La commission a tout d'abord procédé à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
Elle a nommé MM. Jean-Jacques Hyest, François Zocchetto, Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Hugues Portelli, Robert Badinter et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, membres titulaires, et MM. Nicolas Alfonsi, Christian Cointat, Yves Détraigne, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle et M. Richard Yung, membres suppléants.
Puis la commission a procédé à des auditions sur le projet de loi n° 226 (2006-2007) de lutte contre la contrefaçon.
Elle a tout d'abord entendu M. Marc-Antoine Jamet, président de l'Union des Fabricants (UNIFAB), sur le thème : « Ampleur, diversité et dangerosité de la contrefaçon aujourd'hui ».
UNIFAB), a indiqué que l'UNIFAB, créée en 1870, regroupait près de 400 entreprises appartenant à des secteurs d'activité les plus divers, tous concernés par la contrefaçon.
Evoquant la difficulté d'évaluer précisément l'ampleur du phénomène de la contrefaçon, il a précisé que, selon l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), la contrefaçon représenterait 10 % du commerce mondial, ajoutant que ce fléau, qui frapperait une entreprise sur deux, causerait, selon le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), 50.000 suppressions d'emplois par an en France, tandis que la Commission européenne évaluait ces pertes entre 100.000 et 150.000 par an pour l'ensemble de l'Union européenne. Il a fait observer que les autorités chinoises elles-mêmes estimaient que près de 30 % du marché intérieur chinois était constitué de produits contrefaisants.
a souligné que la contrefaçon, artisanale et très localisée dans les années 1960, était devenue un phénomène industriel et planétaire, ajoutant que cette forme de délinquance apparaissait souvent liée aux réseaux criminels (terrorisme, mafia, blanchiment d'argent, trafic de stupéfiants, d'armes, d'êtres humains...). Ainsi l'Armée républicaine irlandaise a longtemps tiré profit de la commercialisation de produits audiovisuels contrefaisants et le Groupe islamique armé (GIA) et l'organisation Al-Qaïda se sont en partie financés grâce à des contrefaçons dans le domaine du textile. Il a ajouté qu'à New-York, les saisies des douanes permettaient souvent la découverte d'armes et de stupéfiants dans les mêmes cargaisons que des produits contrefaisants.
Après avoir souligné que la contrefaçon s'appuyait désormais sur des sites de production à la pointe de la technologie et des réseaux de distribution très structurés, notamment grâce à Internet, il a expliqué que la contrefaçon s'était organisée en filières extrêmement rentables et hautement réactives, capables de mettre sur le marché des contrefaçons avant même la commercialisation des produits originaux.
a insisté sur le fait que la contrefaçon était aujourd'hui un phénomène de masse, qui ne concernait plus uniquement les produits de luxe, mais également des biens de consommation courante les plus divers, citant les rasoirs, les stylos, l'eau minérale, les lentilles optiques, les médicaments... En particulier, il a souligné qu'environ 10 % des pièces détachées automobiles vendus en France étaient des produits contrefaisants, évoquant notamment l'exemple des capots et des phares dont il a présenté des échantillons mis à disposition par Mme Christine Laï, secrétaire générale de l'UNIFAB.
a relevé que la contrefaçon pouvait porter atteinte à la santé ou la sécurité des personnes, les composants ou procédés destinés à prévenir les risques pour les consommateurs étant le plus souvent absents des produits contrefaisants.
Il a souligné que depuis environ cinq ans, la facilité du paiement par carte bancaire sur Internet, ainsi que la multiplication des sites d'enchères en ligne, avaient puissamment contribué à l'essor de la contrefaçon.
