Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 30 mai 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • prélèvements

La réunion

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La mission a poursuivi ses auditions sur l'évolution du périmètre de la protection sociale.

Elle a tout d'abord entendu Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale à la Direction générale des impôts.

Debut de section - Permalien
Marie-Christine Lepetit

a précisé que la direction de la législation fiscale n'est pas directement impliquée dans la préparation des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale. Sa compétence porte sur les seuls impôts alors que, pour les prélèvements sociaux, la direction de la sécurité sociale est l'administration compétente. Néanmoins, elle a coprésidé le groupe de travail administratif ayant mené, au début de 2006, la réflexion sur un changement d'assiette des cotisations de sécurité sociale et elle participe également aux travaux en cours du ministère des finances sur la TVA sociale.

Puis Mme Marie-Christine Lepetit a présenté les deux questions essentielles qui, selon elle, se posent aujourd'hui en matière de recettes : l'existence de marges de manoeuvre en matière d'assiette des prélèvements obligatoires et le problème de la cohérence de l'affectation des recettes aux différentes catégories de dépenses.

La structure de nos prélèvements obligatoires est une question centrale, car il s'agit de savoir si l'on peut limiter les prélèvements pesant directement sur le travail en les remplaçant par des recettes assises sur une assiette plus large. Cette réforme a déjà été en partie mise en oeuvre avec la création de la CSG, qui a conduit à diminuer le taux des prélèvements sur les salaires et à asseoir les prélèvements sur une assiette plus large, comprenant notamment les revenus du capital. La plupart des points de CSG correspondent bien au remplacement de points de cotisations sociales, ce qui signifie que l'on a clairement choisi la voie de la fiscalisation des recettes de la sécurité sociale. Aussi bien la part des cotisations au sein de ces recettes est-elle revenue de 90 % il y a vingt-cinq ans à environ 60 % aujourd'hui.

Au cours de l'année 2006, plusieurs travaux ont été menés sur la substitution d'une nouvelle assiette aux cotisations patronales. De façon assez concordante et quelles qu'aient été les hypothèses retenues, les différentes études ont montré que cette substitution ne présentait pas autant d'avantages qu'on pouvait l'espérer. Il en a été ainsi aussi bien pour l'institution d'une cotisation sur la valeur ajoutée que pour la création d'une cotisation patronale généralisée ou l'instauration de la TVA sociale. Dans chaque cas, ont été examinés la dynamique potentielle de la recette, son impact économique à moyen et long terme, ainsi que ses conséquences pour les contribuables.

Globalement, il est ressorti de ces divers travaux qu'il n'existe pas, sur le long terme, de recette ayant une meilleure dynamique que les prélèvements sur les rémunérations. En outre, il est apparu dangereux de négliger les phénomènes d'ouverture de l'économie et de très grande concurrence fiscale à l'échelle européenne et mondiale. La mobilité du capital est une réalité, avec des phénomènes de fuite rapide des actifs dont il faut avoir conscience et pouvoir se protéger.

Sur un plan économique, le débat est resté ouvert et assez interrogatif. Les résultats mathématiques des différents modèles ont montré qu'à court terme, on pouvait attendre un léger progrès en termes d'emploi avec une création nette de 10 000 à 25 000 emplois. A plus long terme, ces effets paraissent bien moins nets ; en outre, on a constaté un impact non négligeable sur la croissance et l'inflation.

Ainsi, en matière de TVA sociale, il est sans doute nécessaire d'observer une très grande prudence sur les enchaînements inflationnistes, en tenant compte du fait que de nombreuses prestations et coûts publics sont indexés sur la hausse des prix. Néanmoins, la hausse récente de la TVA en Allemagne ne se traduit pas, pour l'instant, par un effet inflationniste, à l'inverse de ce qu'avaient prévu les économistes. Il est donc extrêmement difficile de prévoir ce qui pourrait se passer en France si l'on décidait d'augmenter la TVA. Il est également important d'ajouter qu'à la différence de l'économie française, l'économie allemande est essentiellement fondée sur les investissements et les exportations.

a ensuite évoqué d'autres pistes possibles de réflexion en matière de prélèvements sociaux. La première concerne les niches sociales. En effet, dans un contexte où la dépense sociale reste très dynamique, il convient d'être extrêmement vigilant sur le dynamisme des recettes et donc de se montrer particulièrement critique sur les diverses exonérations d'assiette.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a souhaité savoir si le ministère des finances porte le même intérêt à la traque des niches fiscales, en rappelant que le déficit du budget de l'Etat est sensiblement supérieur à celui de la sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Marie-Christine Lepetit

a convenu du parallélisme entre les deux débats, mais la dynamique particulière de la dépense sociale exige d'être très rigoureux sur les niches sociales. Diverses mesures d'améliorations sont envisageables. Ainsi, en matière de CSG, quelques éléments d'assiette peuvent encore être taxés et l'existence de quatre barèmes différents applicables aux revenus de remplacement, aux revenus d'activité et aux revenus de placement est parfois source d'inéquité. Les règles applicables à la CSG sont plus hétéroclites qu'un rapide examen ne pourrait le montrer à première vue. En outre, la prime pour l'emploi n'est aujourd'hui pas intégrée dans les calculs d'assiette et quelques effets de seuil sur les revenus des retraités mériteraient d'être corrigés.

Un espace de réflexion existe également sur les prélèvements dits comportementaux, c'est-à-dire sur les taxes applicables au tabac, à l'alcool et aux boissons sucrées et autres produits alimentaires. Même si un recours accru à ce mode de taxation ne peut résoudre les problèmes d'équilibre de la sécurité sociale et si leur mise en oeuvre technique est parfois complexe, il n'en demeure pas moins que des marges non négligeables existent sur ces prélèvements.

