Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 mai 2010 : 1ère réunion
Audition du général stéphane abrial commandant suprême allié de l'otan pour la transformation

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

La délégation de la commission qui s'est rendue à Washington du 26 au 29 avril dernier était composée de MM. Jean-Louis Carrère, Joseph Kergueris, Jean-Pierre Chevènement et moi-même.

Sur trois journées, nous avons rencontré une quinzaine de personnalités :

- au Sénat, deux membres influents de la commission des affaires étrangères, le sénateur démocrate Cardin (Maryland) et le sénateur républicain Lugar (Indiana), ancien président de la commission ;

- à la Maison Blanche, les responsables du Conseil national de sécurité en charge du Moyen-Orient, du désarmement et de la non-prolifération, des questions liées à l'Europe, à l'OTAN et à la Russie ;

- au Département d'Etat, la sous-secrétaire d'Etat pour le contrôle des armements, Mme Tauscher, et l'ambassadeur Feltman, secrétaire-adjoint pour le Proche-Orient ;

- au Pentagone, l'ambassadeur Vershbow, secrétaire-adjoint pour les questions de sécurité internationale, ainsi que les responsables de la cellule de coordination et de renseignement Afghanistan-Pakistan ;

- plusieurs experts américains ou français exerçant dans les think-tanks spécialisés en politique étrangère ;

- le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains, M. Insulza ;

- enfin le général Stéphane Abrial.

Bien entendu, tout au long de ce séjour, nous avons bénéficié des éclairages de notre ambassade : l'ambassadeur Pierre Vimont, le ministre-conseiller François Rivasseau et les conseillers de la chancellerie diplomatique.

Quelques mots tout d'abord sur le contexte dans lequel intervenait notre mission.

Nous nous trouvions à Washington peu de temps après le vote de la loi sur l'assurance-maladie par le Congrès et la signature du nouveau traité Start avec la Russie.

Ces deux évènements, l'un intérieur, l'autre l'international, ont été analysés comme les deux premiers véritables succès politiques du Président Obama après une première année de mandat marquée par des difficultés et par des doutes exprimés d'autant plus fortement que les attentes vis-à-vis de la nouvelle administration étaient manifestement excessives.

Cela est particulièrement vrai en matière de politique étrangère. Le Président Obama avait inauguré son mandat par une série de grands discours, comme ceux de Prague ou du Caire, mais on ne pouvait que constater l'absence de résultats concrets, que ce soit sur sa volonté de dialogue avec l'Iran, sur le Proche-Orient, sur le partenariat avec la Chine et même dans les discussions avec les Russes, qui se poursuivaient encore plus de trois mois après l'arrivée à échéance de Start I début décembre 2009.

Ce printemps 2010 marque pour la Présidence un incontestable rétablissement, alors que sa crédibilité commençait à être sérieusement entamée.

Au plan intérieur, le vote de la loi sur la santé permet à l'administration de passer à d'autres dossiers, tels que la régulation financière, l'immigration, l'éducation ou la relance économique.

Au plan international, le traité New Start est la première traduction concrète du discours de Prague et elle peut être valorisée comme telle devant la communauté internationale réunie pour la Conférence d'examen du TNP à New York. Ce traité illustre également la volonté affichée en début de mandat, à travers la notion de « reset », de restaurer des relations très dégradées avec Moscou. De fait, le dialogue avec la Russie s'améliore. On le voit dans toute une série de domaines : sur l'Iran au Conseil de sécurité ; en Afghanistan, avec des facilités de transit beaucoup plus importantes par la route du Nord ; en Europe, avec une certaine décrispation. A Washington, l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie n'est plus à l'ordre du jour. On insiste en revanche sur la volonté d'associer la Russie à un système continental de défense antimissile et on est ouvert à des discussions sur la sécurité européenne en considérant que le traité sur les Forces conventionnelles en Europe est de facto devenu caduc avec le retrait russe en 2007.

Les évènements du printemps ont donc permis de moduler le scepticisme et le discours critique sur la présidence Obama, qui s'étaient amplifiés au fil des mois.

L'impression dominante est que s'ouvre maintenant et d'ici la fin de l'année une phase de transition essentiellement dominée par la politique intérieure, avec des élections de « mid-term » difficiles pour le parti démocrate, début novembre, dans un contexte de radicalisation de la base républicaine attestée par le succès du mouvement des « tea parties ».

Hormis le traitement du dossier iranien au Conseil de sécurité, sur lequel la diplomatie américaine est très engagée, on ne s'attend pas à une implication forte du Président Obama sur les questions de politique étrangère d'ici la fin de l'année.

