La commission a tout d'abord nommé Mme Jacqueline Gourault, rapporteur sur le projet de loi n° 155 (2005-2006) relatif à la fonction publique territoriale.
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Fauchon sur la proposition de résolution n° 83 (2005-2006) présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert del Picchia, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur le projet de décision du Conseil concernant l'amélioration de la coopération policière entre les Etats membres, en particulier aux frontières intérieures et modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen (E 2932).
A titre liminaire, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a indiqué que le projet de décision transmis au Sénat en août 2006 avait déjà fait l'objet de plusieurs modifications au sein des groupes de travail du conseil de l'Union européenne. Il a néanmoins jugé nécessaire de se prononcer sur le texte transmis, rien n'ayant été définitivement acté.
Il a tout d'abord rappelé que la coopération policière relevait du troisième pilier de l'Union européenne et s'était développée dans le cadre de la convention d'application de l'accord de Schengen entrée en vigueur en 1995 entre sept Etats membres seulement.
Saluant les progrès importants de la coopération policière entre certains des quinze Etats membres depuis dix ans, il a néanmoins constaté le niveau élevé de la délinquance dans les zones frontalières, délinquance qui se joue notamment des compartimentages juridiques et policiers. Il a également souligné le défi posé par l'élargissement de l'espace Schengen aux dix nouveaux Etats membres dont certaines frontières extérieures présentent des risques particuliers. Dans ce contexte, il a jugé urgent de renforcer la coopération policière aux frontières intérieures.
Présentant le projet de décision proposé par la Commission européenne, il a expliqué que ce texte tentait une synthèse des meilleures pratiques développées par les Etats membres au niveau bilatéral. Il a précisé que la convention de Schengen offrait un cadre très souple, voire lâche, à la coopération policière et s'en remettait en grande partie à la conclusion d'accords bilatéraux entre les Etats membres ayant une frontière commune. Il a poursuivi en indiquant que cette synthèse fournirait un socle commun à tous les Etats membres pour mettre en oeuvre cette coopération, qu'il s'agisse d'échanger des informations, d'instaurer des patrouilles mixtes ou de créer des commissariats communs.
Par ailleurs, il a souligné que ce projet de décision prévoyait de modifier les articles 40 et 41 de la Convention Schengen afin de faciliter l'usage du droit d'observation, c'est-à-dire de filature, et du droit de poursuite par les policiers d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat membre.
Il a rappelé que la législation en vigueur encadrait précisément le recours au droit d'observation et au droit de poursuite en les autorisant pour les seules infractions d'une certaine gravité et en les conditionnant à une autorisation préalable de l'Etat membre traversé, sauf urgence. Concernant le droit de poursuite, il a ajouté qu'il n'était permis qu'en cas de flagrant délit ou d'évasion.
Enfin, il a précisé que chaque Etat membre pouvait, par une déclaration officielle, reconnaître ou à l'inverse refuser aux policiers d'un autre Etat membre le droit d'interpeller une personne sur son territoire.
Il a rappelé qu'à l'occasion de l'adoption par le Parlement de la loi autorisant la ratification de la Convention de Schengen en 1991, le Conseil constitutionnel avait constaté la conformité à la Constitution de ces articles 40 et 41, tout en prenant soin d'expliciter les limites à ne pas franchir.
a souligné que la France était l'un des pays qui avait le plus approfondi la coopération policière transfrontalière avec ses voisins, notamment en créant dix centres de coopération policière et douanière regroupant sur un même site des fonctionnaires de police, des douanes ou de la gendarmerie, ainsi que leurs homologues d'un autre Etat membre. Il a fait observer que, comme souvent, ces structures proches du terrain fonctionnaient bien. Mais il a estimé que ces bons résultats localisés ne suffisaient pas à faire une politique d'ensemble, ni à répondre au défi de l'élargissement.
a ensuite détaillé les modifications des articles 40 et 41 prévues par le projet de décision. Il a indiqué que ce projet étendait le champ d'application du droit d'observation et du droit de poursuite à l'ensemble des infractions passibles d'une peine privative de liberté d'au moins un an, soit à la quasi totalité des crimes et délits.
