ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. - C'est avec plaisir que je retrouve bon nombre de personnalités avec lesquelles j'ai eu l'honneur de travailler ces récentes années. Je souhaiterais, tout d'abord, dresser le bilan des réformes conduites par ce ministère au long de l'année 2010, sous la houlette de M. Hortefeux, avant d'évoquer, sans préjuger de l'examen du texte financier à venir devant vous, deux réformes en cours pour l'année 2011, celle de la garde à vue, d'une part, et le projet de création d'un conseil national des activités privées de sécurité, d'autre part.
Parler de réformes, c'est avant tout parler de la révision générale des politiques publiques (RGPP). La charge de la dette représente chaque année 45 milliards d'euros soit deux fois le budget du ministère de l'intérieur, rémunérations comprises. Le financement de la dette, c'est un milliard d'euros à émettre chaque jour sur les marchés financiers.
Je salue la manière dont les agents de l'Etat s'investissent dans la RGPP. C'est grâce à eux que les changements sont acceptés. La RGPP exige une implication forte et des changements d'attitude radicaux : elle demande des efforts et pourtant, cela marche.
Cet ambitieux mouvement de modernisation, le ministère de l'intérieur en prend pleinement sa part. Avec soixante-sept réformes, il est, au sein du Gouvernement, le premier contributeur à la RGPP.
Notre premier objectif va à renforcer les capacités opérationnelles et la présence sur le terrain des forces de sécurité en les recentrant sur leur coeur de métier. Pour 2010, je pense plus particulièrement aux discussions fructueuses engagées avec le ministère de la justice : la sécurité du ministère de la justice, la protection des magistrats et la gestion des scellés sont désormais pris en charge par la chancellerie. Je pense également au transfert de la gestion des centres de rétention administrative à la police aux frontières, qui a permis d'économiser l'équivalent de huit escadrons de gendarmerie mobile. Lorsque l'on sait que pour une tâche donnée, là où il faut un fonctionnaire de police, c'est 1,7 CRS ou gendarme mobile qui doit être mobilisé, on mesure l'économie réalisée. Citons encore la fermeture de quelques écoles de police pour tenir compte des évolutions démographique du corps.
Deuxième objectif : nous modernisons et améliorons le service rendu aux usagers. La modernisation des titres, tout d'abord, vise à rendre leur délivrance plus sûre et plus efficace. Lancé en 2009, ce chantier a trouvé, en 2010, son régime de croisière et vu venir les résultats en termes de qualité et de délais. Le passeport biométrique, ensuite, dont plus de 5 millions ont été délivrés depuis l'entrée en vigueur du dispositif, en juin 2009, tandis que 2 075 communes étaient équipées de stations d'enregistrement et le délai moyen de délivrance ramené à sept jours. Le nouveau système d'immatriculation à vie des véhicules (SIV), ensuite, progressivement entré en service en 2009, a donné lieu à l'immatriculation de près de 20 millions de véhicules : plus d'une carte grise sur deux est désormais délivrée sans déplacement en préfecture, le délai d'envoi à domicile étant réduit à trois jours. Preuve que l'on peut conjuguer amélioration du service public et recherche d'économie.
Dans le même souci d'efficacité, le déploiement de l'application ACTES dans l'ensemble des préfectures a permis de tester l'envoi de courrier sous forme dématérialisée. Les résultats obtenus ont largement dépassé les objectifs initialement assignés : fin 2010, 15 % des actes étaient télétransmis, et 19 % des collectivités territoriales étaient raccordées à l'application, qui, en même temps qu'elle leur permet de gagner du temps, facilite la transmission des actes engageant un contrôle de légalité.
De même, le déploiement du dispositif PARAFES, favorisant le passage rapide des contrôles transfrontières, contribue à la qualité de l'accueil dans les aéroports français. En 2010, 19 sas ont été installés à Roissy et Orly, permettant à plus de 80 % des voyageurs préparés de passer les contrôles aux frontières en moins de quinze minutes.
Notre troisième objectif va à rationaliser notre organisation. Celle des services de sécurité, tout d'abord. Premier exemple, l'adaptation des zones de compétence territoriale de la police et de la gendarmerie aux réalités du terrain et le déploiement de polices d'agglomération - celle de l'agglomération parisienne, entrée en fonctionnement fin 2009, produit ses premiers effets opérationnels en 2010, année qui a également vu s'engager la concertation avec les élus des agglomérations de Lille, Lyon et Marseille afin d'étendre ce dispositif. Autre exemple, la recherche de complémentarités opérationnelles et logistiques entre la police et la gendarmerie nationales. Citons la création, en juin 2010, de l'unité de coordination de la sécurité routière, de l'unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun et de l'unité de coordination des forces d'intervention, Raid et GIGN, notamment via le rapprochement des réseaux de soutien automobile qui servent les deux directions.
