Intervention de Rolande Ruellan

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 30 mai 2007 : 1ère réunion
Evolution du périmètre de la protection sociale — Audition de Mme Rolande Ruellan présidente de la 6e chambre de la cour des comptes et de M. Michel Braunstein conseiller maître

Rolande Ruellan :

a évoqué à ce sujet le déclenchement de la procédure d'alerte par le comité d'alerte sur le respect de l'Ondam, lequel a estimé que le dépassement de l'objectif des seuls soins de ville serait de l'ordre de 2 milliards d'euros en 2007.

Abordant ensuite la question de la proposition de fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Mme Rolande Ruellan a indiqué que c'est sur ce point précis qu'a été menée la réflexion commune des 1re et 6e chambres de la Cour des comptes.

Certes, le rapport de MM. Alain Lambert et Didier Migaud, à l'origine de cette proposition, se fonde sur plusieurs constats dont certains peuvent être partagés. Il est vrai, en particulier, que les impôts et taxes affectés (ITAF) revêtent une importance croissante, représentant 28 % des ressources du régime général en 2007.

Cependant, les deux chambres de la Cour ne partagent pas le postulat des auteurs du rapport selon lequel la fusion des deux lois assurerait une vision consolidée des finances publiques et des prélèvements obligatoires et garantirait une plus grande maîtrise des dépenses et des déficits sociaux. Les chambres relèvent, en effet, les contradictions internes de cette proposition qui opère une confusion entre budgétisation et fiscalisation de certaines branches, alors que l'une n'est en aucun cas le corollaire obligé de l'autre. Par ailleurs, la budgétisation aurait pour résultat de porter le budget de l'Etat à plus du double de son montant actuel, l'essentiel de la majoration correspondant en outre à des dépenses évaluatives. Ce procédé n'aurait aucune portée en termes de maîtrise des dépenses, sauf si l'on transformait les dépenses à caractère social de nature évaluative en dépenses limitatives, ce qui est impossible.

On a plutôt eu le sentiment, ces dernières années, que l'on allait vers une plus grande distinction entre les deux textes, au travers notamment de reclassements de dépenses qui ne manquent pas de pertinence.

Les chambres font par ailleurs observer que la plage de recouvrement des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale est aujourd'hui faible et a même tendance à s'amoindrir : elle se limite à 16,4 milliards d'euros en 2006, soit 4 % des 391 milliards d'euros de recettes des régimes de base.

La complexité dénoncée par MM. Alain Lambert et Didier Migaud est certes avérée, mais elle est d'abord due à des décisions politiques. De ce point de vue, les chambres n'ont pas vu en quoi ces décisions auraient été différentes s'il n'y avait eu qu'une seule loi. La maîtrise des dépenses de sécurité sociale ne dépend pas en effet des supports législatifs dès lors que l'on exclut l'idée que les prestations cessent d'être servies quand les objectifs de dépenses sont atteints. Elle suppose des choix politiques et des solutions juridiques et techniques indifférentes au fait qu'il y ait deux lois distinctes ou qu'elles soient regroupées dans une seule.

En conséquence, la 1re et la 6e chambres de la Cour se sont prononcées pour le maintien d'une loi de financement de la sécurité sociale distincte, mais ont estimé que cette loi devrait à l'avenir respecter cinq conditions : prévoir des mesures pour respecter les objectifs ; ne pas créer de dépense nouvelle non financée ; ne pas sous-évaluer l'impact des mesures nouvelles, l'exemple de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) apparaissant emblématique à cet égard ; ne pas compter sur des économies hypothétiques à l'évaluation très volontariste ; et, enfin, ne pas abuser de mesures de financement à effet ponctuel qui ne constituent que des « fusils à un coup ».

En conclusion, la nature et la portée des deux lois sont différentes, mais la loi organique de 2005 a renforcé la portée des lois de financement de la sécurité sociale en permettant au Parlement de voter l'équilibre des branches et d'en suivre l'exécution pluriannuelle.

Dans le prolongement de cette réforme, les deux chambres suggèrent que le législateur fixe et respecte des règles cohérentes et stables de répartition des champs de compétences entre les deux lois. En particulier, dès lors que le budget de l'Etat n'est pas concerné, il serait normal que les mesures touchant la sécurité sociale relèvent de la seule loi de financement de la sécurité sociale. Or, en l'état, la loi organique précise que, seules, les recettes entièrement affectées à la sécurité sociale relèvent de la compétence exclusive des lois de financement. En conséquence, il suffit qu'une faible fraction d'un impôt continue d'être affectée au budget de l'Etat pour que les mesures concernant cet impôt figurent indifféremment en loi de finances ou en loi de financement. Tel est le cas en particulier des droits sur les tabacs, qui sont aujourd'hui affectés à hauteur de 95 % à la sécurité sociale, et dont il serait dès lors plus logique qu'ils relèvent de la compétence des lois de financement de la sécurité sociale.

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