Intervention de Dominique Martin

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 octobre 2011 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Audition de M. Dominique Martin directeur des risques professionnels de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés cnam

Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnam :

Vos deux premières questions sont liées. Vous l'avez rappelé, on a décidé en 1898 d'indemniser de manière forfaitaire les accidents du travail et les maladies professionnelles, en échange de quoi on a institué une présomption d'imputabilité d'abord pour les accidents, puis lorsque l'affection figurait sur une liste de maladies reconnues. Les partenaires sociaux tiennent beaucoup à ce compromis, qui évite bien des contentieux. Faut-il le remettre en cause ? C'est une question éminemment politique. La réparation des dommages corporels fait elle-même l'objet de débats, et le droit est loin d'être unifié. Certains militent pour une réparation intégrale des préjudices reconnus par la nomenclature Dintilhac et pour l'abandon du système forfaitaire. Mais le patronat pourrait contester la présomption d'imputabilité et tout se réglerait alors au contentieux : c'est sans doute conforme aux vues de certains représentants de la doctrine ou avocats, est-ce nécessairement dans l'intérêt des travailleurs ? En outre, la branche AT-MP est l'un des derniers bastions du paritarisme, qu'il serait dommage d'ébrécher : sa commission, très active, est présidée par un représentant du Medef, ses deux vice-présidents étant issus de la CGT et de Force ouvrière.

Certaines évolutions s'imposent pourtant, pour rapprocher les régimes et les rendre plus lisibles, tout en résolvant quelques problèmes pendants. Pour le calcul de l'indemnité en capital et du revenu de remplacement, on se fonde sur des tables déjà anciennes. Il faudrait mettre à jour les tables de mortalité, la plus récente datant de 2008, pour tenir compte de l'allongement de la vie. Le taux d'intérêt devrait également être revu : plus il est bas, plus il est favorable aux victimes, car on calcule le capital versé en fonction des revenus qu'il est susceptible de produire s'il est placé.

En cas de faute inexcusable de l'employeur, l'indemnisation n'est pas strictement forfaitaire : la rente est augmentée et d'autres postes de préjudice sont pris en compte, comme le pretium doloris, les préjudices esthétique ou d'agrément. Dans une récente décision rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a estimé l'indemnisation forfaitaire conforme à la Constitution et proportionnée aux objectifs recherchés ; mais il a jugé inconstitutionnel d'empêcher, en cas de faute inexcusable de l'employeur, l'indemnisation intégrale au sens de la nomenclature Dintilhac, y compris des frais liés à l'aménagement du véhicule, du logement, etc. Cette indemnisation doit, selon le Conseil, pouvoir être obtenue non par voie amiable mais devant l'employeur ou le tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass). Les caisses qui, jusqu'à présent, font l'avance de l'indemnité puis se retournent contre l'employeur, n'interviendraient donc plus. Mais la réforme fait débat. Le Gouvernement a d'ailleurs souhaité mettre en place une commission sur la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, présidée par Mme Rolande Ruellan.

Les partenaires sociaux n'ont pas émis d'objection au versement de 110 millions d'euros à la Cnav au titre de la pénibilité. Les syndicats de salariés y sont très favorables, puisque cela revient à faire porter cette charge aux entreprises. On comprend bien la logique de ce transfert. Un problème dû à la lourdeur de la procédure administrative tient au fait que nous récupérons le solde deux ans après le versement. La somme de 110 millions n'est qu'une estimation. Le bénéfice pour les salariés augmente à mesure que le report de l'âge de la retraite entre en vigueur : à terme, il représentera plusieurs années de pension et sera donc plus intéressant pour les salariés, pour un coût approximatif de 150 millions d'euros.

Pour ce qui est des indemnités journalières, il faut distinguer la fiscalisation de l'alignement. La LFSS pour 2010 a rendu ces indemnités imposables à hauteur de 50 % de leur montant. L'impact sur le montant net des indemnités perçues, indiscutable, dépend des revenus du foyer. Le taux de 50 % a été choisi dans l'idée qu'il fallait distinguer entre le revenu de remplacement et la réparation des préjudices personnels ; on envisageait d'abord de fiscaliser ces indemnités à la même hauteur que les indemnités journalières maladie, mais ce mode de calcul s'est révélé trop complexe. Le ministère du budget pourrait peut-être vous donner plus d'informations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion