Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 novembre 2011 : 1ère réunion
Obligation de neutralité des structures privées en charge de la petite enfance — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain RichardAlain Richard, rapporteur :

J'ai senti une ambivalence chez certains orateurs et je précise que l'activité dont nous parlons n'a pas un caractère de service public. Les critères du service public ont été resserrés dans la jurisprudence récente du Conseil d'Etat, qui applique le critère du contrôle par une personne publique. Financement public, agrément, retrait d'agrément : nous ne sommes pas loin du service public. Mais il s'agit ici d'activités « d'intérêt social », qui n'ont pas le caractère de service public. Elles n'en sont pas moins des activités à caractère éducatif : des enfants de zéro à trois ans qui sont confiés à plein temps aux assistantes maternelles bénéficient d'une éducation. J'ajoute qu'il y a encadrement par la puissance publique et aides financières...

Allons-nous trop loin en posant des règles en matière d'imprégnation religieuse ? Je veux dire à M. Pillet que la liberté de conscience des familles et des enfants dépasse le cadre de la protection du consommateur. On accorde des garanties aux consommateurs, avec par exemple la loi Scrivener ; la moindre des choses est que les parents sachent à qui ils confient leurs enfants. C'est un droit.

Une bonne nouvelle pour M. Christophe Béchu : nous avons un motif de droit fondamental pour légiférer, nous voulons offrir les mêmes garanties aux parents selon que les enfants sont placés en crèche ou chez une assistante maternelle. Et une mauvaise nouvelle : il existe, dans le cas des « entreprises de tendance », des mentions dans les contrats de travail qui limitent le droit d'expression religieuse des salariés, au nom de l'intérêt de l'entreprise... Il faudra des éléments de contrat-type : qui va les établir ?

Chez les assistantes maternelles comme dans les crèches, le même principe prévaut : soit on respecte la neutralité, soit on souhaite pratiquer sa religion durant le temps d'accueil des enfants et, alors, on le signale.

La question la plus vertigineuse est celle posée par M. Zocchetto : quel signe est vraiment religieux ? Nous ne sommes pas obligés de tout confier au juge, mais c'est bien ce dernier qui devra apprécier le contenu du signe incriminé. Il existe une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, fondée sur la théorie dite de l'apparence et développée en 2005 dans l'arrêt Leyla Sahin contre Turquie : le voile est perçu comme une obligation religieuse, il est donc un signe religieux. Les autres solutions seraient pires, comme par exemple l'établissement d'une liste.

La proposition de loi introduit une clarification, non une contrainte : rien n'est interdit, mais il faut en informer les parents. C'est une exigence de la laïcité et du vivre ensemble. Crèche juive, colonie de vacances scoute, tout me va ! Mais si l'on n'annonce aucun caractère propre, on est tenu à la neutralité. Je ne veux stigmatiser personne pour sa croyance, mais, de la même façon, nul ne doit être stigmatisé parce qu'il est non-croyant. C'est un texte d'équilibre. Souvenons-nous des crispations, des passions suscitées par la loi Debré : j'étais enfant alors mais j'en conserve le souvenir. Et depuis fin 1959, de nombreuses dispositions de cette loi n'ont pas été modifiées d'une virgule, et figurent telles qu'à l'origine dans le code de l'éducation.

Faut-il ajouter des recommandations de médiation ? Cette possibilité va de soi, pas besoin d'une loi pour la suggérer !

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