Intervention de François-Noël Buffet

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 14 décembre 2010 : 1ère réunion
Cumul des mandats — Examen du rapport d'information

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur :

Avant tout, je voudrais rappeler que nous avons préparé ce rapport dans la perspective d'élargir le champ du débat et d'ouvrir plusieurs pistes de réflexion.

L'importance de la pratique du cumul des mandats et des fonctions électives en France nous a conduits à formuler quelques recommandations.

Certaines recommandations nous semblent pouvoir faire l'objet d'un réel consensus. Ainsi, s'agissant de la liste des fonctions entraînant l'inéligibilité des candidats aux différents mandats locaux, plusieurs éléments ont appelé notre attention.

Tout d'abord, sur un plan formel, nous estimons que certaines fonctions énumérées sont complètement désuètes et nécessiteraient d'être actualisées. A titre d'exemple, citons celles des inspecteurs des instruments de mesure et celles des inspecteurs des manufactures de tabac. Par conséquent, nous recommandons de réactualiser la liste existante des fonctions entraînant l'inéligibilité des candidats aux mandats locaux.

A contrario, il est regrettable que certaines fonctions ne soient pas citées dans cette liste. Ainsi, nous estimons que les fonctions d'inspection dans les domaines de la santé ou des nouvelles technologies pourraient être ajoutées. Il faudrait donc lister de nouvelles fonctions territoriales entraînant l'inéligibilité des candidats aux mandats locaux ; il s'agirait, par exemple, des fonctions de directeur général de l'Agence régionale de santé, de responsable de l'antenne départementale de l'ARS ou encore de directeur d'hôpital.

En outre, nous constatons que seuls certains représentants des autorités administratives indépendantes (AAI), dont le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont inéligibles aux mandats de conseillers généraux et régionaux. Nous nous interrogeons sur une éventuelle extension de cette inéligibilité à des représentants d'autres AAI.

Enfin, nous serions favorables à ce que les directeurs de cabinet du président d'un EPCI soient inéligibles aux mandats locaux, à l'instar de ce que le code électoral prévoit pour les membres de cabinet du président d'un conseil général ou d'un conseil régional. Cela devrait d'ailleurs être proposé dans le cadre du texte réécrivant l'ensemble des dispositions à valeur organique du code électoral qui sera très prochainement soumis au Parlement.

Par ailleurs, nous observons que le cumul des fonctions exécutives locales avec un mandat parlementaire semble de plus en plus mal accepté par un nombre croissant de citoyens, voire d'élus, et les situations de conflits d'intérêts qui peuvent en résulter se sont multipliées à mesure que l'organisation territoriale de notre pays s'est décentralisée.

Ainsi, nous avons identifié plusieurs types de propositions permettant de restreindre les situations de cumul des mandats et des fonctions. Dès lors, plusieurs possibilités s'ouvrent à la délégation, celle-ci pouvant approuver des propositions plus ou moins restrictives. D'ailleurs, je rappelle que c'est l'esprit dans lequel nous avons travaillé avec Dominique Voynet.

Tout d'abord, nous souhaitons prendre le risque de présenter une proposition assez forte à la délégation. Il semble temps d'ouvrir le débat sur un sujet majeur et nous proposons l'interdiction de tout cumul entre un mandat national et une fonction exécutive locale, entendue au sens strict, sans établir de critère démographique ; l'ensemble des fonctions exécutives locales seraient ainsi visées par l'interdiction du cumul. A défaut, il serait possible de moduler cette proposition en soumettant l'interdiction de tout cumul entre un mandat national et une fonction exécutive locale à l'instauration d'un seuil démographique, au-dessus duquel le cumul serait interdit.