Je voudrais maintenant passer en revue les différents thèmes abordés avec nos interlocuteurs lors de cette mission.

Je passerai très brièvement sur deux sujets que nous avons déjà évoqués, que ce soit à l'instant avec le général Stéphane Abrial s'agissant de l'OTAN, ou il y a quelques jours avec M. Jean-Pierre Chevènement avec la politique américaine en matière de dissuasion nucléaire et de désarmement.

Sur l'OTAN, nous avons entendu des hommages appuyés à la décision prise l'an dernier pas la France et sur notre apport à l'Alliance. Ceci nous a donné l'occasion d'effectuer quelques mises au point pour bien préciser que nous n'avions en rien renoncé à notre ligne politique, en particulier en ce qui concerne l'indépendance de notre dissuasion, l'attachement au développement d'une défense européenne autonome, nos positions sur l'élargissement géographique et fonctionnel de l'OTAN ou encore la nécessité d'une profonde réforme des structures.

L'urgence de la réforme est le point sur lequel il y a sans doute la plus forte convergence avec l'administration américaine.

L'un des dossiers qui pourrait en revanche nous séparer est celui de la défense antimissile. Les Américains en font une priorité pour le prochain sommet de l'OTAN à Lisbonne, en novembre, et voudraient la consacrer comme une mission de l'OTAN. Nous n'avons pas la même appréciation de l'urgence et avons des craintes sur le coût d'un tel programme dans le contexte budgétaire actuel, ainsi que sur le risque d'accentuer les déséquilibres entre industries de défense de part et d'autre de l'Atlantique.

Sur l'Europe de la défense, l'ouverture de Washington est manifeste. Il y a en revanche une véritable crainte d'un effondrement de l'effort et de l'esprit de défense en Europe. C'est un point sur lequel la balle est clairement dans le camp des Européens.

Sur le désarmement, nous avons eu confirmation de l'approche extrêmement pragmatique et réaliste de l'administration, par delà la vision d'un monde sans armes nucléaires, dont nous avions bien compris qu'elle se projetait dans un futur très lointain.

Le sentiment que nous avons retiré est qu'en dehors de la ratification du traité américano-russe, officiellement espérée avant août mais plus probablement renvoyée au prochain Congrès, on ne devait pas attendre à court terme d'initiatives majeures. Le conseiller du président pour ces questions, M. Samore, nous a indiqué qu'il serait extrêmement difficile d'engager une nouvelle étape de réduction des armes nucléaires avec les Russes. Il a évoqué cette perspective, éventuellement, pour un second mandat. Quant à la ratification par le Sénat du traité d'interdiction des essais nucléaires (CTBT), elle est évoquée avec une extrême circonspection. Il n'y a aucun signe aujourd'hui que l'administration pourra réunir les 67 voix nécessaires à cette ratification qui faisait partie des objectifs du Président Obama dans son discours de Prague.

Nos entretiens ont également porté sur trois questions d'intérêt majeur pour la France : l'Iran, l'Afghanistan et le processus de paix au Proche-Orient.

Selon les mots de l'ambassadeur Feltman, les Etats-Unis n'ont pas de partenaire plus étroit et plus proche que la France sur le dossier iranien.

Lors de son entrée en fonction, le Président Obama a manifesté son intention de mener envers l'Iran une politique de la main tendue qui laissait les autorités françaises assez sceptiques. Cette offre de dialogue a en partie été prise en porte-à-faux avec le raidissement iranien lors de la crise politique qui a suivi les élections de juin 2009. Washington a néanmoins laissé sa politique d'engagement aller jusqu'à l'échéance de la fin de l'année 2009 qui avait été fixée aux Iraniens.

L'administration a été déçue du manque d'écho rencontré par les ouvertures qu'elle avait faites. Au début de l'année, elle s'est rangée à l'option d'un durcissement des sanctions, en souhaitant disposer du temps nécessaire pour y rallier, dans la mesure du possible, la Russie et la Chine. C'est ce travail qui a abouti mardi dernier à la présentation par les Etats-Unis d'un projet de résolution soutenu par les cinq membres permanents et l'Allemagne.

Nous avons évoqué à plusieurs reprises avec nos interlocuteurs ce quatrième train de sanctions et les résultats que l'on peut en attendre.

Aux yeux de Washington, il s'agit là, sinon de la meilleure, du moins de la moins mauvaise des approches.

