à même de se réallouer à tout moment. A cet égard, la concurrence fiscale entre Etats est évidemment un obstacle majeur qui explique, en partie, la dimension peu redistributive de l'imposition des revenus en France. Ces défis sont considérables et les Etats qui souhaitent promouvoir une refonte du capitalisme, qui suppose une défense de leur pacte social du travail, doivent s'entendre sur des objectifs politiques et accepter d'impliquer leurs corps sociaux dans ce projet.