Il a regretté que l'administration française, et notamment la cellule Tracfin, chargée de la lutte contre le blanchiment, n'ait pas assez rapidement pris conscience des effets du paiement par carte bancaire sur les flux financiers illégaux, soulignant que l'administration italienne disposait, elle, de moyens importants pour lutter contre ces trafics. S'agissant des services d'enchères en ligne, il a remarqué que les hébergeurs de ces sites, financièrement intéressés à la vente des marchandises qui y sont présentées, n'étaient pas suffisamment responsabilisés dans le cadre de la législation actuelle. Il a indiqué qu'elle leur accordait tous les avantages des ventes aux enchères classiques sans faire peser sur eux aucune de leurs contraintes.
a observé que la contrefaçon avait également un impact négatif sur l'environnement, les produits contrefaisants s'affranchissant souvent des règles destinées à limiter la pollution. A cet égard, il a exposé que des piles contrefaites étaient en général près de cinq fois plus nocives pour l'environnement que des piles normales.
s'est félicité de ce que les commissaires puissent prendre la mesure de la gravité de la situation, à travers les quelques exemples de produits contrefaisants présentés. Rappelant le rôle des distributeurs sur Internet ou des transporteurs de marchandises dans le développement de la contrefaçon, il s'est demandé si les réseaux de grande distribution étaient exempts de critique.
a fait valoir que certaines sociétés victimes de contrefaçon n'osaient pas communiquer sur la réalité et la dangerosité des produits contrefaisants, par crainte que les consommateurs y assimilent leurs produits originaux et s'en détournent.
Après avoir indiqué que les réseaux de contrefaçon allaient des grandes plates-formes de courtage en ligne aux marchés forains de la banlieue parisienne, M. Marc-Antoine Jamet a indiqué que les réseaux de grande distribution n'étaient effectivement pas irréprochables, faute de pouvoir toujours maîtriser leur chaîne d'approvisionnement.
s'est demandé si les grandes marques ne pouvaient pas, d'une certaine façon, être tenues responsables de la situation en vendant leurs produits à des prix exorbitants.
a précisé que des produits de consommation courante tels que des stylos billes, des lessives ou encore des dentifrices étaient également contrefaits.
a regretté l'apparent laxisme des autorités alors que les contrefacteurs, leurs réseaux et leurs filières de distribution semblent bien identifiés.
Rappelant que les Etats-Unis envisageaient de saisir l'OMC à l'encontre de la Chine, M. Richard Yung s'était interrogé sur les actions à mener en Europe vis-à-vis de ce pays.
a indiqué que l'organisation prochaine des Jeux olympiques en Chine fournissait l'occasion aux ministres français, en visite sur place, d'appeler l'attention des autorités chinoises sur la nécessité de renforcer la lutte contre la contrefaçon.
Après avoir dénoncé la grande hypocrisie qui régnait sur ce sujet, notamment sur certains marchés forains où les revendeurs n'étaient pas inquiétés, M. Christian Cointat s'est étonné de la manière dont étaient calculées les pertes de bénéfices des titulaires de droits, considérant que les acheteurs de produits contrefaisants n'auraient pas acheté le produit original.
a fait valoir que les contrefacteurs n'hésitaient pas à vendre sur Internet de faux produits aux prix des originaux, le prix étant un gage d'authenticité pour l'acheteur.
s'est demandé si les armes en vente n'étaient pas toutes des contrefaçons.
a indiqué que la collaboration efficace des policiers italiens et français conduisait à des saisies importantes sur le marché de Vintimille.
a souligné que les actions judiciaires avaient, en effet, augmenté et que de nombreuses villes de la Côte d'Azur avaient signé une charte de lutte contre la contrefaçon.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Claude Magendie, premier président de la cour d'appel de Paris, sur le thème « La spécialisation des juridictions en propriété intellectuelle comme source d'attractivité juridique de la France ».
a relevé que la technicité du contentieux de la propriété intellectuelle rendait son appréhension complexe, suggérant une forte spécialisation des juridictions appelées à statuer.
a souligné les lourds enjeux socio-économiques de ce contentieux. Il a observé que le traitement judiciaire de la contrefaçon avait un impact significatif sur le rayonnement des différents systèmes juridiques et judiciaires placés désormais en situation de concurrence depuis l'ouverture des marchés. Il a jugé essentiel que la France se dote d'un modèle attractif afin d'éviter une trop forte domination des standards anglo-saxons.
Il a souhaité évoquer des pistes de réforme pour améliorer le traitement du contentieux en matière de propriété intellectuelle.