Puis Mme Marie-Christine Lepetit a fait valoir que, sur le problème de l'allocation des recettes aux dépenses, il y a plus de sécurité à disposer de plusieurs catégories de recettes que d'une seule. L'Etat et les collectivités territoriales disposent d'ailleurs de ressources suffisamment variées pour pouvoir supporter des variations de rendement. Pour la sécurité sociale, il semble préférable de ne pas avoir une seule dynamique de recettes, à savoir aujourd'hui les rémunérations, assiette des cotisations et, aussi en grande partie, de la CSG.

Le deuxième élément de réflexion est celui de la distinction entre dépenses contributives et assurantielles. Même si cette division est intellectuellement séduisante, sa mise en oeuvre pratique est difficile. Néanmoins, on constate de façon légitime la forte prédominance des cotisations sociales pour le financement des dépenses de retraite, d'assurance chômage et d'indemnités journalières.

Un autre aspect de la réflexion concerne le coût du travail. En effet, la plupart des économistes conviennent aujourd'hui de l'efficacité de la diminution du coût du travail pour améliorer l'emploi. A cet égard, les travaux de la Cour des comptes sur les allégements de charges sociales ont parfois été mal interprétés, car celle-ci a bien conclu à un effet positif sur l'emploi des allégements de charges sur les bas salaires. Aujourd'hui, il pourrait être intéressant d'ouvrir une discussion avec les partenaires sociaux pour réfléchir à l'opportunité d'une nouvelle baisse du coût du travail, en particulier sur les bas salaires.

Au total, il existe, malgré certaines contradictions apparentes, plusieurs possibilités d'aménagement des dépenses et des recettes qui permettraient de clarifier les relations entre le budget de l'Etat et la loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, Mme Marie-Christine Lepetit a souligné que son expérience de travail avec les différentes administrations chargées de la préparation des deux textes financiers est avant tout celle d'une étroite collaboration et d'un souci permanent de recherche d'une réelle cohérence, notamment sur les questions fiscales. Les difficultés mises en exergue ne tiennent pas non plus à l'existence de deux textes de loi, mais plutôt à des raisons politiques, car il est parfois commode d'avoir deux discours contradictoires sur certains sujets. En définitive, les prélèvements ont un seul impact économique et ne s'adressent qu'à un seul contribuable, ce qui rend impérative une vision unique des finances publiques.

Debut de section - Permalien
Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité

Puis la mission a procédé à l'audition de M. Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a rappelé que M. Didier Tabuteau est conseiller d'Etat et a travaillé auprès de plusieurs ministres de la santé et de la protection sociale : M. Claude Evin, Mme Martine Aubry et M. Bernard Kouchner, dont il a été le directeur de cabinet. Depuis novembre 2003, il exerce les fonctions de directeur général de la fondation « Caisses d'épargne pour la solidarité » et de chargé de mission pour la filière « assurances » de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. Il a créé la chaire « Santé » de l'Institut d'études politiques de Paris et il est vice-président de la Société française de santé publique.

Debut de section - Permalien
Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité

A titre liminaire, M. Didier Tabuteau a indiqué qu'il limiterait son propos à la santé et à l'assurance maladie, qui entrent dans son champ de compétences actuel. En réponse aux interrogations des rapporteurs sur l'organisation du système de protection sociale français, il a estimé qu'il existe aujourd'hui un décalage complet entre les fondements théoriques de la sécurité sociale élaborés en 1945 et les transformations très profondes qui l'ont affectée au cours de ces soixante dernières années. Il s'est constitué, en particulier, en matière d'assurance maladie, un fossé important entre le monde virtuel des institutions en place et le monde réel, qui repose sur un fonctionnement très différent.

Les mécanismes d'origine prenaient appui, jusque dans les années soixante-dix, sur une gestion par les partenaires sociaux disposant d'une autonomie effective, dans la mesure où il n'existait pas de problèmes de financement des dépenses de santé. Pendant cette période, le taux global de remboursement et de prise en charge de la dépense de maladie a crû de manière continue.

A partir de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt, la légitimité de la démocratie sociale a été en pratique progressivement battue en brèche, sans que la question de la remise en cause éventuelle des institutions ne soit posée.

Cinq étapes peuvent être distinguées : la création de la CSG entre 1991 et 1995, d'abord pour le financement de la branche famille, puis pour celui de la branche maladie ; la transformation du débat sur les conventions médicales qui, de strictement contractuel, est devenu un débat de portée politique ; la mise en place de la réforme Juppé ; la création de la CMU ; enfin, l'institution, par la loi de 2004, de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam). Ainsi, par petites touches, la France est sortie en pratique du système instauré en 1945, tout en y restant sur le plan organique.

a fait ensuite observer les divergences d'évolution entre les trois principales branches de la sécurité sociale, s'agissant du degré de maintien du paritarisme : celui-ci reste très présent dans la branche vieillesse, notamment avec les régimes complémentaires, alors qu'il a de fait disparu dans la branche famille, qui ne constitue plus qu'un instrument d'intervention aux mains de l'Etat placé au sein de la sécurité sociale ; l'assurance maladie se situe entre ces deux extrêmes.

Le débat réel porte aujourd'hui sur les modes de régulation. De ce point de vue, force est de constater que l'enveloppe institutionnelle n'a que peu d'effet et que la création des lois de financement de la sécurité sociale n'a pas véritablement remis en cause les facteurs de détermination de la dépense, notamment en matière de maladie. Au-delà d'un débat somme toute assez formel entre le Gouvernement et les assemblées au moment de la discussion de ce texte, chaque automne, la réalité du pouvoir reste entre les mains des patients et des professionnels de santé, qui continuent à déterminer seuls, en pratique, le niveau de la dépense, et donc du solde.

