Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 mai 2010 : 1ère réunion
Audition du général stéphane abrial commandant suprême allié de l'otan pour la transformation

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Le Premier Secrétaire général de l'OTAN, Lord Ismay, avait défini en ces termes la vocation de l'organisation : « to keep the Russians out, the Americans in and the Germans down ». Certes la situation a changé depuis la chute du rideau de fer, mais si on remplace les Allemands par les Européens, cette définition ne reste-t-elle pas valable aujourd'hui ? A la lecture du dernier ouvrage de Zbigniew Brzezinski et Brent Scowcroft, intitulé « America and the world: conversations on the future of American foreign policy », on peut le penser, car les auteurs se prononcent contre la construction d'une défense européenne ferait à leurs yeux concurrence de l'OTAN.

Concernant la défense antimissile, on parle de complémentarité avec la dissuasion nucléaire, en faisant valoir que le glaive n'a jamais dispensé de se munir d'un bouclier, mais la véritable question tient aux arbitrages financiers qui seront nécessaires pour bâtir un tel système, dans un contexte budgétaire très contraint, et donc au risque d'affaiblir notre outil de dissuasion.

Le groupe d'experts présidé par Mme Albright a proposé de faire de la défense antimissile une nouvelle mission de l'OTAN.

Un tel système est peut-être de nature à sécuriser certains pays européens, mais je pense qu'un pays comme la France doté d'une force de dissuasion autonome, doit se poser la question de son utilité et des risques qu'il comporte. Sommes-nous suffisamment informés des nouveaux projets de déploiement américains et serons-nous associés à la décision ? L'implantation puis le retrait des éléments du système de défense antimissile en Pologne et en République tchèque a été décidée par les Américains sans consultation des Européens et il est évident que les Etats-Unis conserveront le contrôle de ce système. Surtout, quels seront les coûts financiers, pour quelle utilité et quelle efficacité ? Lors de notre déplacement à Washington, un conseiller du président Obama s'est félicité que les derniers tests réalisés aux Etats-Unis démontraient un taux d'interception de 80 %. Encore s'agit-il de missiles que l'on s'envoie à soi-même. Sans doute en serait-il autrement en cas de véritable attaque, et il n'en reste pas moins que 20 % des missiles n'ont pas été interceptés.

Je ne suis pas insensible à l'argument de M. Pintat selon lequel nos industriels pourraient apporter leur pierre. Mais à quel édifice ?

Pour ma part, je considère qu'il faut distinguer la défense antimissile de théâtre - projet raisonnable auquel la France pourrait s'associer - et la défense antimissile du territoire, projet déraisonnable dans lequel il ne faut pas se lancer.

Général Stéphane Abrial - Les données du débat sur la défense antimissile ne sont pas clarifiées aujourd'hui. Les Etats-Unis exercent une forte pression. Pour eux, la défense antimissile est une nécessité évidente. Ils sont prêts à proposer un certain partage du système, mais on ne sait pas jusqu'où irait ce partage et quel en serait le coût. Le rapport du groupe d'experts sur le concept stratégique propose que la défense antimissile devienne une mission de l'OTAN. Le Secrétaire général est convaincu. Plusieurs pays se sont déclarés en faveur d'une défense antimissile du territoire. J'espère qu'aucune décision ne sera prise tant que nous de disposerons pas d'éléments de réponse aux questions que j'ai mentionnées.

S'agissant de votre remarque sur la place des Européens dans l'Alliance, je ne crois pas que les Etats-Unis soient hostiles à l'Europe de la défense, mais je pense qu'ils comprennent mal le fonctionnement de l'Union européenne et de la politique de sécurité et de défense commune. Pour les Etats-Unis, l'OTAN reste le seul lien formel avec l'Europe et les craintes de voir la construction d'une défense européenne autonome affaiblir ce lien ou entraîner des duplications est toujours présente. Or, compte tenu du fait que 21 membres de l'OTAN sont également membres de l'Union européenne, il existe une réelle complémentarité entre les deux organisations.

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