A titre liminaire, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a indiqué que le projet de décision transmis au Sénat en août 2006 avait déjà fait l'objet de plusieurs modifications au sein des groupes de travail du conseil de l'Union européenne. Il a néanmoins jugé nécessaire de se prononcer sur le texte transmis, rien n'ayant été définitivement acté.
Il a tout d'abord rappelé que la coopération policière relevait du troisième pilier de l'Union européenne et s'était développée dans le cadre de la convention d'application de l'accord de Schengen entrée en vigueur en 1995 entre sept Etats membres seulement.
Saluant les progrès importants de la coopération policière entre certains des quinze Etats membres depuis dix ans, il a néanmoins constaté le niveau élevé de la délinquance dans les zones frontalières, délinquance qui se joue notamment des compartimentages juridiques et policiers. Il a également souligné le défi posé par l'élargissement de l'espace Schengen aux dix nouveaux Etats membres dont certaines frontières extérieures présentent des risques particuliers. Dans ce contexte, il a jugé urgent de renforcer la coopération policière aux frontières intérieures.
Présentant le projet de décision proposé par la Commission européenne, il a expliqué que ce texte tentait une synthèse des meilleures pratiques développées par les Etats membres au niveau bilatéral. Il a précisé que la convention de Schengen offrait un cadre très souple, voire lâche, à la coopération policière et s'en remettait en grande partie à la conclusion d'accords bilatéraux entre les Etats membres ayant une frontière commune. Il a poursuivi en indiquant que cette synthèse fournirait un socle commun à tous les Etats membres pour mettre en oeuvre cette coopération, qu'il s'agisse d'échanger des informations, d'instaurer des patrouilles mixtes ou de créer des commissariats communs.
Par ailleurs, il a souligné que ce projet de décision prévoyait de modifier les articles 40 et 41 de la Convention Schengen afin de faciliter l'usage du droit d'observation, c'est-à-dire de filature, et du droit de poursuite par les policiers d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat membre.
Il a rappelé que la législation en vigueur encadrait précisément le recours au droit d'observation et au droit de poursuite en les autorisant pour les seules infractions d'une certaine gravité et en les conditionnant à une autorisation préalable de l'Etat membre traversé, sauf urgence. Concernant le droit de poursuite, il a ajouté qu'il n'était permis qu'en cas de flagrant délit ou d'évasion.
Enfin, il a précisé que chaque Etat membre pouvait, par une déclaration officielle, reconnaître ou à l'inverse refuser aux policiers d'un autre Etat membre le droit d'interpeller une personne sur son territoire.
Il a rappelé qu'à l'occasion de l'adoption par le Parlement de la loi autorisant la ratification de la Convention de Schengen en 1991, le Conseil constitutionnel avait constaté la conformité à la Constitution de ces articles 40 et 41, tout en prenant soin d'expliciter les limites à ne pas franchir.
a souligné que la France était l'un des pays qui avait le plus approfondi la coopération policière transfrontalière avec ses voisins, notamment en créant dix centres de coopération policière et douanière regroupant sur un même site des fonctionnaires de police, des douanes ou de la gendarmerie, ainsi que leurs homologues d'un autre Etat membre. Il a fait observer que, comme souvent, ces structures proches du terrain fonctionnaient bien. Mais il a estimé que ces bons résultats localisés ne suffisaient pas à faire une politique d'ensemble, ni à répondre au défi de l'élargissement.
a ensuite détaillé les modifications des articles 40 et 41 prévues par le projet de décision. Il a indiqué que ce projet étendait le champ d'application du droit d'observation et du droit de poursuite à l'ensemble des infractions passibles d'une peine privative de liberté d'au moins un an, soit à la quasi totalité des crimes et délits.
En outre, il a alerté la commission sur les propositions de la Belgique présentées au cours des discussions au sein des groupes de travail du Conseil et visant à :
- reconnaître un droit d'interpellation aux policiers étrangers sur le territoire d'un Etat membre dans le cadre des articles 40 et 41, sans possibilité pour un Etat d'y déroger ;
- étendre le droit de poursuite au cas de suspicion de flagrant délit.
Il a estimé que ces propositions étaient sans doute contraires à la Constitution au vu de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1991.
Présentant la proposition de résolution, il a noté qu'elle était empreinte de réserves à l'encontre du projet de décision.
Il a indiqué que ces réserves portaient sur le choix des procédures, la création d'un cadre trop rigide pour les Etats membres et un risque de contrariété avec la Constitution des propositions relatives au droit de poursuite et au droit d'observation.
Partageant pleinement les réserves relatives à l'inconstitutionnalité de ces dernières dispositions, il a néanmoins souhaité replacer la proposition de résolution dans une perspective différente qui prenne en compte la réalité de la délinquance transfrontalière et la nécessité de faire avancer la coopération policière en dépit du rejet du traité établissant une Constitution pour l'Europe.
A propos du choix des procédures, il a estimé que les critiques de la délégation n'étaient pas décisives et a souhaité insister plutôt sur la dimension politique du projet de décision.
Il a rappelé qu'en 2004, la commission des lois avait déjà adopté une proposition de résolution demandant l'examen de la faisabilité d'une police européenne aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Souhaitant poursuivre cette réflexion et s'appuyant sur les déclarations du Premier ministre appelant à la création d'une vraie police européenne, la France et l'Allemagne pouvant avancer les premières en créant une police franco-allemande des frontières, il a proposé de modifier la proposition de résolution afin que soit étudiée la faisabilité d'une police européenne, éventuellement dans le cadre d'une coopération renforcée. Il a fait référence à l'articulation entre le FBI et les polices des Etats-Unis américains.
Il a ajouté qu'une police européenne permettrait d'aboutir à une efficacité optimale dans la lutte contre la délinquance transfrontalière en même temps que de garantir la sécurité juridique.