En outre, il a alerté la commission sur les propositions de la Belgique présentées au cours des discussions au sein des groupes de travail du Conseil et visant à :
- reconnaître un droit d'interpellation aux policiers étrangers sur le territoire d'un Etat membre dans le cadre des articles 40 et 41, sans possibilité pour un Etat d'y déroger ;
- étendre le droit de poursuite au cas de suspicion de flagrant délit.
Il a estimé que ces propositions étaient sans doute contraires à la Constitution au vu de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1991.
Présentant la proposition de résolution, il a noté qu'elle était empreinte de réserves à l'encontre du projet de décision.
Il a indiqué que ces réserves portaient sur le choix des procédures, la création d'un cadre trop rigide pour les Etats membres et un risque de contrariété avec la Constitution des propositions relatives au droit de poursuite et au droit d'observation.
Partageant pleinement les réserves relatives à l'inconstitutionnalité de ces dernières dispositions, il a néanmoins souhaité replacer la proposition de résolution dans une perspective différente qui prenne en compte la réalité de la délinquance transfrontalière et la nécessité de faire avancer la coopération policière en dépit du rejet du traité établissant une Constitution pour l'Europe.
A propos du choix des procédures, il a estimé que les critiques de la délégation n'étaient pas décisives et a souhaité insister plutôt sur la dimension politique du projet de décision.
Il a rappelé qu'en 2004, la commission des lois avait déjà adopté une proposition de résolution demandant l'examen de la faisabilité d'une police européenne aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Souhaitant poursuivre cette réflexion et s'appuyant sur les déclarations du Premier ministre appelant à la création d'une vraie police européenne, la France et l'Allemagne pouvant avancer les premières en créant une police franco-allemande des frontières, il a proposé de modifier la proposition de résolution afin que soit étudiée la faisabilité d'une police européenne, éventuellement dans le cadre d'une coopération renforcée. Il a fait référence à l'articulation entre le FBI et les polices des Etats-Unis américains.
Il a ajouté qu'une police européenne permettrait d'aboutir à une efficacité optimale dans la lutte contre la délinquance transfrontalière en même temps que de garantir la sécurité juridique.
a proposé une amélioration rédactionnelle. A propos du projet de police européenne, il a estimé que le FBI ne pouvait servir de modèle en l'absence de définition de crimes européens comparables aux crimes fédéraux américains.
a acquiescé à cette observation, précisant que la référence au FBI américain avait pour but de marquer les esprits.
s'est déclaré très surpris par les propositions de modification suggérées par le rapporteur qui bouleverseraient un texte ayant fait l'objet d'un consensus à la délégation pour l'Union européenne.
Il a déclaré qu'en l'état, il ne pourrait le voter. Il a notamment souhaité savoir pourquoi le rapporteur proposait de supprimer l'alinéa réclamant que des modifications aussi importantes de la Convention Schengen soient ratifiées par les parlements nationaux.
Enfin, il a regretté que la proposition de résolution telle que modifiée par le rapporteur fasse référence aux déclarations du Premier ministre, estimant qu'il n'était pas dans le rôle du Sénat de saluer de la sorte le chef du Gouvernement.
a tout d'abord souligné que l'examen par la commission pouvait conduire à modifier une proposition de résolution, même profondément. Quant au fond, il a jugé la proposition de résolution de la délégation excessive lorsqu'elle affirme que la coopération policière relève exclusivement des Etats membres. Il a jugé la rédaction proposée par le rapporteur plus juste.
Après avoir rappelé qu'il était lui aussi membre de la délégation pour l'Union européenne, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a justifié sa position par son souci d'envoyer un message qui n'apparaisse pas frileux à un moment où la coopération policière est toujours plus nécessaire. Il a indiqué que cela serait d'autant plus cohérent que la France est un des promoteurs de cette coopération, ce qu'il avait voulu souligner en mentionnant la déclaration du Premier ministre.
a regretté la référence aux déclarations du Premier ministre. Par ailleurs, il a déclaré qu'une police européenne ne verrait sans doute pas le jour avant longtemps en raison des multiples obstacles juridiques, techniques et politiques.
