Intervention de Jean-Pierre Filiu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 février 2010 : 1ère réunion
Situation au yémen — Audition de M. Jean-Pierre Filiu professeur à sciences po chaire moyen-orient

Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po (chaire Moyen-Orient) :

En réponse, M. Jean-Pierre Filiu a apporté les précisions suivantes :

- Al-Qaïda possède trois branches extérieures : une, située au Yémen, dénommée Al-Qaïda pour la péninsule arabique, qui entretient des liens étroits avec l'organisation centrale ; une autre située en Irak, qui a perdu ses bases territoriales au profit des mouvements nationalistes ; et, enfin AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) créée en janvier 2007 à partir du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), et pour compenser l'échec de l'organisation en Irak. AQMI a reçu d'« Al-Qaïda-central » le double mandat d'acquérir une dimension authentiquement maghrébine, d'une part, et de frapper l'Europe, avec pour cible prioritaire l'Espagne et la France, d'autre part. Mais AQMI est demeurée essentiellement algérienne, elle s'est révélée incapable d'intégrer les réseaux marocains et tunisiens en son sein, comme elle n'est pas parvenue à frapper le continent européen. Ce double échec est largement dû à l'effondrement d'Al-Qaïda en Irak, qui a à la fois cassé la dynamique maghrébine et sapé le potentiel de recrutement des réseaux jihadistes, jusqu'alors portés par la perspective du combat anti-américain.

- du fait de cet échec d'AQMI, l'ultime vecteur de recrutement d'Al-Qaïda en France reste Internet, qui permet à ses différents éléments d'obtenir une grande audience, en dépit de leur bas niveau culturel et religieux. Ce sont des individus isolés et désocialisés, qui intègrent Al-Qaïda au terme de trois étapes : prise de contact avec les animateurs des sites électroniques, « examen de passage » du candidat, orienté vers des forums à l'accès codé, puis, s'il en a les capacités, passage à l'action ;

- au total, AQMI n'a pas pu agir de façon durable en Europe et a raté son implantation en France. Elle s'est donc repliée sur sa branche saharienne, en Mauritanie, au Niger et au Mali, qui a frappé, ou tenté de frapper, des cibles occidentales, entre autres françaises. Ses activités s'insèrent dans les nombreux trafics qui traversent cette zone (armes, drogue, immigration illégale). Les menaces proférées sur le déroulement de la course Paris-Dakar ont été prises au sérieux, avec raison, par les organisateurs, les conduisant depuis 2008 à la déplacer en Amérique latine.

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