Il est indispensable, à son sens, de se tourner vers les modèles étrangers pour repérer ceux qui ont permis une approche plus satisfaisante de la régulation des dépenses de santé. A l'épreuve de cet examen, deux réponses apparaissent pertinentes : d'une part, la territorialisation, d'autre part, le partenariat avec les professions de santé, qui est un élément central du dispositif allemand, mais qui n'a jamais réussi à trouver sa place en France. Se contenter de vouloir retailler le « château de sable » de 1945 ne présente donc aucun sens.

Au-delà de la question des modes de régulation, l'autre défi à relever est celui de la mise en place d'une approche globale des besoins de financements sociaux, lesquels recouvrent la dépendance, les réponses à apporter à la pauvreté, l'effort à poursuivre en matière de handicap, la progression des dépenses de maladie au rythme d'un point de PIB supplémentaire par décennie, l'expansion des retraites, l'indemnisation persistante du chômage et, enfin, l'éducation.

Sur tous ces sujets, il apparaît aujourd'hui très difficile de disposer d'une approche d'ensemble fondée sur des projections intégrées permettant de définir le besoin global de financement à échéance de cinq ou dix ans. C'est pour cette raison que la chaire « Santé » de l'Institut d'études politiques de Paris vient de se doter d'outils de projection pour évaluer les effets à long terme des décisions prises en matière de financement.

C'est donc sous cet angle d'une vision intégrée des besoins de financements sociaux pris dans leur ensemble que doit être posée la question de l'articulation entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale. La conclusion à en tirer pour l'organisation des pouvoirs publics est double : cette organisation doit permettre une synthèse, mais les décisions finalement retenues doivent être le fruit d'arbitrages entre plusieurs instances distinctes présentant chacune leur demande. Cette nécessité d'un arbitrage découlant d'un dialogue préalable exclut la création d'une structure unique et il n'apparaît pas pertinent de mettre dans la même main, de ce point de vue, ce qui relève de la sphère budgétaire et ce qui relève du domaine social.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

a demandé des précisions sur la proposition de territorialisation. Il a aussi souhaité savoir comment l'Allemagne était parvenue à un système de cogestion associant les médecins au financement de l'assurance maladie. Il s'est interrogé concomitamment sur l'incapacité des Français à suivre la même démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est enquis de l'opinion de M. Didier Tabuteau sur la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale pour la dépendance, ainsi que sur la nature des financements dont elle pourrait bénéficier.

Debut de section - Permalien
Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité

En réponse aux questions de M. François Autain, M. Didier Tabuteau s'est déclaré une nouvelle fois convaincu que la maîtrise des dépenses de santé ne pourra se faire que dans un cadre géographique assez restreint, au niveau régional, voire infra-régional. Ce n'est en effet qu'à ce niveau qu'il est possible de repérer les facteurs de dérapage de la dépense.

Bien évidemment, cette régulation régionale ou infra-régionale n'aura de sens que si une partie des dépenses est régionalisée. Tout en se déclarant partisan absolu de l'existence de prestations uniformes sur l'ensemble du territoire, il a estimé de ce point de vue que la responsabilisation des professionnels de santé et des patients doit reposer localement sur la mise en place d'objectifs de dépenses régionaux. Ces objectifs, fruit de discussions entre les partenaires sociaux, les professionnels de santé et les représentants des patients, devraient recevoir une sanction politique, par exemple sous la forme d'une validation par le conseil régional qui engagerait l'ensemble des cosignataires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

En réponse à Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Didier Tabuteau a précisé qu'à ses yeux, la régionalisation devait s'appliquer également aux dépenses hospitalières et impliquerait une régionalisation concomitante d'une partie des cotisations maladie, sous réserve de la mise en place d'un mécanisme de péréquation entre les régions.

Il a cité en exemple le régime local d'Alsace-Moselle, dont le fonctionnement est proche des règles appliquées en Allemagne, qui présente un intéressant système d'équilibrage effectué à peu près en temps réel, fonctionnant de surcroît à la satisfaction générale de l'ensemble des bénéficiaires et des prestataires.

Debut de section - Permalien
Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité

Revenant sur le modèle allemand, M. Didier Tabuteau a indiqué que les moindres difficultés rencontrées outre-Rhin dans la gestion de la branche maladie proviennent de l'absence d'opposition stérile entre gestionnaires et professionnels de santé. Il a rappelé qu'en France, la loi de 1928, qui se proposait d'étendre à l'ensemble du pays le régime alsacien-mosellan, n'avait pas été appliquée et que la charte de la médecine libérale, adoptée en réaction à la loi de 1930, avait, quant à elle, cristallisé une opposition tranchée entre des professionnels estimant qu'ils devaient en permanence défendre leur liberté et un système de financement perçu, par ces mêmes professionnels, comme aliénant. En Allemagne au contraire, le chancelier Bismark avait mis en place l'assurance maladie en s'appuyant sur les médecins considérés comme des partenaires.

