Intervention de Jean-Claude Etienne

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 4 février 2009 : 1ère réunion
Création d'une première année commune aux études de santé et réorientation des étudiants — Examen du rapport

Photo de Jean-Claude EtienneJean-Claude Etienne, rapporteur :

Après avoir remercié ses collègues de lui avoir confié ce rapport sur la proposition de loi déposée par le député Jacques Domergue et par lui-même, sur le bureau de leurs assemblées respectives, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur, a rappelé qu'en raison de l'ordre du jour réservé particulièrement chargé du Sénat, l'Assemblée nationale l'avait examinée en premier lieu en décembre dernier. Ce texte a plusieurs objectifs :

- multiplier les chances d'accéder à une profession de santé ;

- développer une culture commune aux différents professionnels de santé ;

- réduire le taux d'échec des étudiants en première année d'études de santé ;

- ouvrir de nouvelles perspectives en cas d'échec, en mettant l'accent sur la réorientation des étudiants ;

- diversifier le profil des étudiants en créant de nouvelles voies d'accès aux études de santé.

Avant d'entrer dans le détail du nouveau dispositif, il a rappelé la situation existante :

- contrairement à d'autres pays européens, la France n'impose pas de sélection à l'entrée en première année d'études de santé. En revanche, un concours est organisé à l'issue de la première année, qui est commune aux trois filières : études de médecine, d'odontologie et de sage-femme. Celle-ci est sanctionnée par un concours commun à ces trois filières, qui donne lieu à un classement des étudiants, par ordre de mérite ;

- le nombre de postes ouverts au concours dans chacune de ces filières est contingenté par un numerus clausus, fixé chaque année par un arrêté commun du ministre de la santé et du ministre chargé de l'enseignement supérieur, et décliné pour chaque UFR (unité de formation et de recherche) ;

- les étudiants admis peuvent, en fonction de leur rang, choisir de s'orienter vers l'une ou l'autre des filières. Cependant, dans les faits, les derniers classés se voient attribuer les places disponibles et les choix s'effectuent donc trop souvent par défaut. En outre, ce système entraîne une hiérarchisation marquée des filières ;

- en cas d'échec, un redoublement est possible au dessus d'une note couperet et le triplement n'est admis que dans un nombre de cas très limité ;

- le taux global de réussite au concours n'est que de 20,46%, ce qui signifie, a contrario, que le taux d'échec est proche de 80%. Il recouvre la réussite de seulement 12,64% des étudiants inscrits pour la première fois et de 36,70% des doublants et triplants, qui représentent plus du tiers des inscrits.

a déploré que cette situation entraîne évidemment un gâchis humain qui est préjudiciable tant sur un plan individuel que collectif.

Ce constat a été établi par plusieurs rapports successifs (de MM. Debouzie en 2003, puis Thuilliez en 2006, enfin Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie nationale des sciences, en février 2008). Ceux-ci ont avancé des axes de réforme, dont la présente proposition de loi est largement inspirée.

Elle fixe un cadre général que des arrêtés viendront préciser, visant, en premier lieu, à rapprocher désormais la première année du premier cycle des études pharmaceutiques de la première année du premier cycle des études médicales. Au concours commun de fin d'année seraient substitués quatre concours distincts pour l'accès à ces quatre filières d'études, afin d'inciter les étudiants à s'orienter par choix plutôt que par défaut, de leur offrir davantage de débouchés et d'éviter une hiérarchisation marquée des filières.

A cette fin, la première année serait organisée en deux semestres, dans le cadre du système Licence Master Doctorat (LMD) : le premier comprenant exclusivement des enseignements communs et le second comportant des enseignements spécifiques à chacune des quatre filières.

Puis M. Jean-Claude Etienne, rapporteur, a indiqué qu'afin de réduire le taux d'échec des étudiants, de limiter le nombre de redoublements trop souvent inutiles, et d'élargir les débouchés, il était prévu d'organiser la réorientation des étudiants dont les chances de réussite aux concours s'avèrent infimes, ceci à l'issue soit du premier semestre, soit du second. Ces étudiants pourraient se réorienter vers d'autres formations, notamment scientifiques, en vue d'une remise à niveau, et une « boucle de rattrapage » leur permettrait de s'inscrire à nouveau dans le cursus des études de santé. Ils pourraient aussi changer de formation.

a indiqué que le texte proposait, en second lieu, la création de passerelles permettant l'admission directe de certains étudiants en deuxième ou en troisième année des études de santé, afin notamment de diversifier les profils. Deux catégories d'étudiants pourraient en bénéficier :

- des candidats titulaires de master, de diplômes d'écoles de commerce ou d'instituts d'études politiques ;

- des étudiants qui, ayant validé au moins trois années d'études médicales, c'est-à-dire deux années dans une des quatre filières au-delà de la première année, voudraient se réorienter vers une autre de ces filières (il s'agit d'« un droit au remords »).