J'en viens, pour répondre aux préoccupations qui sont les vôtres, aux données financières. Le ministère de l'intérieur a exécuté le budget 2010 à hauteur de 24 milliards d'euros, en augmentation de 2 % par rapport à 2009, principalement sous l'effet, comme cela est le cas dans l'ensemble de la fonction publique, du dynamisme de la masse salariale, dont le taux de consommation des crédits a atteint 99,79 %, tandis que celui des crédits de fonctionnement et d'investissement, passait à 96,48 %.
Globalement, l'écart de consommation entre les crédits ouverts et les dépenses réelles, de 370 millions en 2009, s'est réduit à 330 millions en 2010, ce qui traduit une meilleure budgétisation initiale et un meilleur pilotage de l'exécution budgétaire en cours d'année.
Le ministère de l'intérieur a contribué à la réduction de l'emploi public, avec 2 410 suppressions d'emplois en 2010, tout en maintenant un bon niveau de performance opérationnelle dans la lutte contre la délinquance et les délais de délivrance des titres.
Ce rapide panorama révèle bien les deux éléments stratégiques de ce budget triennal 2009-2011 : retour à l'équilibre des finances publiques et efficacité de l'action de l'Etat.
J'en viens aux deux dossiers qui seront bientôt soumis à votre examen. La réforme de la garde à vue, tout d'abord, qui entrant pleinement en vigueur aujourd'hui même, doit modifier la façon de travailler des policiers et des gendarmes.
L'assistance de l'avocat avait été anticipée dès le 15 avril. Les craintes initiales ont été surmontées, même s'il conviendra de rester attentif, afin que la garde à vue participe bien à la manifestation de la vérité. S'il convenait de prendre acte des décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel, et des dispositions de la loi renforçant les droits des victimes, il ne faut pas non plus oublier que la garde à vue constitue un moment de l'enquête judiciaire, dont l'objet est de rechercher le coupable, donc de protéger la victime : tel est l'équilibre auquel il nous reviendra de veiller.
La proportion de personnes gardées à vue qui sollicitent l'assistance d'un avocat est d'une sur trois environ, en légère progression depuis le 15 avril, étant entendu que c'est pour les affaires les plus graves, traitées par les services spécialisées de police judiciaire, qu'il est le plus élevé. Les avocats restent en moyenne entre deux et quatre heures dans les locaux d'enquête.
Pour faciliter les entretiens, nous avons réalisé les travaux les plus urgents dès la mi-avril, pour une dépense de 1,9 million d'euros mais il est clair qu'il faudra encore améliorer les 3 000 lieux de garde à vue.
J'ai signé ce matin même l'arrêté concernant la restriction de la pratique des fouilles à corps. Afin de maintenir un bon niveau de sécurité, j'ai demandé que des détecteurs de métaux soient installés chaque fois que nécessaire, ce qui évitera des fouilles.
Etant entendu qu'elle fait désormais une règle de la présentation de la personne gardée à vue au magistrat avant toute décision de prolongation, la loi autorise, pour faciliter cette procédure, l'usage de la visioconférence. J'ai donc demandé l'équipement de nouveaux sites, notamment les plus éloignés des palais de justice, ce qui présentera de surcroît l'avantage d'éviter des déplacements onéreux. J'ai également demandé aux services de police et de gendarmerie de prévoir la distribution de kits d'hygiène à chacun des gardés à vue.
La mise en oeuvre matérielle de ces trois évolutions fait l'objet d'une demande d'ouverture de crédits de 15 millions d'euros dans le projet de loi de finances rectificative.
Le Sénat aura aussi à se pencher bientôt sur la mise en oeuvre financière de la création du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Le Gouvernement souhaite mieux encadrer le secteur de la sécurité privée et aider à sa professionnalisation, en créant ce Conseil, chargé de trois missions principales : une mission de police administrative en vertu de laquelle il délivrera, suspendra et retirera les titres, agréments, autorisations et cartes professionnelles ; une mission disciplinaire, qui lui donnera faculté de prononcer des sanctions en cas de manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles ; une mission de conseil et d'assistance à la profession, enfin. Cette création a été inscrite dans la LOPPSI 2 du 14 mars 2011. Administré par un collège, le Conseil emploiera 200 agents et disposera d'un budget de 16,8 millions d'euros. A cet effet, le projet de loi de finances rectificative prévoit la création d'un mécanisme fiscal en deux volets : une taxe sur les entreprises de sécurité, à laquelle seraient assujetties les personnes physiques et morales exerçant une activité privée de sécurité, fixée à 0,5 % de leur chiffre d'affaires, et obéissant au même mode de fonctionnement que la TVA ; une taxe sur la masse salariale des services internes de sécurité, dont s'acquitteraient les entreprises disposant d'un service interne de sécurité, égale à 0,7% de la masse salariale des personnels du service. La différence de taux est calculée pour rester neutre sur les choix d'organisation. Cette taxe, recouvrée par les services fiscaux, figurera sur la facture de l'entreprise de sécurité, ce qui lui permet de faire supporter cette charge par son client, sur le modèle de la TVA.
Les organisations professionnelles de la sécurité privée se sont montrées favorables à ce dispositif fiscal.