Toutefois, il a tenu à alerter la commission sur l'importance de la délinquance transfrontalière, qu'il s'agisse de la petite délinquance et des petits trafics ou, à l'opposé, du terrorisme et de la traite des êtres humains. Il a souligné la nécessité de relever ces défis.
a considéré le texte du rapporteur plus positif que celui de la délégation.
a indiqué que le texte du rapporteur lui posait plusieurs problèmes. En premier lieu, il a douté de l'opportunité d'affirmer que le projet de décision est contraire à la Constitution. Il a jugé préférable le mode interrogatif retenu par la proposition de résolution adoptée par la délégation.
En deuxième lieu, il a souhaité que soit rétabli l'alinéa relatif à la comitologie, estimant utile de rappeler que la comitologie ne s'applique que dans le cadre du premier pilier.
En dernier lieu, il a, à son tour, regretté la référence aux déclarations du Premier ministre.
a suggéré de supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le rapporteur lequel approuvait les déclarations du Premier ministre précitées.
a jugé possible de parvenir à un texte de compromis. Il a suggéré de conserver l'alinéa relatif à la comitologie, l'estimant juridiquement fondé. De la même façon, il a estimé préférable de s'en remettre au Conseil d'Etat pour s'assurer de la conformité à la Constitution du projet de décision, plutôt que d'affirmer directement l'inconstitutionnalité de plusieurs dispositions. Enfin, concernant les déclarations du Premier ministre, il a déclaré qu'il ne convenait pas de leur donner une importance aussi grande, compte tenu du cadre universitaire dans lequel elles avaient été faites.
a répété que sa première préoccupation avait été de ne pas produire une impression générale de frilosité par rapport à la coopération policière.
Il a justifié la suppression de l'alinéa relatif à la comitologie en indiquant qu'il s'agissait d'une question secondaire et que le Gouvernement saurait y veiller au cours des négociations.
Concernant les propos du Premier ministre, il a déclaré s'en remettre à l'avis de la commission.
Enfin, au dernier alinéa relatif au risque d'inconstitutionnalité de certaines dispositions, il a proposé de remplacer le mode affirmatif par le mode interrogatif.
a déclaré soutenir le rapporteur, notamment à propos de la suppression de l'alinéa demandant la saisine du Conseil d'Etat. Il a expliqué que le Conseil d'Etat avait pour fonction de conseiller le Gouvernement et lui seul et qu'il convenait pour le Parlement de ne pas le sacraliser.
a proposé de retenir le texte du rapporteur en supprimant toutefois la référence aux propos du Premier ministre et en substituant au mode affirmatif du dernier alinéa le mode interrogatif.
Outre deux autres modifications rédactionnelles, la commission a adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par le rapporteur ainsi modifiée.
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Richard Yung sur la proposition de résolution n° 132 (2005-2006) présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert del Picchia, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de décision du Conseil sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (E 2897), la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (E 2898) et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'accès des services des Etats membres chargés de l'immatriculation des véhicules au système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (E 2899).
a tout d'abord indiqué que la proposition de résolution portait sur trois textes indissociables mais fondés sur des bases juridiques distinctes et soumis à des procédures d'adoption différentes.
Après avoir rappelé que le système d'information Schengen (SIS) résultait de la Convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS) signée en 1990 et entrée en application en 1995, il a expliqué que ce système avait pour but de compenser le déficit de sécurité consécutif à la suppression des contrôles aux frontières intérieures au sein de l'espace Schengen.
Il a indiqué qu'il s'agissait d'un outil quotidien de travail pour les policiers, les gendarmes, les douaniers ou les consulats, trente-cinq millions de consultations ayant été effectués en France pour 2005.
Toutefois, il a expliqué qu'il s'agissait d'un système ancien, fruit de la Convention Schengen, requérant des évolutions juridiques et techniques pour tirer les conséquences de l'intégration complète de l'acquis Schengen dans l'Union européenne, de l'élargissement et des nouvelles fonctionnalités offertes par les progrès de la technologie.
Concernant la proposition de règlement sur l'accès des services chargés de l'immatriculation des véhicules au SIS II, M. Richard Yung, rapporteur, a déclaré qu'elle était de faible portée et ne présentait pas de difficultés particulières.
