Intervention de Jeannette Bougrab

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 avril 2010 : 1ère réunion
Audition de Mme Jeannette Bougrab candidate désignée à la présidence de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Jeannette Bougrab :

a estimé que l'existence d'autorités administratives indépendantes (AAI) était légitime dans certains domaines spécifiques où l'organisation administrative traditionnelle était peu efficace, notamment dans le champ des libertés publiques ou dans des matières très techniques. Elle a fait valoir que les AAI n'étaient pas des démembrements de l'Etat mais des émanations de celui-ci, dont le cadre juridique et le budget restaient fixés et contrôlés par le Parlement, l'indépendance ayant ainsi pour contrepartie la responsabilité.

Concernant la création éventuelle du défenseur des droits et ses conséquences pour l'avenir de la HALDE, elle a indiqué qu'il reviendrait en tout état de cause au législateur de se prononcer. Toutefois, à titre personnel, elle a estimé que la lutte contre les discriminations constituait une mission bien spécifique et que l'existence d'une autorité chargée en propre de cette mission avait permis de mettre fin à un sentiment d'impunité dans certains domaines, citant en exemple des pratiques de licenciement de femmes enceintes qui n'avaient auparavant donné lieu à aucune jurisprudence qui fût favorable à ces dernières.

Après avoir rappelé qu'elle avait préconisé, par le passé, de confier à la HALDE un pouvoir de sanction administrative, afin que la saisine de cette autorité ne constituât pas simplement une étape supplémentaire dans une procédure juridictionnelle, elle a toutefois indiqué qu'elle ne souhaitait pas que la HALDE acquière de nouveaux pouvoirs, tels que celui de déclencher des visites de contrôle inopinées ou encore d'invoquer le délit d'entrave. Elle a ainsi souligné que la HALDE pouvait déjà saisir le juge des référés pour obtenir des documents et qu'elle avait obtenu gain de cause dans les trois cas où elle avait usé de cette faculté au cours des cinq dernières années.

a par ailleurs estimé qu'il n'était pas souhaitable que la HALDE recoure encore davantage aux procédures pénales. En effet, il est nécessaire pour le plaignant, en matière pénale, de produire la preuve de la discrimination, ce qui est souvent très difficile, tandis qu'en matière civile la charge de la preuve est inversée, l'employeur ayant à prouver l'absence de discrimination. En outre, l'action civile permet de réparer l'injustice résultant de la discrimination, réparation préférable, car plus utile au plaignant, à la condamnation pénale du responsable de cette discrimination.

Il est ainsi nécessaire, selon elle, que l'action de la HALDE puisse mieux s'articuler avec l'ensemble des procédures juridictionnelles, notamment par le développement du rôle d'expertise de cette AAI auprès des tribunaux civils et administratifs.

En matière de statistiques sur les discriminations, elle a souligné que la HALDE avait utilement participé à des études visant à mesurer les phénomènes discriminatoires, en collaboration avec des organismes tels que l'Institut national des études démographiques (INED), l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou le Centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ). Elle a salué l'intérêt de l'étude l'enquête Trajectoires et origines (TeO) menée par l'INSEE et l'INED et récemment publiée.

Elle a toutefois estimé qu'il n'était pas tant nécessaire de compter les discriminations que de les combattre, d'autant que les études statistiques en la matière sont très coûteuses. Elle a également marqué son désaccord avec la manière dont avait été menée une grande enquête de « testing » auprès d'entreprises du CAC 40.

En revanche, selon elle, le rôle de la HALDE peut consister à mener des études de cas particuliers permettant de mettre en évidence des mécanismes de discriminations systémiques et d'en démonter le fonctionnement. La HALDE peut également s'attacher à mettre en valeur des expériences positives, telles que les programmes mis en place par certaines grandes entreprises pour lutter contre les discriminations.

Elle a également observé que les personnes les plus affectées par les discriminations ne s'adressaient pas suffisamment à la HALDE, et que celle-ci devrait donc s'efforcer d'entrer en contact avec ces personnes.

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