Abordant ensuite les questions de dépendance, il a d'abord souligné le fait que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a eu pour premier mérite d'apporter des marges de financement nouvelles et, plus fondamentalement, qu'elle a permis de rapprocher dépendance et handicap. L'étape à laquelle il convient maintenant de réfléchir est celle d'une articulation, mais pas nécessairement d'une fusion, entre la prise en charge de la dépendance et la politique familiale. A l'avenir, en effet, les deux questions ne pourront pas être traitées indépendamment l'une de l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a souhaité que soient précisées les critiques portant sur la relative inefficacité des lois de financement de la sécurité sociale en matière de régulation des dépenses. Il a en particulier demandé l'opinion de M. Didier Tabuteau sur l'option d'une fusion entre la loi de financement et la loi de finances, sur les nouvelles règles de gouvernance instituées par la réforme de 2004 en matière d'assurance maladie, sur le rôle des partenaires sociaux dans la gestion des caisses et sur le recours aux franchises pour réguler les dépenses d'assurance maladie.

Debut de section - Permalien
Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité

a tout d'abord entendu écarter toute ambiguïté, en indiquant qu'il est un farouche partisan des lois de financement de la sécurité sociale. Pour autant, force est de constater que toute la phase préparatoire des discussions entre l'exécutif et le Parlement apparaît finalement comme un travail en trompe-l'oeil. Après son adoption, la loi de financement se révèle totalement déconnectée de la réalité, dans la mesure où elle ne constitue pas un instrument pertinent de régulation de la dépense. Seule, peut-être, l'action sur les dépenses hospitalières peut échapper à cette critique.

S'agissant de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie, la réforme de 2004 constitue une nouvelle étape du processus, amorcé à partir des années soixante-dix, de dépossession progressive du pouvoir des partenaires sociaux. Il convient de rappeler, en effet, que les ordonnances de 1967 donnaient tout le pouvoir de négociation au président de la Cnam. Le régime mis en place en 2004 apparaît comme un système hybride, se situant au milieu du gué : le législateur n'est pas allé jusqu'à créer une agence dont la mission serait d'appliquer la politique du Gouvernement. M. Didier Tabuteau s'est déclaré en ce sens pour une évolution vers un mécanisme comprenant une agence nationale, à la condition toutefois que cette réforme soit combinée avec la territorialisation qu'il a précédemment évoquée, l'agence comprenant des démembrements sous forme de délégations régionales assurant le pilotage de l'assurance maladie.

Il a confirmé son souhait de mise en place d'objectifs de dépenses régionalisés, tout en reconnaissant qu'il ne dispose pas de modèle clé en main. L'idéal serait sans doute la création d'un organisme régional de concertation comprenant les partenaires sociaux, les fournisseurs de santé et les représentants des patients, l'accord réalisé au sein de cet organisme étant ensuite validé par une autorité politique qui pourrait être le conseil régional.

S'agissant des franchises, celles-ci ont deux vocations possibles :

- la première est d'assurer le financement de l'assurance maladie. La technique de la franchise peut alors se révéler efficace, mais présente l'inconvénient de casser la solidarité entre les bien portants et les malades, les premiers n'en subissant pas la charge, intégralement reportée sur les seconds. Par ailleurs, cette conception de la franchise part de l'idée qu'une partie des dépenses d'assurance maladie est le fruit d'un gaspillage imputable aux malades eux-mêmes, ce qui n'est pas économiquement démontré ;

- la seconde consiste à lui conférer un rôle de régulation en vue de réfréner la dépense. Il s'agit alors d'un instrument classique de la politique de maîtrise de la demande. Cette conception est critiquable, car l'effet de la régulation apparaît alors paradoxal : celle-ci ne pèse pas sur les catégories les plus aisées, qui sont les plus tentées de faire un usage de confort de la médecine ; en revanche, elle ferme l'accès aux soins pour les catégories les plus fragiles sur le plan économique et sur le plan sanitaire avec, pour corollaire, le risque d'apparition à terme de pathologies plus graves et donc plus coûteuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

a demandé que soit justifiée l'affirmation selon laquelle les dépenses de santé augmentent d'un point de PIB en moyenne tous les dix ans.

Debut de section - Permalien
Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité

a rappelé qu'une étude rétrospective sur les quarante dernières années révèle une progression des dépenses de santé d'en réalité 1,2 point de PIB tous les dix ans. La progression inéluctable de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale ne signifie pas une hausse automatique des prélèvements obligatoires : il faudra opérer des choix.

Ainsi, si l'on constate qu'aujourd'hui, les trois quarts environ de la dépense consacrée à la santé sont socialisés, il faudra qu'au cours des quarante prochaines années trois des quatre points de PIB supplémentaires consacrés à ce secteur soient pris en charge par la collectivité. Mais il est également possible d'envisager une stabilisation de la prise en charge socialisée et un report intégral de la charge nouvelle sur le patient. En ce cas, il faut être bien conscient que l'on reviendra progressivement vers un taux de prise en charge par la société de 50 %, taux qui était celui en vigueur dans les années cinquante, au début de la sécurité sociale. Cette situation est tout à fait plausible si la hausse au cours des prochaines quarante années est supérieure aux quatre points envisagés et si, comme certains le pensent, la part de la richesse nationale consacrée à la santé atteint 25 % du PIB.

Toutefois, si l'on souhaite que les Français continuent d'adhérer aussi massivement qu'ils le font aujourd'hui à leur système de soins, il faudra maintenir un taux de prise en charge socialisée de la dépense de santé de l'ordre de 75 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a désiré savoir quelles sont les pistes privilégiées pour rester à ce niveau de prise en charge socialisée des dépenses de santé à hauteur de 75 %, compte tenu de leur taux de progression. Quelles sont les autres dépenses sur lesquelles il serait possible d'agir afin de ne pas provoquer, toutes choses égales par ailleurs, un relèvement des prélèvements obligatoires ?