Le projet de résolution associant la Russie et la Chine, qu'il reste à faire adopter par le Conseil de sécurité, vaut davantage par sa portée politique et symbolique que par les sanctions qu'il prévoit et dont l'impact demeurera réduit. Dans l'esprit des Américains, cette résolution permettrait de légitimer des mesures additionnelles plus significatives, notamment des sanctions touchant les secteurs bancaires et énergétiques. Les Etats-Unis, comme la France, souhaitent que l'Union européenne soutienne ces sanctions complémentaires. Ces dernières auraient au moins trois mérites : montrer que la communauté internationale ne reste pas inactive et éviter le scenario d'une action militaire israélienne, que les Etats-Unis s'efforcent de dissuader ; tenter de susciter des divisions au sein du pouvoir iranien, entre ceux qui pourraient être tentés par un accord avec les Occidentaux et ceux qui s'y refusent ; enfin, ralentir le programme nucléaire qui connaît déjà certaines difficultés techniques.

En résumé, les Etats-Unis cheminent, s'agissant de l'Iran, sur une voie étroite. Ils déclarent ne pas souhaiter une action militaire israélienne tout en laissant penser qu'elle serait inévitable si la communauté internationale n'était pas suffisamment ferme. Ils sont déterminés à imposer des sanctions financières, au-delà de celles prévues par le Conseil de sécurité, et veulent espérer qu'elles permettront de faire évoluer la donne politique à Téhéran.

Notre deuxième grand thème de discussion portait sur l'Afghanistan.

Le Président Barack Obama en a fait sa priorité, parallèlement au désengagement du théâtre irakien.

En dépit des difficultés d'ordre politique et sécuritaire en Irak, où il ne reste plus aujourd'hui qu'environ 50 000 soldats américains, le retrait paraît irréversible.

Par contraste avec son prédécesseur, le Président Obama s'est fortement engagé sur l'Afghanistan. Le renforcement des effectifs militaires se poursuit. Les troupes américaines comptent aujourd'hui environ 85 000 hommes, contre 46 000 non-américains. Elles atteindront un maximum de 98 000 hommes à l'été. Dans le même temps, un effort important est réalisé pour renforcer la présence d'experts civils.

L'objectif annoncé par le Président Obama est d'amorcer une décrue de l'engagement américain à l'été 2011, à la faveur d'une prise de responsabilité plus importante de l'armée et de la police afghane.

Le soutien de l'opinion américaine à l'opération s'est érodé du fait de l'absence de progrès militaires et politiques. Les pertes ont fortement augmenté en 2009 et sont déjà lourdes sur les premiers mois de 2010. Toutefois, la menace terroriste, toujours très présente à l'esprit des Américains, reste un facteur de légitimation de l'intervention.

Les responsables que nous avons rencontrés ont émis des appréciations extrêmement prudentes sur la situation militaire. Ils ont généralement insisté sur le bilan très négatif de 2009 et évoqué un arrêt de la détérioration en 2010, présenté comme un premier progrès. De même, il nous a été dit qu'il était trop tôt pour se prononcer sur les résultats des opérations engagées à Marjah, dans le Helmand, ou dans la province de Kandahar. Une évaluation officielle doit être effectuée en décembre. Il s'agira de voir dans quelle mesure des structures civiles et de sécurité pérennes peuvent être mises en place une fois les opérations militaires achevées.

L'un de nos compatriotes en poste à la Fondation Carnegie, M. Gilles Dorronsoro, s'est montré beaucoup plus pessimiste. Il prédit l'échec des opérations en cours à Kandahar, dès lors qu'aucun changement n'interviendra dans la gouvernance de la région, aux mains du frère du Président Karzaï. Il considère nécessaire de négocier au plus vite avec les talibans, par l'intermédiaire du Pakistan, alors que la stratégie officielle n'envisage des négociations qu'une fois la situation de la coalition plus assurée sur le terrain.

Le Président Obama cherche à tracer une perspective de retrait tout en répondant aux craintes de désengagement prématuré. La « review » prévue fin 2010 indiquera si l'amorce d'une décrue de la présence militaire reste envisageable à partir de l'été 2011 et, en tout état de cause, aucune indication n'est donnée sur le rythme auquel elle s'effectuerait. Kaboul souhaite négocier un accord de sécurité avec les Etats-Unis qui garantirait leur engagement dans le pays à plus long terme.

Il nous a semblé que les Américains n'avaient pas une vision très claire des conditions dans lesquelles pourrait s'amorcer un processus de réconciliation nationale. Lors la visite du Président Karzaï à Washington il y a quinze jours, le Président Obama a soutenu le dialogue lancé par celui-ci avec certains éléments des talibans. Mais la « Jirga de paix » prévue ce mois ci a été reportée et on peut se demander si un tel processus peut réellement prospérer dans le respect des conditions fixées par les Etats-Unis, auxquelles nous avons d'ailleurs souscrit, à savoir la renonciation à la violence armée et aux relations avec Al-Qaïda, l'acceptation des institutions et des engagements sur les droits des femmes.

