Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 décembre 2010 : 1ère réunion
Quatrième loi de finances rectificative pour 2010 — Examen du rapport

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Tout à fait, d'autant plus que les banques britanniques figurent parmi les créanciers du système bancaire irlandais. C'est pourquoi le plan de redressement met à contribution la zone euro mais aussi le Royaume-Uni et les pays scandinaves hors zone euro. D'où une grande confusion : le renflouement ainsi conçu sert-il autant qu'on le prétend la pérennité de la zone euro ?

J'en viens aux questions strictement budgétaires. Le collectif fait apparaître un déficit de 148,5 milliards d'euros ; 149,7 milliards en tenant compte des prévisions de consommation des reports. C'est un progrès par rapport aux prévisions de la précédente loi de finances rectificative, mais une aggravation par rapport à celles de la loi de finances initiale pour 2010 ; celle-ci n'incorporait pas le grand emprunt, qui contribue pour 35 milliards d'euros au déficit de 2010. Dès lors que ces 35 milliards ont été empruntés, mais non dépensés - la dépense au titre des investissements d'avenir se situant autour d'1 milliard d'euros, loin des 5 milliards prévus - les dépôts des correspondants se gonflent à due concurrence !

La charge de la dette est inférieure de 2,2 milliards d'euros aux prévisions révisées. Il y a un effet d'aubaine sur les prélèvements sur recettes, qu'il s'agisse de la contribution à l'Union européenne ou du prélèvement en faveur des collectivités territoriales, principalement du fait de la baisse du FCTVA. Des recettes exceptionnelles ont été engrangées au titre des recettes non fiscales, avec un prélèvement supplémentaire sur la Caisse des dépôts et une hausse de 700 millions d'euros des dividendes versés à l'État. Au total, les recettes non fiscales sont supérieures de 2,5 milliards d'euros aux prévisions.

En revanche, les économies constatées sur la charge de la dette ont bel et bien été consacrées à financer des dépenses nouvelles : 1,9 milliards d'euros, au titre de dépenses sociales et de l'apurement de dettes de l'État à l'égard de tiers. Si les recettes étaient exceptionnelles, les dépenses nouvelles, elles, sont reconductibles...

Les recettes fiscales connaissent une légère érosion, de 300 millions d'euros. Seuls les impôts sur le patrimoine sont relativement dynamiques ; les autres sont en phase de reprise, un peu en deçà du niveau prévu début 2010. Enfin, le solde des comptes spéciaux se dégrade de 300 millions.

S'agissant des crédits des missions, le collectif traduit plusieurs sous-budgétisations que nous avions dénoncées. Il ouvre 1,3 milliard d'euros supplémentaires sur la mission « Travail et emploi », du fait du dérapage des dépenses de la politique de l'emploi, et notamment des contrats aidés. L'allocation aux adultes handicapés (AAH) exige un abondement de 319 millions - ce qu'avaient prédit nos rapporteurs spéciaux. Pour l'aide au logement et l'hébergement d'urgence, 275 millions de plus, alors qu'il y a déjà eu un décret d'avance, et que la sous-évaluation avait, là encore, été signalée par notre rapporteur spécial. Dans le domaine agricole, on observe une ouverture de crédits de 83 millions d'euros en raison des pénalités pour les aides qui ont été allouées en contravention des règles communautaires ; comme chaque année, il a fallu abonder le financement des OPEX, de 387 millions. Enfin, l'apurement de la dette de l'État vis-à-vis du Crédit foncier de France représente 83 millions d'euros, s'agissant du PEL. Je vous renvoie sur ce point à l'analyse de notre collègue rapporteur spécial, Jean-Pierre Fourcade.

Globalement, la norme de dépenses semble être tenue. Mais la stabilisation des dépenses en volume résulte de la baisse des prélèvements sur recettes et des charges financières, non d'une maîtrise des dépenses des missions !

Sur les mesures de périmètre, je vous renvoie au rapport écrit. Grâce à quelques montages opportuns et une bonne dose de window dressing, on arrive, comme par miracle, à l'équilibre... Si l'on se livre à un petit exercice de finances fiction, il aurait fallu, pour tenir la norme « zéro valeur » en 2010, prévoir des dépenses inférieures de 4 milliards d'euros en loi de finances initiale, de 5,6 milliards en collectif ! Tout cela hors relance, hors réforme de la taxe professionnelle, hors grand emprunt...

Enfin, le tableau de financement de l'État fait apparaître une baisse du déficit budgétaire prévisionnel, qui entraîne celle du besoin de financement. On observe une forte hausse des dépôts des correspondants : l'argent du grand emprunt est resté en caisse ! S'ajoute le rachat anticipé de titres, et des opérations techniques comme l'encaissement d'importantes primes à l'émission. La performance technique de l'Agence France trésor dans la gestion de la dette ne doit toutefois pas tenir lieu de vertu budgétaire ! Les circonstances de marché ont permis au « chat » de retomber sur ses pattes fin 2010, mais le saut risque d'être plus périlleux les années suivantes...

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