Ensuite, au regard du développement attendu des intercommunalités, nous estimons nécessaire de renforcer la législation existante concernant le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales au sein d'un EPCI. Il s'agirait de proposer, a minima, que les fonctions de président d'EPCI à fiscalité propre soient intégrées dans la législation relative au cumul des mandats applicables aux parlementaires. La mise en oeuvre d'une telle proposition permettrait, d'une part, de revaloriser le rôle des présidents des EPCI concernés, en leur offrant plus de temps et de liberté pour remplir leurs missions, et, d'autre part, d'augmenter la disponibilité des parlementaires concernés par ce type de cumul. L'étendue de cette proposition peut être modulée par l'introduction d'un seuil démographique, au-dessus duquel il serait interdit de cumuler un mandat national avec la présidence d'un EPCI à fiscalité propre.

Au niveau local, le cumul des mandats et des fonctions peut également constituer un frein au bon fonctionnement de la démocratie. En effet, nous avons observé un renforcement des responsabilités et charges pesant sur les présidents d'intercommunalité. Dans le même temps, nous avons constaté l'importance du phénomène de cumul entre les fonctions de président d'EPCI et d'autres mandats locaux. Par conséquent, nous préconisons d'ajouter à la liste des mandats dont le cumul est interdit pour les élus locaux, les fonctions de président d'EPCI à fiscalité propre.

Enfin, si aucune des propositions visant à restreindre les situations de cumul n'était adoptée par la délégation, nous nous demandons s'il ne faudrait pas s'interroger tout de même sur la limitation des mandats dans le temps (il s'agit cependant d'une position de repli). Ainsi, à l'instar du président de la République, les élus ne pourraient briguer successivement plus de deux mandats locaux identiques. En revanche, si les propositions précédentes visant à limiter le cumul étaient adoptées, les possibilités de cumuler un même mandat dans le temps pourraient être plus grandes ou faire l'objet d'un examen ultérieur. Ainsi, Dominique Voynet et moi-même nous demandons si un même mandat local devrait être exercé plus de trois fois par la même personne. Cette question est ouverte et la réponse n'est évidemment pas définie par avance.

C'est pourquoi nous vous faisons aujourd'hui neuf recommandations qui ne sont pas cumulatives et que je vais vous présenter rapidement.

La première recommandation a pour objectif la création d'une commission ad hoc chargée d'examiner globalement les régimes d'inéligibilité et d'incompatibilité, afin de garantir l'objectivité des critères existants et, le cas échéant, d'améliorer le régime juridique concerné.

La deuxième vise à réactualiser la liste des fonctions entraînant l'inéligibilité des candidats aux mandats locaux.

La troisième consiste à inclure, dans la liste des fonctions entraînant l'inéligibilité des candidats aux mandats locaux, de nouvelles fonctions « territoriales », afin de tenir compte des modifications de certaines fonctions induites par les différents textes portant réforme de la décentralisation.

La quatrième recommandation consiste à rendre inéligibles aux mandats de conseillers généraux et régionaux, les membres de certaines autorités administratives indépendantes (AAI).

La cinquième recommandation vise à rendre inéligibles aux mandats de conseillers municipaux, généraux et régionaux les membres de cabinet des présidents d'EPCI.

S'agissant du cumul des mandats d'élus, nous proposons deux recommandations majeures. La sixième recommandation consiste à proposer l'interdiction de tout cumul entre un mandat national et une fonction exécutive locale, entendue au sens strict, sans établir de critère démographique ; l'ensemble des fonctions exécutives locales étant ainsi visées par l'interdiction de cumul. La septième recommandation est un peu plus ouverte dans la mesure où elle vise à proposer l'interdiction de tout cumul entre un mandat national et une fonction exécutive locale, en établissant un seuil démographique, au-dessus duquel le cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale est interdit.

La huitième recommandation vise à proposer l'intégration des fonctions de président d'EPCI à fiscalité propre à la législation relative au cumul des mandats applicable aux parlementaires.

Enfin, la neuvième recommandation consiste à proposer l'intégration des fonctions de président d'EPCI à fiscalité propre à la législation relative au cumul des mandats applicable aux élus locaux.

Je rappelle que ces neuf recommandations ne sont pas cumulatives : elles constituent uniquement des pistes qui doivent faire avancer le débat.

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