Il a signalé que les magistrats devaient éviter deux écueils qui affaiblissent le système français. En matière civile, il convient de prendre en compte l'impact socio-économique de la contrefaçon dans l'allocation des dommages et intérêts. En matière pénale, on observe une grande dispersion des affaires qui induit un manque de cohérence de la jurisprudence.
a indiqué que ces considérations avaient conduit le tribunal de grande instance de Paris à mettre en place un mode de traitement judiciaire adapté et original. Il a mentionné la création d'une chambre mixte réunissant les magistrats de la trente-et-unième chambre pénale et de la troisième chambre civile. Il a souligné la nécessité de sensibiliser et former les magistrats à ce type de contentieux, par essence très évolutif, notamment par le développement des technologies numériques. M. Jean-Claude Magendie a ajouté que cette matière imposait une présence accrue du monde judiciaire dans les instances européennes compétentes. Il a également relevé la nécessité d'intensifier les contacts avec les principaux opérateurs économiques.
Il a appelé de ses voeux une formation des magistrats et une gestion des ressources humaines plus modernes et performantes, ajoutant qu'un chef de juridiction possédait peu de marge de manoeuvre sur ces questions qui relèvent de la compétence du ministère de la justice. Il a regretté que les règles statutaires de mobilité obligatoire des magistrats soient difficilement compatibles avec leur spécialisation. Il a expliqué en effet que de nombreux professionnels très compétents dans des domaines ciblés -brevets par exemple- étaient contraints de quitter leur poste pour ne pas subir de retard dans leur avancement. Il a jugé nécessaire de réfléchir à la création de filières spécialisées, se réjouissant que la ministre de la justice ait ouvert ce dossier.
a évoqué la nécessité d'apporter une aide plus soutenue aux magistrats dans leur travail quotidien, compte tenu de la technicité du droit de la propriété intellectuelle. Il a envisagé plusieurs solutions, la première consistant à recourir, comme actuellement, à des experts judiciaires spécialisés, la seconde -qui emporte sa préférence- tendant à recruter des assistants spécialisés, à l'instar de ce qui prévaut dans les pôles économiques et financiers. Il a mis en avant que l'une des principales faiblesses du traitement judiciaire de la contrefaçon en France résidait dans l'insuffisante capacité du système à appréhender certaines données factuelles. Il a signalé qu'un projet était en cours pour faire appel ponctuellement, dans des dossiers très complexes, à de jeunes diplômés de grandes écoles, par exemple entre la troisième chambre et l'école des Mines de Paris.
Le soutien ponctuel d'assistants, jeunes diplômés de grandes écoles, lui est apparu comme le gage d'une meilleure qualité de la justice rendue.
a indiqué que le montant des dommages et intérêts alloués par les tribunaux conditionnait bien souvent le choix du pays dans lequel les recours étaient introduits. Il a précisé que le Royaume-Uni avait la réputation de fixer des montants de réparation supérieurs à ceux octroyées par les juridictions judiciaires françaises, notant toutefois la difficulté de comparer des systèmes judiciaires éloignés. A cet égard, il a mis en avant que, si le délai de jugement des affaires de contrefaçon était plus long en France qu'en Grande-Bretagne, il convenait néanmoins de relever que ce pays distinguait deux étapes -validité des brevets et réparations- qui sont réunies dans la procédure française. Il a par ailleurs observé qu'au Royaume-Uni, la plupart des affaires était résolue dans le cadre de transactions à l'amiable en raison du coût des procédures judiciaires.