Debut de section - Permalien
Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité

a décliné son expertise, l'estimant, en l'état, insuffisante. Toutefois, il sera difficile d'échapper, à son avis, à une hausse nette des prélèvements obligatoires pour financer le coût croissant des régimes sociaux. La dépense socialisée pourrait ainsi augmenter de deux à trois points de PIB, même en opérant parallèlement un gros travail de maîtrise des déterminants de cette dépense.

Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes, et de M. Michel Braunstein, conseiller maître.

A titre liminaire, Mme Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes, a indiqué que la chambre qu'elle préside a conduit, conjointement avec la 1re chambre, compétente pour les lois de règlement, une réflexion sur l'éventuelle fusion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Les propos qu'elle peut tenir sur ce sujet sont donc le fruit d'un travail en commun qui ne constitue cependant pas une prise de position de la Cour des comptes dans son ensemble.

Debut de section - Permalien
Rolande Ruellan

Interrogée sur les moyens permettant d'assurer une meilleure approche globale des comptes publics, Mme Rolande Ruellan a estimé qu'une vision d'ensemble est d'ores et déjà possible ex-post à travers la comptabilité nationale. Celle-ci a en effet pour objet de rassembler par catégories de dépenses, ou par sous-ensembles d'acteurs, selon des nomenclatures uniques, les dépenses enregistrées dans les comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale.

La notion de protection sociale fait, dans ce cadre, l'objet d'une définition européenne et d'un système statistique harmonisé, le système européen de statistiques de la protection sociale (Sespros), piloté par Eurostat.

En revanche, il n'existe pas d'approche globale des finances publiques ex-ante se traduisant dans un document voté par le Parlement. Cependant, des progrès ont été réalisés dans ce sens avec la mise en place de la conférence nationale des finances publiques, ainsi qu'avec la faculté dorénavant offerte d'organiser un débat parlementaire dans chaque assemblée, commun à l'ensemble des finances publiques, en vue duquel la Cour doit élaborer en juin de chaque année un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Si tous ces exercices sont réalisés avec sérieux et réalisme, ils peuvent constituer un apport considérable.

a cependant jugé que si des avancées importantes ont été réalisées, notamment avec le débat d'orientation de juin au Parlement, on peut regretter que celui-ci ne se soit pas encore complètement emparé des instruments qui lui étaient offerts.

Ainsi est-il indispensable que le travail de définition des objectifs pour les dépenses et les déficits soit effectué de manière réaliste. La présentation pluriannuelle prévue en annexe à la loi de financement de la sécurité sociale n'a de sens que si elle est sérieusement étayée et accompagnée de mesures de maîtrise des dépenses. A défaut, elle ne peut apparaître que comme incantatoire et ne peut être respectée. Or, force est de constater qu'actuellement, ces annexes demeurent trop peu explicites sur la justification des hypothèses servant à leur élaboration.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a rappelé que la commission des affaires sociales a dénoncé, lors des débats de la fin 2006, les insuffisances qui caractérisent ces annexes et notamment la pauvreté des justifications apportées aux hypothèses retenues. Il a demandé que la Cour l'appuie dans sa démarche en vue d'obtenir plus de précisions.

Debut de section - Permalien
Michel Braunstein, conseiller maître

a estimé que les problèmes de projection se concentrent essentiellement sur l'Ondam, les autres données (taux de progression du PIB, de la masse salariale dans le secteur privé et inflation) étant généralement bien établies. Depuis sa création en 1996, l'Ondam n'a en effet été respecté qu'en 2005 et on sait, d'ores et déjà, qu'il y aura un nouveau dérapage en 2006, risquant d'être plus important en 2007 au vu des statistiques des quatre premiers mois, alors même que celles-ci ne prennent pas en compte les hausses des honoraires des médecins et des infirmières accordées depuis le début de l'année.

Debut de section - Permalien
Rolande Ruellan

a évoqué à ce sujet le déclenchement de la procédure d'alerte par le comité d'alerte sur le respect de l'Ondam, lequel a estimé que le dépassement de l'objectif des seuls soins de ville serait de l'ordre de 2 milliards d'euros en 2007.

Abordant ensuite la question de la proposition de fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Mme Rolande Ruellan a indiqué que c'est sur ce point précis qu'a été menée la réflexion commune des 1re et 6e chambres de la Cour des comptes.

Certes, le rapport de MM. Alain Lambert et Didier Migaud, à l'origine de cette proposition, se fonde sur plusieurs constats dont certains peuvent être partagés. Il est vrai, en particulier, que les impôts et taxes affectés (ITAF) revêtent une importance croissante, représentant 28 % des ressources du régime général en 2007.

Cependant, les deux chambres de la Cour ne partagent pas le postulat des auteurs du rapport selon lequel la fusion des deux lois assurerait une vision consolidée des finances publiques et des prélèvements obligatoires et garantirait une plus grande maîtrise des dépenses et des déficits sociaux. Les chambres relèvent, en effet, les contradictions internes de cette proposition qui opère une confusion entre budgétisation et fiscalisation de certaines branches, alors que l'une n'est en aucun cas le corollaire obligé de l'autre. Par ailleurs, la budgétisation aurait pour résultat de porter le budget de l'Etat à plus du double de son montant actuel, l'essentiel de la majoration correspondant en outre à des dépenses évaluatives. Ce procédé n'aurait aucune portée en termes de maîtrise des dépenses, sauf si l'on transformait les dépenses à caractère social de nature évaluative en dépenses limitatives, ce qui est impossible.

On a plutôt eu le sentiment, ces dernières années, que l'on allait vers une plus grande distinction entre les deux textes, au travers notamment de reclassements de dépenses qui ne manquent pas de pertinence.