Concernant la seconde proposition de règlement, il a indiqué qu'outre l'architecture du SIS II, elle définissait les règles en matière de signalement aux fins de non admission et relevait donc du premier pilier de l'Union européenne.
Concernant la proposition de décision, il a indiqué qu'elle définissait les règles de signalement en matière de coopération policière et judiciaire pénale et relevait donc du troisième pilier.
Par rapport à l'état du droit, il a souhaité attirer l'attention sur trois différences avec le SIS :
- la gestion opérationnelle du SIS II serait confiée à la Commission, alors que la France gère actuellement le SIS pour le compte de tous les Etats membres ;
- la photographie et les empreintes digitales d'une personne signalée dans le SIS II pourraient y être introduites ;
- les règles applicables aux signalements aux fins de non admission des étrangers seraient profondément modifiées.
Sur ce dernier point, il a précisé que pouvaient être signalés aux fins de non-admission les étrangers ressortissants de pays tiers à l'espace Schengen ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement assortie d'une interdiction d'entrée ou représentant une menace pour l'ordre et la sécurité publics, notamment parce que :
- ils ont été condamnés pour une infraction passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an ;
- il existe des raisons sérieuses de croire qu'ils ont commis des faits punissables graves ou qu'ils envisagent de commettre de tels faits dans l'espace Schengen.
a expliqué que les propositions de la Commission européenne auraient pour effet de restreindre les signalements aux fins de non admission aux étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public, notamment s'ils ont été condamnés à une peine d'emprisonnement d'au moins un an pour une infraction appartenant à l'une des trente deux catégories d'infractions visées par le mandat d'arrêt européen. Il a ajouté que ne serait plus visé le cas des étrangers suspectés d'avoir commis ou d'envisager de commettre des faits punissables graves.
Il a estimé que cette triple restriction aboutirait, si le texte était adopté en l'état, à rayer de la liste des personnes signalées aux fins de non admission 75 % d'entre elles.
Par ailleurs, concernant les services autorisés à consulter ces signalements, il a indiqué que, selon la proposition de règlement, les services de police situés à l'intérieur de l'espace Schengen n'y auraient plus accès, seules les autorités chargées du contrôle aux frontières extérieures conservant ce droit.
Enfin, il a précisé que la proposition de règlement créait une nouvelle obligation d'information des personnes faisant l'objet d'un signalement au SIS II.
a ensuite exposé la proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne du Sénat. Il a insisté sur les deux principales demandes adressées au Gouvernement par la délégation :
- s'opposer au transfert de la gestion opérationnelle du futur SIS II à la Commission ou à une agence ;
- conserver les règles actuelles en matière de signalement des étrangers aux fins de non admission.
Souscrivant à la proposition de résolution, il a jugé que les propositions de la Commission européenne marquaient un recul net en matière de sécurité et a demandé le maintien des règles actuelles en matière de signalement aux fins de non admission.
A cet égard, il a signalé que la France et l'Espagne travaillaient conjointement à des propositions alternatives qui pourraient recevoir un accueil favorable de la Commission et de la présidence de l'Union européenne.
En revanche, s'il a convergé pour s'opposer à l'idée de confier la gestion du futur système à la Commission, il a estimé possible de la confier à une agence. Il a, en effet, jugé que la gestion actuelle par la France devait évoluer et a suggéré que cette gestion soit confiée à une agence européenne ad hoc située à Strasbourg, tout en étudiant la faisabilité de fusionner à terme cette agence avec Europol.
Il a déclaré comprendre les réticences de certains Etats membres à ce que la France gère seule matériellement le SIS II.
a déclaré approuver les propositions du rapporteur qui permettraient de faire évoluer ce mode de gestion daté sans dilapider l'expérience acquise par le Centre informatique Schengen situé à Strasbourg.
a ajouté que la solution consistant à confier le SIS II à une agence était sans doute la seule permettant de maintenir le site à Strasbourg.
a souligné l'importance de l'examen approfondi par les commissions des propositions de résolution puisqu'il leur revient d'engager le Sénat tout entier si, à l'issu d'un délai de dix jours, aucune demande d'examen en séance publique n'a été faite.
Suivant les propositions du rapporteur, la commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.