a tout d'abord rappelé les caractéristiques du vin rosé. Longtemps assimilé à un vin de second rang par rapport au vin rouge ou blanc, il a acquis désormais ses lettres de noblesse et représente un marché substantiel. Premier vin à avoir été élaboré d'un point de vue historique, sa vinification -opération particulièrement délicate- est toujours réalisée à partir de raisins rouges, la macération de leur pellicule colorant le jus blanc qui en est tiré. Qu'il soit obtenu par saignée ou par pressurage direct, le vin rosé « traditionnel » est un vin à part et à part entière : ni un vin blanc, ni un vin rouge, ni un mélange des deux, il présente des spécificités en termes de couleur, de texture, de goût et de conservation faisant toute son originalité et sa qualité.
Le marché du vin rosé se porte bien, même s'il ne représente encore que 8 % de la quantité totale de vin produit de par le monde et 9 % de la consommation. La France est le premier producteur mondial de vin rosé, puisqu'elle produit 6,3 des 21,5 millions d'hectolitres élaborés annuellement, et ce, principalement en Provence, dans la Loire, le Rhône, le Bordelais et le Languedoc.
La consommation de vin rosé, en constante augmentation, représente 24 % de la consommation française totale de vin, soit plus que celle de vin blanc désormais. Cet engouement provient des caractéristiques du produit, qui correspondent bien aux attentes du public, notamment à celles des jeunes consommateurs et des femmes, ainsi que des efforts remarquables réalisés par la filière pour rendre le produit plus attractif, que ce soit en termes de qualité, de prix ou de communication. Pour ces raisons, le vin rosé élaboré de façon traditionnelle est aujourd'hui plébiscité par les Français : selon un récent sondage, 87 % d'entre eux sont opposés à son élaboration par coupage et 86 % n'en achèteraient pas, quand bien même son prix serait inférieur à celui du rosé traditionnel.
Evoquant ensuite le projet de révision de la réglementation européenne sur le vin rosé, M. Gérard César, rapporteur, a rappelé la réforme de l'organisation commune du marché du vin -l'OCM vitivinicole- l'année dernière, à propos de laquelle le Sénat avait voté à l'unanimité deux résolutions en 2007. Le règlement d'avril 2008 portant cette réforme a donné lieu à deux règlements d'application :
- l'un traitant uniquement des pratiques oenologiques et levant l'interdiction existant depuis l'OCM de 1999 de produire du vin rosé de table par coupage. Cette interdiction se justifiait par l'existence de régimes d'aides pour la distillation distincts pour les vins de table rouges et blancs. Ce régime ayant disparu, la Commission ne voit plus d'utilité au maintien de l'interdiction pour les seuls vins sans indication géographique et y décèle même une discrimination pesant sur des producteurs communautaires. Ces derniers ne peuvent, selon elle, concurrencer ceux des pays tiers, qui recourent au mélange rouge-blanc et vendent leur production sous le nom de rosé sur le territoire européen.
Le Gouvernement, a poursuivi M. Gérard César, rapporteur, a fait part de sa position à la Commission européenne au mois de janvier 2009, lors du vote indicatif sur le projet de règlement. Il s'est dit favorable à la consultation de l'OMC, qui prend au moins trois mois, et a souhaité que cette période soit utilisée pour trouver un compromis. Il a finalement obtenu de la Commission un report du vote au 19 juin prochain, soit après l'élection du Parlement européen. La Commission ne semble cependant pas prête à revenir sur sa position et entend supprimer l'interdiction de coupage pour les vins de table rosé. Elle dispose en effet d'une solide majorité qualifiée l'assurant d'un vote conforme à ses objectifs. Très isolée à cet égard, la France ne peut compter sur l'appui d'autres Etats membres. Certes, certains s'opposent également au règlement sur les pratiques oenologiques, mais sur des aspects différents, et la Commission pourrait facilement briser une éventuelle alliance en donnant à ces Etats une satisfaction partielle à leurs revendications pour isoler la France sur la question du vin rosé ;
- l'autre règlement, relatif à l'étiquetage, est présenté par la Commission comme permettant un compromis. Celle-ci propose ainsi d'identifier par une indication spécifique le « rosé traditionnel », par opposition au rosé issu de coupage. Cependant, cet étiquetage facultatif spécifique ne serait sans doute pas utilisé par les Etats membres recourant massivement au coupage. Surtout, les producteurs français ne sont pas preneurs d'un étiquetage « vin traditionnel » ne correspondant pas à l'image moderne qu'ils veulent donner à leurs produits.
La France ne dispose donc sur ce dossier que d'une marge de manoeuvre très réduite pour défendre les intérêts de sa filière. La réouverture du règlement de 2008 sur l'OCM vitivinicole serait, en théorie, une solution. Mais, outre la difficulté technique que cela représente, notre pays aurait sans doute plus à y perdre qu'à y gagner : les nombreuses avancées obtenues lors de la négociation de 2008 risquant en effet d'être remises en cause par certains pays et par la Commission.
Pourtant, a souligné M. Gérard César, rapporteur, les méthodes traditionnelles d'élaboration du vin rosé doivent absolument être préservées. Le vin rosé issu de coupage présente en effet des risques :
- de standardisation. Dès lors que l'introduction d'un volume infime -de l'ordre de 1 ou 2 %- de vin rouge dans du vin blanc suffit à lui donner l'apparence d'un vin rosé, certains producteurs seront tentés de colorer des quantités importantes de vin blanc provenant des cépages les plus répandus pour obtenir du « vin rosi ». La formidable palette de goûts et de couleurs des rosés traditionnels serait alors perdue au profit d'un produit interchangeable ;
- d'édulcoration. L'absence, dans les rosés coupés, des molécules donnant au vin sa rondeur pourrait être compensée par une macération plus longue, source d'une certaine rugosité. Pour y pallier, la tentation serait forte de l'enrichir, dénaturant ainsi le produit d'origine ;
- de confusion. Le consommateur achètera en effet un vin qui aura l'aspect extérieur du rosé, mais qui n'en aura absolument pas le goût. Ne retrouvant pas cette saveur si spécifique au rosé traditionnel, il ne sera pas incité à rééditer son acte d'achat et la consommation du produit s'en ressentira.
Appelant à soutenir le Gouvernement dans ses négociations avec la Commission européenne, en vue du vote sur les deux projets de règlement qui aura lieu le 19 juin prochain, M. Gérard César, rapporteur, a proposé l'adoption en ce sens de sa proposition, pour laquelle il a dit avoir auditionné les principaux acteurs de la filière, qui tous ont approuvé sa démarche.