Les chambres font par ailleurs observer que la plage de recouvrement des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale est aujourd'hui faible et a même tendance à s'amoindrir : elle se limite à 16,4 milliards d'euros en 2006, soit 4 % des 391 milliards d'euros de recettes des régimes de base.

La complexité dénoncée par MM. Alain Lambert et Didier Migaud est certes avérée, mais elle est d'abord due à des décisions politiques. De ce point de vue, les chambres n'ont pas vu en quoi ces décisions auraient été différentes s'il n'y avait eu qu'une seule loi. La maîtrise des dépenses de sécurité sociale ne dépend pas en effet des supports législatifs dès lors que l'on exclut l'idée que les prestations cessent d'être servies quand les objectifs de dépenses sont atteints. Elle suppose des choix politiques et des solutions juridiques et techniques indifférentes au fait qu'il y ait deux lois distinctes ou qu'elles soient regroupées dans une seule.

En conséquence, la 1re et la 6e chambres de la Cour se sont prononcées pour le maintien d'une loi de financement de la sécurité sociale distincte, mais ont estimé que cette loi devrait à l'avenir respecter cinq conditions : prévoir des mesures pour respecter les objectifs ; ne pas créer de dépense nouvelle non financée ; ne pas sous-évaluer l'impact des mesures nouvelles, l'exemple de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) apparaissant emblématique à cet égard ; ne pas compter sur des économies hypothétiques à l'évaluation très volontariste ; et, enfin, ne pas abuser de mesures de financement à effet ponctuel qui ne constituent que des « fusils à un coup ».

En conclusion, la nature et la portée des deux lois sont différentes, mais la loi organique de 2005 a renforcé la portée des lois de financement de la sécurité sociale en permettant au Parlement de voter l'équilibre des branches et d'en suivre l'exécution pluriannuelle.

Dans le prolongement de cette réforme, les deux chambres suggèrent que le législateur fixe et respecte des règles cohérentes et stables de répartition des champs de compétences entre les deux lois. En particulier, dès lors que le budget de l'Etat n'est pas concerné, il serait normal que les mesures touchant la sécurité sociale relèvent de la seule loi de financement de la sécurité sociale. Or, en l'état, la loi organique précise que, seules, les recettes entièrement affectées à la sécurité sociale relèvent de la compétence exclusive des lois de financement. En conséquence, il suffit qu'une faible fraction d'un impôt continue d'être affectée au budget de l'Etat pour que les mesures concernant cet impôt figurent indifféremment en loi de finances ou en loi de financement. Tel est le cas en particulier des droits sur les tabacs, qui sont aujourd'hui affectés à hauteur de 95 % à la sécurité sociale, et dont il serait dès lors plus logique qu'ils relèvent de la compétence des lois de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a rappelé que la commission des affaires sociales a protesté contre cette situation à plusieurs reprises, mais n'a jusqu'à présent pas obtenu gain de cause.

Debut de section - Permalien
Rolande Ruellan

a indiqué que les chambres se sont également prononcées pour la mise en place de procédures visant à empêcher des incohérences entre les deux lois tout au long de la procédure de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a abondé en ce sens, soulignant l'asymétrie actuellement existante : si la commission des finances a un rapporteur pour avis sur les lois de financement de la sécurité sociale, apte à repérer les amendements susceptibles d'interférer avec le budget, il n'existe pas à l'inverse de rapporteur de la commission des affaires sociales présent en permanence sur la totalité de la discussion du projet de loi de finances.

Debut de section - Permalien
Rolande Ruellan

a confirmé que les difficultés de coordination entre les deux textes sont plus liées aux hommes qu'à un éventuel défaut de travail en commun des administrations concernées. Il semble en particulier que la direction de la sécurité sociale et la direction de la législation fiscale soient parvenues à un très bon niveau de concertation et c'est donc plus en aval, notamment lors de la discussion parlementaire, que les difficultés apparaissent, reflétant en réalité des rapports de force de nature politique.

Réitérant son scepticisme à l'égard de solutions mettant en avant de nouvelles procédures pour régler les problèmes qui ne peuvent l'être que par une réelle volonté de maîtrise de la dépense, elle a exprimé son inquiétude sur les dangers potentiels de la nouvelle architecture gouvernementale en train de se mettre en place. Sortir les questions de financement de la compétence des ministères sociaux leur conférera peut-être un caractère exclusivement dépensier, au risque de les déresponsabiliser.

Achevant la présentation des propositions des chambres pour accroître la clarification des relations entre le budget et les lois de financement, Mme Rolande Ruellan a souligné le rôle de la certification des comptes de l'Etat et de ceux du régime général, qui devrait permettre de faire clairement apparaître la dette de l'Etat à l'égard des organismes de protection sociale.

Interrogée sur la notion de droits acquis par le travail, Mme Rolande Ruellan a rappelé que certains droits à prestations restent, dans le système français, liés à la qualité de travailleur : les retraites et, plus nettement encore, les accidents du travail - maladies professionnelles. Tel n'est pas le cas en revanche pour les prestations maladie et famille qui ont un caractère universel. Il est regrettable de ce point de vue que l'on ne soit pas allé jusqu'au bout du processus de fiscalisation de l'assurance maladie dans un souci de cohérence, après la création de la CMU.