Il s'est félicité du mouvement de rationalisation de la carte judiciaire qui a permis une certaine spécialisation des tribunaux en matière de propriété intellectuelle. Il a indiqué que le tribunal de grande instance de Paris concentrait la grande majorité du volume des affaires de contrefaçon (85 %), suivi de celui de Lyon, tandis que les autres juridictions spécialisées ne traitaient qu'une dizaine de dossiers par an. Il a estimé que la sécurité juridique imposait que les juridictions statuent sur un nombre d'affaires significatif chaque année, ce qui militait en faveur de la poursuite du mouvement de concentration des compétences. Après avoir cité en exemple le Japon qui a concentré l'ensemble du contentieux de la propriété intellectuelle au sein d'une seule juridiction, il a plaidé pour la spécialisation de quatre ou six tribunaux de grande instance en matière de propriété intellectuelle. Il a expliqué que les pouvoirs publics, soucieux d'éviter une centralisation excessive du contentieux, avaient toujours veillé à ne pas attribuer tout le contentieux spécialisé au seul tribunal de grande instance de Paris, bien que la plupart des affaires y soit traitée. A cet égard, il a cité l'exemple des « pôles amiante » situés aux tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille, notant que ces deux juridictions disposaient d'un nombre égal d'assistants spécialisés alors que l'essentiel du volume contentieux (80 %) est assumé par celui de Paris.
a souligné que les assistants spécialisés apportaient un appui très apprécié aux magistrats. Il a signalé qu'à défaut, les experts fournissaient une alternative.
a mis en avant les deux principaux problèmes soulevés par le recours aux experts judiciaires, à savoir, d'une part, l'étroitesse du vivier de recrutement, d'autre part, le délai traditionnellement très long de remise des rapports d'expertise.
a appelé l'attention du premier président de la cour d'appel de Paris sur une autre solution qui consisterait, comme en Allemagne, à adjoindre aux magistrats de carrière des échevins compétents en matière scientifique.
a considéré cette suggestion intéressante, relevant néanmoins ses limites. Il a expliqué que la diversité des domaines abordés en matière de contrefaçon supposait une palette très large de connaissances scientifiques qui semblait difficilement maîtrisable par un seul échevin. Le recours à un assistant spécialisé lui a semblé le meilleur moyen pour la justice d'avoir à sa disposition la personne idoine dans le domaine technique concerné compte tenu des évolutions très rapides.
a appelé de ses voeux la concentration du contentieux de la contrefaçon dans une ou deux juridictions spécialisées -à Paris et Lyon. Estimant que le recours à des experts judiciaires n'était pas toujours satisfaisant, compte tenu des possibles conflits d'intérêts et du manque d'expérience professionnelle concrète dans certains domaines, il a souhaité transposer en France le dispositif des échevins scientifiques allemands. Il a néanmoins reconnu qu'une telle solution irait à l'encontre de la tradition française.
a prôné un vivier d'assistants spécialisés sous contrat ponctuel.
a insisté sur la nécessité de rendre les juridictions nationales plus attractives, précisant que la maîtrise de la langue anglaise par les magistrats français en constituait l'une des conditions sine qua non. Constatant la domination de l'anglais, langue principalement utilisée dans certains contentieux à l'exemple du contentieux maritime, il s'est demandé s'il ne serait pas opportun de déroger à l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 selon laquelle tous les actes légaux et notariés doivent être rédigés en français pour permettre aux magistrats d'accepter les documents rédigés en anglais.
Il a estimé que le juge ne devait pas être un technicien mais plutôt avoir la possibilité de prendre sa décision après un débat contradictoire d'experts, à l'instar du modèle britannique de la « cross examination » qui apparaît comme un point fort de ce système.
est convenu de la nécessité d'une meilleure maîtrise de l'anglais -langue désormais incontournable dans la vie judiciaire- tout en regrettant la méconnaissance par le ministère de la justice du niveau des juges en langues étrangères.
Plus réservé sur la procédure britannique d'expertise contradictoire, il a mis en avant son caractère chronophage et coûteux, soulignant qu'il convenait de veiller au maintien du système judiciaire français. Il a ajouté que son rayonnement ne pouvait être assuré qu'en apportant aux magistrats une aide technique de haut niveau, telle qu'elle existe dans les pôles économiques et financiers au sein desquels des assistants spécialisés, recrutés pour la plupart parmi des fonctionnaires détachés du ministère de l'économie et des finances, apportent un appui précieux aux juges.
s'est déclaré favorable à la spécialisation des juridictions et des magistrats dans le contentieux de la propriété intellectuelle.
s'est demandé, d'une part, si la spécialisation des juridictions dans le domaine de la propriété intellectuelle n'était pas déjà mise en oeuvre, d'autre part, si le durcissement des sanctions pénales contre la contrefaçon intervenu récemment à la faveur de plusieurs textes législatifs s'était révélé efficace.
a rappelé qu'une dizaine de juridictions était en effet spécialisée mais que certaines d'entre elles ne traitaient qu'un nombre très réduit d'affaires à l'exemple du tribunal de grande instance de Lille, en charge de quatre dossiers par an, ou du tribunal de Limoges, en charge de deux dossiers par an.