Le rapporteur a précisé que la réforme pourrait entrer en vigueur pour la rentrée universitaire 2009-2010, les dispositifs de réorientation des étudiants étant cependant mis en place au plus tard à compter de la rentrée 2011-2012, afin de laisser aux universités le temps d'en affiner les modalités, de les expérimenter et de les évaluer.

Le rapporteur a souligné que le principe de cette réforme rencontrait un assez fort consensus, certaines des personnes auditionnées ayant néanmoins exprimé leurs préoccupations légitimes face à cette modernisation des études de santé, qui implique forcément des changements.

Il a relevé que la majeure partie des universités étaient prêtes à mettre en place cette réforme dès la rentrée 2009-2010, une circulaire du 1er août 2008 les ayant informées des principales orientations de la réforme et une autre, du 21 novembre 2008, ayant défini le contenu pédagogique de la première année ainsi que la répartition des unités d'enseignement entre les deux semestres.

Le rapporteur a indiqué qu'un certain nombre d'universités estimaient cependant nécessaire de réaliser des équipements complémentaires en matière immobilière ou audiovisuelle.

Il a indiqué que les crédits avaient été inscrits, à ce titre, dans le cadre de la loi de finances pour 2009 (dans le plan « Réussir en licence ») et que toutes les UFR médicales en bénéficieront. En outre, le plan de relance a permis de dégager des crédits supplémentaires pour les UFR médicales parisiennes, afin d'en moderniser les locaux.

Le rapporteur a évoqué, cependant, les préoccupations de certains représentants des étudiants :

- les pharmaciens souhaitent que le nombre d'heures d'enseignement dont ils bénéficient aujourd'hui soit maintenu et ils espèrent ne pas souffrir d'une détérioration éventuelle des méthodes pédagogiques ;

- les étudiants craignent que la réorientation à la fin du premier semestre soit trop précoce et trop sévère. Cependant, elle ne s'appliquera qu'à l'issue d'une période d'expérimentation de deux ans et d'une évaluation. Par ailleurs, la réalité statistique montre que les étudiants ayant une moyenne de moins de 7/20 à l'issue du premier semestre ou de la première année n'ont qu'une très faible chance de réussir les concours, même à l'issue d'un redoublement. Cette réorientation sera proposée au-delà d'un certain facteur multiplicatif du numerus clausus dans la filière de leur choix. Les universités pourront le déterminer dans le cadre de leur autonomie et le ministère a assuré le rapporteur que le cadre national n'imposerait pas un coefficient trop sévère ;

- la période transitoire suscitant aussi des interrogations, le rapporteur a obtenu l'assurance que les redoublants pourront se représenter à deux des concours déjà tentés et que le triplement sera plus largement autorisé pendant cette période ;

- enfin, les masseurs-kinésithérapeutes regrettent de ne pas être concernés par la réforme, alors que les deux tiers d'entre eux préparent leur première année à l'université. Le rapporteur a souhaité que la réflexion se poursuive.

En définitive, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur, a estimé que la concertation devait permettre de rassurer l'ensemble des parties et que des explications très claires et précises devaient être données aux étudiants concernés.

Il a jugé que la réussite de cette réforme sera néanmoins conditionnée par :

- la mise en oeuvre effective du dispositif d'orientation active, qui doit permettre aux lycéens de mieux connaître la réalité des études et des professions dans lesquelles ils souhaitent s'engager ;

- et le renforcement du tutorat.

Puis M. Jean-Claude Etienne, rapporteur, a évoqué la date d'entrée en vigueur de la réforme.

Il a relevé que la majorité des professionnels et des étudiants concernés souhaitaient une application rapide de la réforme et qu'une minorité inquiète demandait le report de son application à la rentrée 2010, au risque de décevoir et perturber tous ceux qui l'attendent avec impatience et qui s'y sont préparés.

Il s'est interrogé, dans ces conditions, sur le dépôt d'un éventuel amendement tendant à prévoir une entrée en vigueur progressive, au choix des universités, en fonction de leur situation spécifique et de leur plus ou moins grand dynamisme. Cependant, devant encore auditionner des doyens en fin de semaine, il a proposé à la commission de revenir sur cette question lors de la prochaine réunion.

Par conséquent, il a proposé d'adopter la proposition de loi dans le texte transmis au Sénat.

Un large débat a suivi l'exposé du rapporteur.

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