Le bureau de la délégation nous a chargés d'une réflexion sur le statut « social » des élus, réflexion qui vient compléter fort logiquement les travaux de nos collègues François-Noël Buffet et Dominique Voynet sur le cumul des mandats, dont nous venons de débattre à l'instant.
La question du statut de l'élu local s'est posée de manière nouvelle dès l'acte I de la décentralisation. En effet, il faut se souvenir que les éléments dispersés et disparates qui tenaient lieu de statut de l'élu avant 1982 ne répondaient pas aux exigences nouvelles posées par les transferts de compétences organisés par le législateur.
Dès janvier 1982, le rapport de notre ancien collègue Marcel Debarge avait défini les fondements d'un statut « moderne » de l'élu local ; l'ambition affichée était de donner aux élus locaux les moyens de relever le défi de la décentralisation et d'introduire de nouveaux comportements conformes aux exigences de la démocratie.
Bien que la pertinence de l'analyse réalisée par Marcel Debarge n'ait été remise en cause par aucun observateur, il a fallu attendre près de dix ans pour que ses préconisations trouvent une traduction juridique avec la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ont renforcé le dispositif initial, permettant aux élus d'exercer leurs mandats dans un contexte plus favorable.
L'intention du législateur était double : d'une part, accorder aux élus locaux le temps nécessaire pour exercer des fonctions de plus en plus lourdes et complexes, et, d'autre part, étendre le bénéfice de ce corpus de règles à un nombre plus grand d'élus locaux, plutôt que de développer un statut particulier pour les présidents d'exécutifs locaux.
Cet édifice législatif suffit-il à bâtir un statut de l'élu local ? La réponse semble négative. Tel est le sentiment exprimé par les élus locaux, mais aussi les parlementaires qui saisissent régulièrement le Gouvernement de la question de l'élaboration, ou de l'achèvement, d'un véritable statut de l'élu.
En décidant de se saisir de cette question, notre délégation a souhaité donner un coup de projecteur sur un statut de l'élu constitué de nombreuses dispositions disparates et sur l'insatisfaction qu'il génère.
L'inventaire et l'analyse que nous avons élaborés dressent un état des lieux mitigé. S'il est incontestable que tous les sujets mis en exergue par le rapport de notre ancien collègue Marcel Debarge (indemnités, protection sociale, droits d'absence) ont reçu des réponses, et qu'aucune catégorie d'élu local n'a été laissée à l'écart par ces évolutions législatives, comment expliquer la persistance d'un sentiment d'insatisfaction ?
Peut-être la logique du statut ébauchée depuis 1992 est-elle arrivée à son terme ? Des aménagements sont, certes, encore possibles et nous allons d'ailleurs vous soumettre des propositions en ce sens ; mais il ne s'agira pas d'une réforme majeure, ni d'un changement de référentiel dans la manière d'aborder la problématique du statut de l'élu.
Alors que les attentes des élus locaux sont de plus en plus importantes, tout comme les charges pesant sur eux, l'heure n'est-elle pas venue d'imaginer un nouveau cadre pour leur permettre d'exercer dans les meilleures conditions leurs mandats ?
Pour essayer d'y parvenir, tout en respectant les contraintes financières qui s'imposent aux collectivités territoriales, nous avons choisi de concentrer notre attention sur trois sujets principaux : premièrement, l'amélioration immédiate du statut des maires ; deuxièmement, l'ajustement des mesures existantes ; troisièmement, une réflexion sur l'opportunité de maintenir le principe de gratuité des mandats.
La situation des maires nous a, en effet, semblé le sujet le plus préoccupant. Une crise des vocations est palpable, nous l'avons constaté à l'occasion des dernières élections municipales. Il faut dire que les charges pesant sur les maires sont de plus en plus lourdes, du fait des transferts de compétences et de la complexité toujours plus grande des politiques publiques ; sans compter les attentes de nos concitoyens, qui sont de plus en plus importantes à l'égard de leurs élus locaux, et de leur maire en particulier.
Il nous a donc semblé indispensable d'apporter une réponse spécifique à la situation des maires et, plutôt que de continuer à saupoudrer en quelque sorte les améliorations du statut de l'élu local, de différencier la situation des maires par rapport aux autres élus locaux.
Notre objectif prioritaire est de permettre aux maires qui le souhaitent de cesser leur activité professionnelle pour exercer leur mandat à temps plein. Bien sûr, cette possibilité leur est déjà ouverte. Pour autant, les modalités de cette cessation d'activité ne sont pas totalement satisfaisantes, notamment en termes de rémunération. Le maire est souvent moins bien payé que certains de ses collaborateurs, et cette rémunération est peu élevée au regard des responsabilités qui lui sont confiées. Nous proposons donc une majoration de 50 % de l'indemnité des maires soumise à l'approbation du conseil municipal, qui serait réservée à ceux qui cesseront complètement leur activité professionnelle. Une majoration de 25 % pourrait être accordée à ceux qui choisiront de maintenir une activité professionnelle à temps partiel. Cette mesure doit venir en compensation des charges assumées par les maires, mais doit également les inciter à exercer ce mandat à temps complet, sans que cela ne se traduise par une dégradation matérielle de leur situation.
Cette mesure est applicable à droit constant en matière de cumul des mandats ; elle n'est pas parfaite, nous en avons pleinement conscience, mais son objet est bien de favoriser les maires et eux-seuls.
Une autre de nos propositions vise la rémunération des maires au titre des activités effectuées pour le compte de l'Etat. Il s'agirait d'une rémunération complémentaire, car il nous semble normal que l'Etat contribue à la rémunération des maires à ce titre.
Enfin, il nous semble nécessaire de relever le seuil démographique à partir duquel un maire bénéficie de l'indemnité de fonction fixée au taux maximal par la loi (passer de 1 000 à 3 500 habitants), sauf avis contraire du conseil municipal.
Ces trois mesures, d'inégale importance, nous semblent de nature à renforcer le statut des maires, dont le rôle dans notre système local est irremplaçable et dont l'action est saluée par nos concitoyens.