Il s'est déclaré réservé sur la qualité du traitement de la contrefaçon en matière pénale, ce qui incitait les justiciables à introduire des recours devant le juge civil.
M. Pierre Fauchon a rappelé qu'à l'initiative de la commission des lois, la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, dite Méhaignerie, avait permis de créer auprès des magistrats du siège et du parquet des assistants de justice.
a précisé qu'il convenait de distinguer entre, d'une part, les assistants de justice placés auprès des juridictions civiles et pénales et recrutés parmi les titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études supérieures en matière juridique, d'autre part, les assistants spécialisés, qui sont généralement des fonctionnaires en détachement, placés auprès des magistrats instructeurs exerçant dans le cadre de pôles de compétence.
a estimé peu réaliste la nomination dans les tribunaux d'échevins spécialisés de bon niveau compte tenu du manque d'attractivité du statut et de la rémunération qui leur seraient offerts.
Il a d'ailleurs souligné que ce problème affectait également le recrutement des assistants spécialisés au pôle économique et financier, lesquels subissent généralement une perte de revenu par rapport aux fonctions exercées antérieurement et ne bénéficient pas toujours de conditions très favorables lors du retour dans leur corps d'origine.
Rappelant, à titre d'exemple, que le montant élevé de l'indemnité d'assistance dans le contentieux du transport maritime français favorisait l'introduction de recours devant les juridictions britanniques, M. Henri de Richemont a réitéré son souhait de voir confortée l'attractivité des tribunaux français.
Enfin, la commission a procédé à l'audition de Mme Emmanuelle Hoffmann, avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle, sur la question : « Faut-il introduire la notion de dommages et intérêts punitifs en France ? ».
a souligné la nécessité de prévoir des sanctions pour enrayer le fléau de la contrefaçon. Elle a observé que la question des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués au terme d'une action judiciaire constituait l'une des préoccupations majeures des entreprises victimes. Or, si la protection de la propriété intellectuelle est bien assurée en France, la réparation des préjudices résultant de la contrefaçon demeure insuffisante.
a ainsi exposé qu'en l'absence de texte spécifique, cette réparation obéissait aux règles du droit commun de la responsabilité civile, qui prévoient une « juste évaluation » du préjudice. Elle s'est toutefois félicitée que, grâce à la spécialisation de juridictions dans le contentieux de la propriété intellectuelle et à la nomination de magistrats plus au fait de ses enjeux économiques, cette « juste évaluation » ne soit plus conçue comme devant permettre une réparation stricte du préjudice subi mais comme devant être équitable.
a indiqué que le rôle des avocats était de donner aux magistrats les éléments permettant l'évaluation et donc la réparation du préjudice, à savoir, en l'état actuel du droit : les investissements réalisés, les gains manqués et les pertes subies par l'entreprise victime de contrefaçon. Elle s'est réjouie que le projet de loi de lutte contre la contrefaçon permette à l'avenir de prendre également en compte les bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur et donne ainsi une base juridique plus solide aux décisions de certains magistrats précurseurs en la matière.
Elle a estimé que cette réforme, même timide, marquait une évolution vers la notion de dommages et intérêts punitifs, connue des pays anglo-saxons. Il ne lui a toutefois pas semblé souhaitable d'introduire cette notion dans le droit français de la responsabilité civile, auquel elle est étrangère, car la contrefaçon constitue un délit passible de sanctions pénales.
a également approuvé les dispositions du projet de loi prévoyant, à titre d'alternative à la prise en compte des bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur, une indemnisation forfaitaire de l'entreprise victime de contrefaçon au moins égale au montant des redevances qu'elle aurait pu percevoir si celui-ci avait demandé son autorisation.
