s'est réjoui, à titre liminaire, de constater que le Cor est aujourd'hui unanimement reconnu comme un lieu rare de rencontres, de réflexion à long terme et d'expertise, rassemblant l'ensemble des acteurs de la question des retraites. Il a toutefois souligné que la préservation de ce rôle suppose que cette institution n'intervienne pas directement dans les négociations proprement dites. A l'automne 2004, le Cor n'avait ainsi accepté d'être saisi et de rendre un avis sur les mesures réglementaires d'application de la réforme des pensions de réversion introduites par la loi du 21 août 2003 qu'à la condition que cette démarche revête un caractère exceptionnel et en raison de l'émotion considérable que cette question soulevait dans le corps social.
Le rapport publié le 11 janvier 2007 par le Cor constitue en quelque sorte le prélude de la clause de rendez-vous de 2008 sur les retraites, dont les contours restent toutefois à définir. Au sens strict du terme, la loi du 21 août 2003 ne prévoit en effet que l'intervention de trois mesures nouvelles : la première porte sur l'opportunité d'ajuster le calendrier prévisionnel d'allongement d'un trimestre par an de la durée de cotisation des assurés sociaux ; la deuxième concerne l'éventualité de compléter l'indexation des pensions sur les prix par un « coup de pouce » supplémentaire ; la dernière consistera à dresser un bilan de l'objectif minimum de 85 % du niveau du Smic, pour les pensions des salariés ayant effectué une carrière complète sur la base de ce minimum social, et à envisager la suite à donner à cet engagement au-delà de l'horizon de 2008.
Au-delà de ces dispositions obligatoires, les pouvoirs publics auront naturellement toute latitude pour élargir le rendez-vous de 2008 sur les retraites à d'autres sujets et ils pourront s'inspirer, dans cette hypothèse et s'ils le souhaitent, des travaux du Cor. En attendant que le prochain gouvernement fasse connaître ses priorités dans ce domaine, le Cor consacrera quatre séances de travail, jusqu'à la fin du premier semestre de l'année 2007, au thème de l'égalité entre les femmes et les hommes.
S'agissant plus particulièrement des questions des pensions de réversion et du veuvage, M. Raphaël Hadas-Lebel a indiqué que, compte tenu des contraintes de son propre programme de travail, le Cor n'est malheureusement pas encore en mesure de fournir l'ensemble des éléments chiffrés et des données statistiques souhaités par la Mecss. D'importants travaux sont néanmoins en cours, dont la synthèse devrait être prochainement publiée à l'issue des séances plénières de mars et d'avril. Sur le fond, il a considéré toutefois que le sujet de la réversion apparaît explosif et nécessite sans doute d'être appréhendé avec beaucoup de prudence : sans aller jusqu'à plaider en faveur du maintien du statu quo, toute démarche d'harmonisation éventuelle impliquerait de savoir ce que les assurés sociaux sont susceptibles de gagner ou de perdre. Pendant longtemps, le système d'indemnisation des veuves a trouvé son fondement dans l'institution familiale elle-même : la réversion était le prolongement de l'obligation de protection, par son mari, de la femme restée au foyer. Puis, à partir des années soixante-dix, et notamment de la loi du 17 janvier 1978 reconnaissant un droit automatique à réversion en faveur des femmes et des hommes divorcés, cette conception a progressivement évolué vers une notion de solidarité financière entre les époux. Cette modification revêt une dimension quasi-patrimoniale, dans la mesure où l'ouverture du droit à pension est justifiée par le fait que les deux époux ont contribué en commun au fonctionnement du foyer.
Le droit français de la réversion apparaît aujourd'hui quelque peu hybride, combinant cette approche patrimoniale avec une logique de minimum social reflétée par l'instauration d'une condition de ressources.
Or, même si certains pays d'Europe du Nord ont carrément supprimé les pensions de droit dérivé, il semble impossible, en l'état actuel des choses, de transposer en France une telle conception de l'individualisation des droits sociaux. Les membres du Cor ont ainsi tout récemment réaffirmé leur attachement au principe même de la réversion, pour un troisième motif s'ajoutant au lien familial et à la logique patrimoniale : l'ampleur des inégalités dont pâtissent les femmes au regard de la retraite. En effet, l'écart du niveau moyen de leur pension par rapport à celui des hommes demeure aujourd'hui supérieur à 30 %.
Puis M. Raphaël Hadas-Lebel a rappelé les grandes lignes de la réforme importante des pensions de réversion incluse dans la loi du 21 août 2003 : suppression de la condition d'âge, suppression de la durée préalable du mariage, d'une part, et de non-remariage ultérieur, d'autre part, pour l'ouverture du droit à pension. A cela s'ajoute la simplification de la condition de ressources.
Dans l'hypothèse où les pouvoirs publics choisiraient à l'avenir d'aller au-delà, les termes du débat porteraient probablement sur l'opportunité d'étendre la réversion aux personnes pacsées et aux concubins, sur l'idée du maintien ou de la réintroduction d'une condition d'âge et sur la création éventuelle d'une mesure spécifique en faveur des enfants à charge. Par ailleurs, certains observateurs ont émis l'idée de rendre proportionnel le montant de la pension de droits dérivés à la durée du mariage ou d'améliorer le sort des jeunes veuves. Sur le plan de la méthode, il conviendrait alors de s'interroger au préalable sur l'opportunité de dégager des moyens supplémentaires ou, à l'inverse, d'engager une réforme à coût constant. Pour guider sa réflexion, la Mecss aurait tout intérêt à analyser les mesures introduites en Suède ou en Allemagne, pour les comparer avec le cadre juridique français.