Les responsables américains se félicitent en revanche de l'amélioration des relations avec le Pakistan et de l'attention plus marquées que les autorités portent désormais à la menace constituée par les talibans. Le Congrès a voté une aide civile au Pakistan de 7,5 milliards sur 5 ans.

Enfin, il faut souligner que nos interlocuteurs n'ont guère insisté, au cours des entretiens, sur un renforcement de la contribution militaire européenne, mettant plutôt l'accent sur les besoins liés à la formation de l'armée et de la police afghane.

Plusieurs de nos entretiens ont porté sur le processus de paix au Proche-Orient. Il s'agit là du principal échec de la présidence Obama en matière de politique étrangère. Non seulement les Etats-Unis ne sont pas parvenus à atteindre leur objectif d'un gel de la colonisation, mais la poursuite de celle-ci à Jérusalem-Est a provoqué une crise diplomatique et une dégradation sans précédent des relations avec Israël.

Premier constat : il existe aujourd'hui un réel déficit de confiance entre les Etats-Unis et Israël. Dans le discours public, les responsables américains ont dissocié le soutien à l'Etat d'Israël, qui n'est pas remis en cause, du soutien au gouvernement israélien et à sa politique, qui ne va plus de soi.

Certes, une fraction importante du parti démocrate demeure portée à la compréhension vis-à-vis des dirigeants israéliens. Nous l'avons par exemple constaté au Sénat. Mais le Président Obama est pour sa part sur une ligne plus dure, considérant que le Premier ministre Netanyahou ne cherche pas à progresser de bonne foi vers un accord de paix.

A la différence de l'administration Bush, l'administration actuelle est convaincue de la centralité du conflit israélo-palestinien dans la région et des risques qu'entraîne la prolongation du conflit. Mme Clinton a déclaré que le statu quo n'était pas tenable, dans l'intérêt même d'Israël. Le général Petraeus a également fait une intervention remarquée devant la commission des affaires étrangères du Sénat au cours de laquelle il a énuméré les conséquences négatives du conflit sur la stabilité et la sécurité de l'ensemble de la région, ainsi que sur les intérêts de sécurité des Etats-Unis. On constate donc un changement de ton à Washington, plus sévère à l'égard des dirigeants israéliens.

Nous avons posé la question de l'influence des lobbies pro-israéliens et de l'arrière-plan électoral, mais ce facteur a plutôt été minimisé par nos interlocuteurs. Il semblerait que l'administration se sente assez dégagée vis-à-vis d'un électorat juif majoritairement démocrate qui ne se détermine pas fondamentalement sur la question du soutien à la politique de Tel Aviv.

Le second constat que l'on peut effectuer est que malgré ce changement de ton, Washington ne semble pas pour l'instant vouloir accentuer la pression sur le gouvernement israélien. Les Etats-Unis souhaitent se donner du temps supplémentaire avec les pourparlers indirects dits « de proximité » prévus pour durer jusqu'au mois de septembre.

On peut douter que ces pourparlers ouvrent réellement la voie à des progrès ultérieurs. On ne voit pas bien les raisons pour lesquelles le gouvernement Netanyahou ferait évoluer sa position. Il est probable qu'ils ne feront que reporter le problème à l'automne et, en pratique, après les élections de novembre.

L'administration se trouvera alors au pied du mur. Elle ne dispose pas de moyens de pression sur le gouvernement israélien aussi importants qu'on le croit parfois en Europe. La quasi-totalité de l'aide américaine est une aide militaire, de l'ordre de 3 milliards de dollars par an, et il est hors de question de la remettre en cause. L'aide civile a été considérablement réduite depuis 20 ans. Les limites de l'engagement américain sur le processus de paix sont donc évidentes. Toutefois, à la différence de ses deux prédécesseurs, le Président Obama a souhaité s'impliquer sur ce dossier en début et non en toute fin de mandat. L'administration fait donc le choix d'une approche patiente et ne veut pas être jugée sur les résultats à court terme.

Pour terminer, je voudrais mentionner deux sujets que nous avons abordés de manière connexe lors de notre séjour.

Nous avons rencontré le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains, le Chilien José Miguel Insulza, à l'initiative de notre représentant permanent auprès de cette organisation où nous siégeons comme observateur.

L'OEA apparaît surtout comme un forum politique qui a élaboré plusieurs instruments juridiques à l'échelle du continent, à l'image du Conseil de l'Europe, et qui mène des missions d'assistance et de surveillance en matière électorale.

