Le coordonnateur national du renseignement s'est donné les moyens lui permettant de construire une organisation propice à un meilleur fonctionnement des services de renseignement.
Je voudrais rappeler la nature très particulière des activités liées à l'exploitation du renseignement. Le renseignement, c'est un volume considérable d'éléments dont on ne peut rien négliger sans pour autant être certain de leur importance et de leur fiabilité. L'information collectée présente une valeur très inégale. Elle provient parfois de sources sujettes à caution. La grande difficulté est de bien évaluer l'information.
Je suis impressionné par les progrès que nous avons réalisés dans le recueil technique du renseignement. Mais un renseignement d'origine technique doit toujours être confirmé par le renseignement d'origine humaine. Rappelons-nous que la performance du renseignement technique américain n'a pas suffi à éviter le 11 septembre 2011.
L'intérêt de la coordination du renseignement est de pouvoir embrasser toutes les facettes du renseignement.
Je voudrais également souligner l'importance des contacts qui s'établissent désormais entre le Parlement et le monde du renseignement. Ces contacts sont importants pour l'information du Parlement, mais aussi pour les services eux-mêmes et pour le sentiment qu'ils en retirent quant à la légitimité de leur travail.
En ce qui concerne nos otages détenus par AQMI, la vidéo qui vient d'être diffusée est assortie d'un message politique, mais il ne faut pas oublier qu'elle avait été précédée d'une demande de rançon de 90 millions d'euros. J'ai conscience de la difficulté à évoquer publiquement ce type de situation. L'exigence de secret est extrême, car un faux pas ou une déclaration intempestive peuvent mettre en danger la vie des otages. Il est bien évidement exclu de mener des négociations au grand jour. Bien entendu, les familles doivent être informées, mais cela doit se faire de manière très discrète car nous sommes observés. Il faut se ménager une possibilité d'action. Or, plus on parle, moins on peut agir.
Je voudrais dire à ce sujet qu'en tant que coordonnateur national du renseignement, je n'ai pas à connaître précisément de ce qui se passe sur le terrain. Ce n'est pas mon rôle, cela irait au-delà des nécessités liées à ma mission. Je le répète, le coordonnateur national du renseignement n'est pas une structure de commandement ni de décision. Cela ne l'empêche pas de procéder à des analyses à posteriori.
S'agissant de l'anticipation du « printemps arabe » par les services de renseignement et, plus généralement, les pouvoirs publics, je crois qu'il faut rejeter les visions caricaturales. J'ai coutume de dire que la bataille de Waterloo a été gagnée dans toutes les écoles de guerre à compter du jour où il ne fallait pas la perdre. Il est toujours facile de commenter a posteriori. Par définition, il entrait dans la mission de notre diplomatie d'entretenir des relations avec les gouvernements en place.
Ce qui nous mobilise aujourd'hui, c'est d'évaluer l'impact qu'auront tous ces évènements d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient sur notre sécurité.
Je rappelle que depuis quinze ans, notre territoire national n'a pas connu d'actes terroristes majeurs. C'est un résultat remarquable qui n'est en rien le fruit du hasard. Mais je lisais récemment les déclarations d'un responsable américain estimant que la disparition du régime Kadhafi rendrait plus difficile la lutte contre le terrorisme. C'est un constat strictement objectif.
La question que nous nous posons aujourd'hui est celle du contrecoup des évènements d'Afrique du Nord et de notre engagement militaire dans la région sur la sécurité du territoire national et au Sahel. Nous avons des craintes réelles sur la dissémination d'armements qui pourraient transiter de Libye vers la zone sahélienne.