A y regarder de plus près, les retraites ne constituent pas non plus un pur produit d'assurance. En effet, la nature contributive de la retraite connaît beaucoup d'aménagements : les pensions sont plus que proportionnelles à l'effort contributif, à la faveur même des règles de calcul ou de majorations diverses. Mais la tendance depuis quinze ans est bien de rendre les retraites plus strictement contributives, renvoyant ainsi à des mécanismes d'assistance sous condition de ressources (le minimum vieillesse) le soin de compléter les pensions les plus faibles.

a ensuite souligné la difficulté rencontrée pour finir de faire basculer le financement des branches famille et maladie dans le champ de la fiscalité. La partie du financement de ces branches toujours assise sur les salaires est en effet constituée de cotisations patronales que l'on ne sait pas, en l'état actuel des choses, convertir en impôt. Cette conversion, qui suppose la réintégration des cotisations supprimées dans le salaire direct afin de compenser la hausse de CSG imputée aux salariés, est sans doute jouable pour les grandes entreprises, mais elle paraît plus difficile à mettre en oeuvre dans les petites entreprises du fait de l'absence de syndicats et de contrôle.

Répondant à la question de savoir si la fiscalisation progressive des recettes des organismes de protection sociale répond à un mouvement inéluctable, Mme Rolande Ruellan a estimé que la fiscalisation des recettes est souhaitable, notamment pour la branche famille, tout en rappelant que ce mouvement ne doit pas être confondu avec une budgétisation. La budgétisation de la branche famille ne serait d'ailleurs pas de l'intérêt de l'Etat, même si l'excédent structurel de cette branche est appelé à réapparaître.

En réalité, la complexité dont parlent MM. Alain Lambert et Didier Migaud vient d'une fiscalisation rampante. L'essentiel de ce point de vue est d'aboutir à une clarification, ce qui a commencé à être fait avec l'instauration d'un panier fiscal destiné à compenser les allégements généraux de cotisations à la place de l'ancien système confus de subventions par l'Etat. On voit bien que ce mouvement de substitution d'impôt affecté aux subventions de l'Etat est contradictoire avec l'idée de fusion et que c'est bien dans cette voie qu'il faut continuer d'avancer.

A ce sujet, Mme Rolande Ruellan a indiqué que le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale de 2006, qui paraîtra en septembre 2007, comprendra une insertion sur le « mitage » de l'assiette des cotisations. Cette insertion fera apparaître que le régime général perd plusieurs milliards d'euros de cotisations chaque année du simple fait des diverses exonérations non compensées. Or, il n'existe pas de bilan de l'avantage coût/efficacité de ces exonérations.

Abordant ensuite la question des moyens de couverture des dépenses à caractère social au cours des prochaines années, compte tenu d'une évolution très dynamique, elle a confirmé le constat selon lequel on anticipe plutôt une augmentation des dépenses de santé et surtout de retraite supérieure à celle du PIB. Les projets de réforme élaborés par des experts ont toujours recommandé de partager les efforts entre professions de santé et assurés, entre cotisants et retraités actuels et futurs.

Pour la retraite, les choix de principe ont déjà été réalisés dans la réforme de 2003 : l'équilibre financier doit se faire par l'effet combiné des trois leviers que sont l'âge de la retraite, en jouant sur la durée nécessaire pour avoir une retraite à temps complet, le taux de cotisation retraite et le taux de remplacement. Les travaux récents du Conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent qu'une action limitée à l'âge de départ à la retraite obligerait à reporter celui-ci de trois ans ; agir uniquement sur le taux de cotisation imposerait une majoration de quatre points ; enfin, l'utilisation du seul levier du taux de remplacement contraindrait à réduire celui-ci de vingt points. Dans ces conditions, il conviendra d'agir sur les trois leviers à la fois pour répartir l'effort et le rendre plus supportable. En outre, toute modification des règles devra comprendre un objectif d'égalité de traitement entre cotisants, c'est-à-dire s'attaquer à la réforme des régimes spéciaux.

En ce qui concerne l'assurance maladie, l'avenir de son financement passe par un accroissement de la productivité du système de distribution des soins, qu'il s'agisse de la répartition géographique des équipements hospitaliers, de la réorganisation interne de l'hôpital, de la mise en place d'une médecine de ville mieux organisée ou de la redistribution des compétences entre les médecins et les paramédicaux. Du côté des assurés, il faudra se préoccuper de la répartition du reste à charge. 60 % des dépenses d'assurance maladie sont aujourd'hui causées par les patients en affections de longue durée (ALD), proportion qui ne cesse d'augmenter.

Cette question des ALD est aujourd'hui prioritaire, mais la Haute Autorité de santé, chargée notamment de revoir les protocoles d'admission aux ALD, ne semble pas vouloir se saisir de ce sujet et reste pour l'instant en « stand by ».

Debut de section - Permalien
Michel Braunstein, conseiller maître

a ajouté sur ce point le constat selon lequel il existe aujourd'hui une répartition incohérente des ALD sur l'ensemble du territoire. Certaines régions présentent des taux deux fois plus élevés que d'autres, sans justification épidémiologique convaincante.

Debut de section - Permalien
Rolande Ruellan

En concluant sur la question de la régulation des dépenses de santé, Mme Rolande Ruellan a rappelé que l'un des principaux gisements d'économies réside également dans le mode de gouvernance de l'hôpital. Il s'agit d'une conviction profonde de la Cour des comptes, qui aura l'occasion d'en reparler dans un proche avenir.

Interrogée ensuite sur l'existence d'un espace d'autonomie pour la protection sociale au sein des finances publiques, Mme Rolande Ruellan a répondu par l'affirmative, soulignant une nouvelle fois la nécessité de distinguer protection sociale et budget de l'Etat.