Notre entretien visait surtout à évoquer l'évolution des relations des Etats-Unis avec l'Amérique latine. Celles-ci se sont détériorées sous la présidence Bush et l'élection de Barack Obama devait marquer un nouveau départ qui ne s'est pas véritablement traduit dans les faits. Certes, l'administration actuelle entend manifester l'importance qu'elle accorde à ses partenaires latino-américains, mais la politique américaine fournit régulièrement à certains d'entre eux des motifs de protestation. Les derniers en date portaient sur la valse-hésitation de Washington à l'égard du nouveau gouvernement du Honduras, finalement reconnu, et sur l'installation de bases militaires en Colombie. Quelques assouplissements ont été décidés à l'égard de Cuba, mais la normalisation n'est pas à l'ordre du jour. Les Etats-Unis ont une présence économique toujours forte en Amérique latine. Leurs deux grandes préoccupations concernent l'immigration et le narcotrafic. Les relations politiques sont tributaires des alternances électorales dans les pays de la région. A ce titre, l'élection brésilienne de l'automne est suivie avec attention à Washington, avec une préférence pour le candidat conservateur M. Serra par rapport à la dauphine du président Lula, Mme Roussef.

Nous avons également brièvement évoqué les relations avec la Chine qui sont présentes dans tous les esprits à Washington, notamment sur les grands enjeux économiques. Ces relations ont pris de l'ampleur au cours des dernières années. Le dialogue entre les deux pays ne se limite plus à des questions régionales et s'est élargi à des problématiques mondiales.

Ces relations sont ambivalentes, car elles oscillent en permanence entre la rivalité stratégique et la recherche d'un partenariat.

L'administration Obama privilégie délibérément l'approche partenariale, tout en rejetant le concept de « G2 », comme les autorités chinoises du reste. La Chine reste réticente à s'impliquer dans la gestion des crises et des grandes questions mondiales. Elle est d'abord préoccupée par ses problèmes internes, notamment au plan économique, et elle est hostile à tout ce qui pourrait limiter la souveraineté des Etats.

Tout ceci montre les limites d'un futur partenariat avec la Chine, même si celle-ci devient un facteur de plus en plus déterminant pour la politique étrangère américaine.

Pour conclure, je retiendrai trois enseignements de notre mission à Washington.

Tout d'abord, nous avons pu vérifier ce que l'on appelle la « méthode Obama », privilégiant la durée, le compromis et l'aplanissement préalable des difficultés, au détriment de résultats rapides ou spectaculaires.

En matière de politique étrangère, l'« Obamania » s'accompagnait d'attentes excessives à l'égard du nouveau président et celui-ci ne les a sans doute pas découragées par la série de grands discours ayant inauguré son mandat. Les Etats-Unis n'ont pas pu faire bouger le gouvernement israélien. Leur politique de la main tendue à l'Iran n'a pas produit les effets escomptés. Les résultats de la nouvelle stratégie en Afghanistan restent incertains. Néanmoins, la Maison Blanche n'a pas renoncé à ses objectifs et les poursuit avec ténacité.

Un récent article d'Hubert Védrine évoque « Obama : stratège patient dans un monde d'impatience ». Cette formule qualifie bien cette politique étrangère et nous dissuade de porter sur elle des jugements prématurés.

Le deuxième enseignement de notre mission est que nous avons trouvé à Washington une administration incomparablement plus ouverte que la précédente. Cette administration pratique l'écoute et le dialogue. Elle a clairement conscience des limites de la puissance américaine et des actions unilatérales.

Elle paraît sincèrement soucieuse d'établir des partenariats pour faire face aux grands enjeux internationaux, mais elle semble aussi quelque peu en peine de trouver des partenaires en phase avec ses attentes.

J'ai évoqué la Chine, mais on voit également que les relations avec les grands pays émergents ne sont pas simples. Enfin, il y a véritablement une interrogation à Washington sur l'Europe. L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne n'a pas apporté la clarification et la simplification attendues et la faiblesse de l'engagement européen en matière de défense inquiète.

Enfin, nous avons pu constater une très grande convergence de vues avec la France sur la plupart des dossiers. Notre diagnostic sur la priorité à accorder au conflit israélo-palestinien est identique. Nous opérons très étroitement sur l'Iran. Des discussions approfondies ont eu lieu sur les questions de désarmement et la nouvelle doctrine américaine fait écho à certaines préoccupations françaises. Nous avons également d'importantes convergences de vues sur l'OTAN et sur l'avenir de la relation avec la Russie.

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