Nous vous proposons, dans un deuxième temps, d'ajuster la législation actuelle, afin d'améliorer ponctuellement la situation des élus locaux. Cette partie de notre réflexion rassemble les trois quarts de nos propositions. Si ces dernières sont moins innovantes que celles que Jean-Claude Peyronnet vient de vous présenter, elles n'en sont pas moins utiles et nécessaires.
Ces propositions peuvent être regroupées autour de trois grandes catégories composant l'actuel statut de l'élu local : les droits d'absence, les retraites et le statut juridique de leur indemnité.
Vous savez que la plupart des élus locaux bénéficient de plusieurs dispositifs dits de droits d'absence : autorisations d'absence, crédits d'heures, congé formation, congé pour se présenter aux élections locales et, bien entendu, possibilité de cesser son activité professionnelle. L'objectif de ces dispositifs est de leur permettre de concilier activité professionnelle et exercice d'un mandat local. Ces dispositifs peuvent apparaître insuffisants ou incomplets, il n'en demeure pas moins que le législateur a cherché à définir un équilibre fragile entre l'intérêt de l'employeur de l'élu local et les contraintes liées à l'exercice du mandat.
Dans ce domaine, nos propositions se concentrent sur des ajustements du droit en vigueur afin d'en étendre le bénéfice à de nouvelles catégories d'élus.
Nous vous proposons tout d'abord d'accorder le bénéfice du crédit d'heures aux conseillers municipaux élus dans les communes de moins de 3 500 habitants qui sont, à ce jour, les seuls élus exclus de ce dispositif. Celui-ci, rappelons-le, permet à l'élu de disposer du temps nécessaire à l'administration de la commune, c'est-à-dire à la préparation des réunions des instances dans lesquelles il siège. Cette proposition poursuit les évolutions de la législation sur ce sujet, qui a abord réservé ce droit aux seuls conseillers municipaux des communes de plus de 100 000 habitants en 1992, avant de l'étendre, en 2002, à ceux des communes de plus de 3 500 habitants.
Toujours dans le domaine des droits d'absence, nous proposons également d'élargir les catégories d'élus susceptibles d'être autorisés à suspendre leur contrat de travail pour se consacrer à leur mandat.
Dans un premier temps, nous estimons nécessaire d'ouvrir ce droit aux adjoints des communes et vice-présidents d'EPCI à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants. La logique de cette démarche est simple : il s'agit d'abaisser les seuils démographiques actuellement fixés par la loi afin de permettre à des élus de s'investir le plus possible dans la gestion de leur collectivité ou groupement. Alors que le Parlement vient de définir les modalités d'achèvement de la carte intercommunale, cette mesure nous semble particulièrement nécessaire.
Dans un deuxième temps, nous esquissons une proposition qui sera sans doute moins consensuelle, puisqu'elle concerne les conseillers territoriaux. La création de cette nouvelle catégorie d'élus ayant été validée par le Conseil constitutionnel, la question de leur statut devrait être examinée prochainement par le Parlement. Il nous semble donc qu'à cette occasion, nous pourrions nous interroger sur l'opportunité de permettre aux conseillers territoriaux de suspendre leur contrat de travail pour exercer leur mandat à temps plein. Compte tenu de la charge de travail qu'exigera ce mandat hybride, cette évolution de législation nous semble être pertinente.
Hormis les droits d'absence, nous souhaitons également vous soumettre des ajustements législatifs dans le domaine de l'acquisition des droits à pension. Ce sujet est ô combien sensible parmi les élus locaux, qui considèrent que leurs retraites ne sont pas décentes. L'amélioration de cette situation est difficile puisque les pensions des élus locaux sont souvent calculées selon les règles du droit commun. Pour autant, deux évolutions sont envisageables. Il s'agirait, d'une part, de rendre obligatoire, pour les élus qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle, l'adhésion au régime de retraite par rente. Cette adhésion est aujourd'hui facultative et un certain nombre d'élus locaux y renoncent pour éviter de faire peser un poids supplémentaire sur les finances communales. Nous proposons de rendre cette adhésion obligatoire afin de majorer un tant soit peu les pensions perçues par les élus locaux. D'autre part, dans le même esprit, nous estimons nécessaire que les élus cessant leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat puissent également souscrire à cette retraite par rente qui, je le rappelle, constitue une dépense obligatoire pour les collectivités territoriales. Cette dernière proposition représente une rupture avec le droit actuel selon lequel la retraite des élus locaux est formée de deux niveaux seulement (régime général et Ircantec ou Ircantec et retraite par rente).
