a souligné les lourds enjeux socio-économiques de ce contentieux. Il a observé que le traitement judiciaire de la contrefaçon avait un impact significatif sur le rayonnement des différents systèmes juridiques et judiciaires placés désormais en situation de concurrence depuis l'ouverture des marchés. Il a jugé essentiel que la France se dote d'un modèle attractif afin d'éviter une trop forte domination des standards anglo-saxons.
Il a souhaité évoquer des pistes de réforme pour améliorer le traitement du contentieux en matière de propriété intellectuelle.
Il a signalé que les magistrats devaient éviter deux écueils qui affaiblissent le système français. En matière civile, il convient de prendre en compte l'impact socio-économique de la contrefaçon dans l'allocation des dommages et intérêts. En matière pénale, on observe une grande dispersion des affaires qui induit un manque de cohérence de la jurisprudence.
a indiqué que ces considérations avaient conduit le tribunal de grande instance de Paris à mettre en place un mode de traitement judiciaire adapté et original. Il a mentionné la création d'une chambre mixte réunissant les magistrats de la trente-et-unième chambre pénale et de la troisième chambre civile. Il a souligné la nécessité de sensibiliser et former les magistrats à ce type de contentieux, par essence très évolutif, notamment par le développement des technologies numériques. M. Jean-Claude Magendie a ajouté que cette matière imposait une présence accrue du monde judiciaire dans les instances européennes compétentes. Il a également relevé la nécessité d'intensifier les contacts avec les principaux opérateurs économiques.
Il a appelé de ses voeux une formation des magistrats et une gestion des ressources humaines plus modernes et performantes, ajoutant qu'un chef de juridiction possédait peu de marge de manoeuvre sur ces questions qui relèvent de la compétence du ministère de la justice. Il a regretté que les règles statutaires de mobilité obligatoire des magistrats soient difficilement compatibles avec leur spécialisation. Il a expliqué en effet que de nombreux professionnels très compétents dans des domaines ciblés -brevets par exemple- étaient contraints de quitter leur poste pour ne pas subir de retard dans leur avancement. Il a jugé nécessaire de réfléchir à la création de filières spécialisées, se réjouissant que la ministre de la justice ait ouvert ce dossier.
a évoqué la nécessité d'apporter une aide plus soutenue aux magistrats dans leur travail quotidien, compte tenu de la technicité du droit de la propriété intellectuelle. Il a envisagé plusieurs solutions, la première consistant à recourir, comme actuellement, à des experts judiciaires spécialisés, la seconde -qui emporte sa préférence- tendant à recruter des assistants spécialisés, à l'instar de ce qui prévaut dans les pôles économiques et financiers. Il a mis en avant que l'une des principales faiblesses du traitement judiciaire de la contrefaçon en France résidait dans l'insuffisante capacité du système à appréhender certaines données factuelles. Il a signalé qu'un projet était en cours pour faire appel ponctuellement, dans des dossiers très complexes, à de jeunes diplômés de grandes écoles, par exemple entre la troisième chambre et l'école des Mines de Paris.
Le soutien ponctuel d'assistants, jeunes diplômés de grandes écoles, lui est apparu comme le gage d'une meilleure qualité de la justice rendue.
a indiqué que le montant des dommages et intérêts alloués par les tribunaux conditionnait bien souvent le choix du pays dans lequel les recours étaient introduits. Il a précisé que le Royaume-Uni avait la réputation de fixer des montants de réparation supérieurs à ceux octroyées par les juridictions judiciaires françaises, notant toutefois la difficulté de comparer des systèmes judiciaires éloignés. A cet égard, il a mis en avant que, si le délai de jugement des affaires de contrefaçon était plus long en France qu'en Grande-Bretagne, il convenait néanmoins de relever que ce pays distinguait deux étapes -validité des brevets et réparations- qui sont réunies dans la procédure française. Il a par ailleurs observé qu'au Royaume-Uni, la plupart des affaires était résolue dans le cadre de transactions à l'amiable en raison du coût des procédures judiciaires.
Il s'est félicité du mouvement de rationalisation de la carte judiciaire qui a permis une certaine spécialisation des tribunaux en matière de propriété intellectuelle. Il a indiqué que le tribunal de grande instance de Paris concentrait la grande majorité du volume des affaires de contrefaçon (85 %), suivi de celui de Lyon, tandis que les autres juridictions spécialisées ne traitaient qu'une dizaine de dossiers par an. Il a estimé que la sécurité juridique imposait que les juridictions statuent sur un nombre d'affaires significatif chaque année, ce qui militait en faveur de la poursuite du mouvement de concentration des compétences. Après avoir cité en exemple le Japon qui a concentré l'ensemble du contentieux de la propriété intellectuelle au sein d'une seule juridiction, il a plaidé pour la spécialisation de quatre ou six tribunaux de grande instance en matière de propriété intellectuelle. Il a expliqué que les pouvoirs publics, soucieux d'éviter une centralisation excessive du contentieux, avaient toujours veillé à ne pas attribuer tout le contentieux spécialisé au seul tribunal de grande instance de Paris, bien que la plupart des affaires y soit traitée. A cet égard, il a cité l'exemple des « pôles amiante » situés aux tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille, notant que ces deux juridictions disposaient d'un nombre égal d'assistants spécialisés alors que l'essentiel du volume contentieux (80 %) est assumé par celui de Paris.