Enfin, elle a relevé qu'à ces sanctions pécuniaires, le projet de loi ajoutait la possibilité, pour le juge, de prendre des mesures tendant à assurer la publicité de la condamnation du contrefacteur, consacrant ainsi une pratique déjà suivie par les juridictions.
En conclusion, elle a estimé que ce texte permettrait aux avocats et aux magistrats de lutter plus efficacement contre la contrefaçon.
a observé que l'évaluation des bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur ne serait sans doute guère plus aisée que celle de la perte subie et du gain manqué par l'entreprise victime.
a souligné la difficulté d'évaluer la masse contrefaisante.
a demandé où étaient basés les contrefacteurs et s'ils étaient solvables.
a indiqué qu'à défaut d'engager une action contre les fabricants de produits de contrefaçon, bien souvent établis hors de France, il était possible d'agir contre leurs distributeurs ou leurs revendeurs. Elle a précisé qu'avant d'engager une action civile, les entreprises victimes de contrefaçon et leurs avocats essayaient de s'assurer de la solvabilité du défendeur mais que les dommages et intérêts alloués par une décision de justice n'étaient malheureusement bien souvent pas versés. A cet égard, elle a mentionné l'idée souvent évoquée de créer un fonds de garantie.
a toutefois fait valoir qu'une décision de justice même partiellement exécutée constituait un précédent utile et permettait d'obtenir, à défaut de dommages et intérêts, au moins la fermeture des établissements du contrefacteur. Elle a ajouté qu'en cas d'insolvabilité prévisible de ce dernier, le titulaire de droits décidait généralement d'engager une action pénale.
s'est déclaré favorable aux amendes civiles, qui permettent d'éviter le procès pénal.
a tout d'abord observé qu'en cas de solvabilité probable du contrefacteur, les entreprises victimes se tournaient plus volontiers vers le juge civil que vers le juge pénal, réputé moins généreux dans l'octroi des dommages et intérêts. Il a indiqué que, selon une étude comparative réalisée en mars 2006 pour le compte de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), les entreprises étaient majoritairement insatisfaites des dommages et intérêts obtenus des juridictions françaises dans les contentieux de propriété industrielle, alors que 80 % des entreprises interrogées en Allemagne étaient satisfaites des décisions rendues en ce même domaine dans ce pays. Il a jugé nécessaire, pour l'attractivité de la France, que les juridictions françaises accordent des dommages et intérêts équivalents à ceux qui sont octroyés dans les autres pays occidentaux.
a ensuite demandé s'il était vrai, comme l'avançaient certains magistrats, que l'apparente parcimonie des tribunaux français s'expliquerait par la réticence des parties lésées à communiquer à la partie adverse, conformément au principe du contradictoire, des informations confidentielles et stratégiques en soutien de leurs prétentions.
Observant que les dispositions du projet de loi permettaient la prise en compte, dans le calcul des dommages et intérêts, des bénéfices « injustement » réalisés par le contrefacteur, il s'est interrogé sur la nécessité d'utiliser cet adverbe.
Enfin, il a souhaité savoir si les juridictions françaises ne pouvaient pas déjà parvenir au résultat recherché en condamnant le contrefacteur sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
a estimé que les bénéfices étaient bien « injustement » réalisés par les contrefacteurs. En conséquence, l'adverbe lui a semblé superfétatoire.
Elle a indiqué qu'à sa connaissance, le moyen tiré de l'enrichissement sans cause du contrefacteur n'avait jamais été invoqué devant les juges français, sans doute parce que cet enrichissement a bien une cause dans les investissements réalisés pour produire la contrefaçon, fût-elle illicite.
Enfin, elle a reconnu qu'une entreprise victime de contrefaçon ne pouvait prétendre à l'allocation de dommages et intérêts substantiels si elle n'étayait pas suffisamment ses prétentions. Elle a toutefois souligné que les cabinets d'avocats s'efforçaient, en liaison avec leurs clients titulaires de droits, de verser au débat tout document utile de nature à démontrer l'étendue du préjudice subi.