Nous souhaitons ainsi, dans le prolongement de nos propositions précédentes, favoriser les élus qui cessent leur activité pour se consacrer à leur mandat local, afin que ce choix ne se traduise pas par une dégradation de leur situation matérielle.
Dans un troisième temps, il nous semble nécessaire que les pouvoirs publics se penchent sur le statut juridique des indemnités versées aux élus locaux qui, vous le savez, ne présente ni le caractère d'un salaire, ni celui d'un traitement, ni celui d'une rémunération quelconque. Pourquoi préciser ce statut juridique alors que la question de la fiscalité de l'indemnité ou du prélèvement des cotisations sociales a été réglée ? Notre collègue Jacqueline Gourault a eu l'occasion de le souligner devant nous avec force, lors de la table ronde organisée par notre délégation le 1er juin 2010. Il s'agit de lever certaines incertitudes auxquelles sont confrontés les élus locaux. C'est le cas notamment du statut de la fraction représentative des frais d'emploi. Cette fraction non imposable, versée à tous les élus locaux qui perçoivent une indemnité, pose des problèmes concrets aux élus, notamment en cas de cumul d'indemnités avec des allocations ou des prestations versées sous condition de ressources. C'est pourquoi plusieurs de nos collègues ont adressé au Gouvernement de nombreuses questions écrites sur la situation des élus locaux qui se voyaient privés du bénéfice de l'allocation adulte handicapé (AAH), du fait d'une mauvaise interprétation de la prise en compte de la fraction représentative des frais d'emploi dans le calcul de la rémunération des élus. Il s'agit là de clarifier le droit en vigueur afin de sécuriser la situation des élus locaux.
Pour conclure cette présentation, je voudrais aborder un sujet particulièrement complexe et polémique : la question de la gratuité du mandat. Nous estimons nécessaire d'aller de l'avant sur la question du statut de l'élu afin de tenir compte des contraintes de plus en plus lourdes qui pèsent sur les élus locaux.
Aussi, nous nous interrogeons sur l'opportunité de maintenir le principe de gratuité des mandats locaux qui a, jusqu'à présent, constitué un frein à l'adoption d'un statut plus protecteur des élus. La suppression de ce principe est souvent perçue comme synonyme de professionnalisation des fonctions électives. Or, ce terme de professionnalisation - utilisé comme repoussoir dans de nombreux débats sur le statut de l'élu - est impropre. Ce que nous voulons éviter, ce n'est pas la professionnalisation des élus locaux, qui est nécessaire, mais bien la création d'un statut comparable, par exemple, à celui de la fonction publique, qui offrirait aux élus une carrière avec des revalorisations régulières de salaires, voire des promotions.
Le refus de la professionnalisation a conduit le Parlement à rejeter la proposition de loi de notre collègue Pierre Mauroy de création d'un statut d'agent civique territorial salarié de la collectivité (pour les maires, les présidents de conseils généraux et régionaux).
Nous pensons que la suppression du principe de gratuité ne conduit pas automatiquement à l'instauration d'une « carrière ». Aussi souhaitons-nous inviter les membres de notre délégation, nos collègues sénateurs et l'ensemble des acteurs à une réflexion rénovée sur ce thème et sur les moyens de mettre en oeuvre un statut de l'élu protecteur, susceptible de répondre aux attentes des élus locaux et aux défis qu'ils relèvent quotidiennement.