Estimant à son tour inacceptables les dispositions de ce projet de loi, M. Jean-Pierre Godefroy a jugé singulier que le rapporteur ait choisi de s'appesantir sur les dispositions traitant de la représentativité plutôt que de s'étendre sur celles relatives à la durée du travail. Même la transposition de la position commune signée par les partenaires sociaux est de nature à susciter de grandes inquiétudes. On peut ainsi se demander si les nouvelles règles de représentativité syndicale - 10 % au niveau de l'entreprise et 8 % au niveau de la branche - n'aboutiront pas, dans la réalité, à restreindre l'émergence de nouveaux syndicats. Par comparaison, le seuil correspondant en matière d'élections politiques est de 5 % seulement.
Il a par ailleurs contesté le fait que l'introduction d'une référence nouvelle aux valeurs républicaines parmi les critères de représentativité des organisations syndicales puisse empêcher la création d'une structure proche du Front national. La perspective du développement de nombreux syndicats « maison » dans certaines entreprises ne saurait par ailleurs être écartée. Enfin, l'inversion de la hiérarchie des normes, tendant à donner une valeur supplétive aux accords de branche par rapport aux accords d'entreprise, ne manquera pas de provoquer de graves atteintes aux droits sociaux, notamment si la conjoncture économique s'améliore. La durée de travail deviendra ainsi un facteur de concurrence entre les entreprises, et les salariés seront soumis à un véritable chantage dans la mesure où ils seront quasiment obligés d'accepter des heures supplémentaires. Cette disposition semble d'ailleurs avoir fait l'objet d'un débat au sein même du Medef.
En ce qui concerne l'instauration d'un forfait jours, jusqu'ici limité au personnel d'encadrement, il s'est inquiété de la possibilité d'aller au-delà du seuil de deux cent trente-cinq jours. Par ailleurs, l'extension du champ de cette disposition aux salariés autonomes conduit à s'interroger sur la définition de cette notion ainsi que sur l'autorité qui sera amenée à le faire. Certains salariés risquent ainsi de voir jusqu'à 417 heures supplémentaires ne plus être payées au cours d'une année donnée.
En définitive, toutes ces mesures risquent d'aboutir à des résultats contreproductifs, tant en ce qui concerne l'emploi des seniors que celui des jeunes salariés. Les entreprises disposent déjà de la faculté de recourir aux heures supplémentaires jusqu'à deux cent vingt heures par an et n'utilisent cette possibilité qu'à hauteur de cinquante-cinq heures en moyenne. Ce texte conduira finalement à faire travailler les salariés davantage pour gagner moins. Les dispositions du projet de loi s'inscrivent en totale contradiction avec les autres attributions de Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité : la diminution des heures de repos compensateur est de nature à nuire à la santé au travail ; l'inspiration du Gouvernement ne saurait se fonder sur le principe de solidarité ; l'extension des horaires de travail, le samedi par exemple, ne peut que nuire à la stabilité de la cellule familiale. Quel pourrait être l'intérêt, dans ces conditions, d'une majoration salariale s'il faut acquitter des frais supplémentaires pour garder les enfants ?