La protection sociale a un périmètre plus large que la sécurité sociale. Schématiquement, elle intègre aussi l'aide et l'assistance sociales, ainsi que la protection complémentaire, obligatoire et facultative. La comptabilité nationale rassemble toutes ces composantes qui interagissent les unes sur les autres : quand la sécurité sociale réduit sa protection, elle reporte des dépenses sur les deux autres composantes. Pendant des décennies, cependant, les progrès de la sécurité sociale avaient conduit à diminuer les dépenses d'aide sociale et aussi de minima sociaux. La tendance apparaît aujourd'hui inversée : quand l'Unedic réduit le champ du chômage indemnisé, un report de charges s'effectue sur la prestation d'assistance financée par l'Etat ou sur le RMI financé par les départements.

Ce constat de l'existence de vases communicants ne plaide pour autant pas pour une fusion de l'ensemble dans un seul budget, ne serait-ce que parce que la protection complémentaire, même obligatoire, ne relève pas de la loi de financement de la sécurité sociale et que l'aide sociale est de la compétence des collectivités territoriales. Mais il est incontestablement nécessaire d'avoir un pilotage commun de l'ensemble des composantes de la protection sociale.

Puis Mme Rolande Ruellan a considéré qu'il n'est pas opérationnel de fonder la distinction entre protection sociale et budget de l'Etat sur la distinction de base entre contributif/assurantiel, d'une part, et dépenses relevant d'une pure logique de solidarité, de l'autre. La distinction solidarité/assurance ne permet pas de fonder des frontières logiques. Le vrai critère est celui du caractère général de la protection : est-elle liée à la résidence en France ou à une condition d'activité professionnelle minimale ?

Il reste cependant nécessaire de procéder à une réflexion logique, indépendante dans un premier temps des aspects de financement, afin de mieux définir la nature des prestations. Par exemple, l'allocation de parent isolé (API), prestation familiale aux termes de la loi, est depuis quelques années financée par le budget de l'Etat, alors qu'elle est strictement de même nature que le RMI. La question est donc posée de savoir si elle doit subsister en tant que prestation autonome.

Ainsi, une fiscalisation plus claire et plus simple est nécessaire pour certaines branches ou prestations, mais pas la budgétisation ni la fongibilité, qui entraîneraient une gestion de la sécurité sociale sous l'autorité de l'Etat, ce qui est contraire à toutes les évolutions actuelles. Le rôle de celui-ci n'est pas d'être gestionnaire des prestations.

Envisageant d'autres pistes pour aller dans le sens d'une simplification et d'une plus grande transparence des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, Mme Rolande Ruellan a plaidé pour un financement de la sécurité sociale à partir de recettes propres bénéficiant d'un dynamisme suffisant pour couvrir l'évolution des dépenses. L'idée de ce point de vue serait que la sécurité sociale soit financée par un nombre limité de prélèvements dont il suffirait d'ajuster les taux pour garantir l'équilibre du système.

Si l'on doit considérer comme un progrès l'augmentation des taxes affectées au détriment des subventions, force est toutefois de constater que les ITAF ne donnent pas une garantie totale de couverture de ses besoins pour la sécurité sociale. Le caractère aléatoire de l'évolution de la taxe sur les tabacs au cours des prochaines années montre bien que cette ressource n'est sans doute pas complètement satisfaisante, pour s'en tenir à ce seul exemple.

Interrogée sur les propositions de la Cour en vue d'améliorer la coordination de la préparation des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, Mme Rolande Ruellan a indiqué que la Cour n'a pas travaillé sur ce sujet, dans la mesure où une mission Igas/IGF avait déjà produit un rapport en 2005 et où une nouvelle mission de ces deux inspections a repris la question au début 2007.

En ce qui concerne l'utilisation des instruments de bonne gouvernance mis en place par la loi organique de 2005, elle a estimé que ce texte a apporté des améliorations notables mais que, jusqu'à présent, les annexes sont insuffisantes pour expliquer les hypothèses retenues pour le calcul de l'Ondam. D'ailleurs, la simple observation des données récentes montre que ces hypothèses ne sont pas réalistes, sauf mesures drastiques d'économies. Les outils existent, mais ce sont les hypothèses retenues et l'absence de décision pour les respecter qui posent un problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a rappelé que cette analyse est partagée par la commission des affaires sociales, qui avait fait part de ses réserves au Gouvernement, lors de l'examen de la dernière loi de financement.

Debut de section - Permalien
Rolande Ruellan

Interrogée enfin sur l'idée de généraliser le principe de l'Ondam et du mécanisme du comité d'alerte mis en oeuvre pour la branche maladie, Mme Rolande Ruellan a souligné le fait que l'Ondam est construit avec des dépenses d'assurance maladie et d'accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) qui peuvent en principe faire l'objet de mesures d'encadrement ou dont les volumes doivent pouvoir être contenus. Il a donc théoriquement un caractère opérationnel et, à l'origine, il pouvait en cas de dérapage déboucher sur des sanctions à l'égard des médecins. Mais tel n'a jamais été le cas : l'Ondam n'est en effet une enveloppe fermée ni à l'égard des assurés sociaux qui ont des droits, ni à l'égard des médecins, sur lesquels il était illusoire d'envisager de récupérer la totalité des dépassements. Le comité d'alerte participe de la logique de l'Ondam : en cas de dérapage des dépenses, des actions sont possibles en cours d'année, comme tel fut le cas à l'automne 2006.

Pour les autres branches en revanche, il ne peut y avoir d'équivalent de l'Ondam, car il n'y a pas de réglage infra-annuel possible, sauf sur les dépenses d'action sociale et encore, dans la seule branche famille. Un comité d'alerte serait sans doute utile, mais uniquement pour mettre en évidence une insuffisance de recettes et la nécessité de préparer des mesures d'ajustement dont l'effet, en tout état de cause, ne pourrait être immédiat.