Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 février 2009 : 1ère réunion

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

a tout d'abord évoqué la visite de la délégation en Syrie. Ce pays est composé de différentes communautés, avec une majorité sunnite et des minorités chrétienne, alaouite, druze et kurde dont le gouvernement parvient à maintenir l'unité d'une main de fer, tout en cherchant une certaine ouverture économique.

Sur le plan international, la ligne dure d'opposition à Israël permet au régime syrien d'assurer sa cohésion et d'être en phase avec son opinion publique. Mais, en réalité, la diplomatie syrienne s'efforce de maintenir une politique d'équilibre en jouant plusieurs cartes : le Golan, le Liban, le soutien au Hezbollah et au Hamas, mais aussi ses relations avec la Turquie ou la France, avec laquelle elle entretient une histoire complexe, faite d'attirance et de rancune, cristallisée autour de la question libanaise.

a ensuite rendu compte de l'entrevue, à Damas, avec Khaled Mechaal, chef du Hamas, en précisant que l'initiative de cette rencontre incombait aux membres de la mission et qu'elle avait été organisée sans l'assistance de l'ambassade de France. En effet, le Hamas est devenu un acteur incontournable dans la région et, quel que soit le jugement que l'on peut porter sur cette organisation, il paraissait logique d'entendre son principal responsable.

Au cours de ce long entretien, Khaled Mechaal a présenté le visage d'un homme politique de premier plan, d'un authentique leader, et, à aucun moment, il n'a développé de discours à caractère religieux ou idéologique.

Concernant la récente intervention militaire israélienne à Gaza, il a rappelé que si le Hamas avait su imposer à ses troupes une trêve réelle et respectée d'août à décembre 2008, les habitants de la bande de Gaza n'en avaient tiré aucun bénéfice, puisqu'en échange de cette trêve, Israël n'avait pas levé le blocus de Gaza. Dans ce contexte, selon lui, le Hamas n'avait pas eu d'autre choix que celui de rompre la trêve.

La réaction israélienne a cependant surpris le Hamas par son ampleur et sa brutalité, faisant, d'après les chiffres de l'ONU, environ 1 300 morts palestiniens, dont la moitié de femmes et d'enfants.

Selon Khaled Mechaal, le Hamas, qui n'a eu à déplorer qu'une cinquantaine de combattants tués par l'armée israélienne, est sorti renforcé de l'offensive israélienne. Non seulement le Hamas tient toujours la bande de Gaza et peut toujours lancer des roquettes sur Israël, mais son mouvement a opposé une résistance qualifiée par le chef du Hamas de « légendaire ». Ainsi, à trois reprises, le Hamas a gagné une véritable légitimité : la première fois en devenant un mouvement national palestinien, la deuxième fois en remportant les élections, la troisième fois en résistant à l'offensive israélienne. Pour Khaled Mechaal, le Hamas doit donc être reconnu comme un interlocuteur, et un acteur central dans l'arène palestinienne, le Fatah et l'OLP s'étant déconsidérés aux yeux du peuple palestinien en collaborant avec Israël pendant le conflit.

Au sujet de la Charte du Hamas, qui contient de nombreuses références antisémites, il a laissé entendre qu'elle pourrait être abandonnée le jour où Israël reconnaîtra l'Etat palestinien dans ses frontières de 1967. Pour le présent, il a fait remarquer que ni Yasser Arafat, ni Abbu Mazzen n'ont obtenu quoi que ce soit en échange de la reconnaissance de l'Etat d'Israël.

Selon Khaled Mechaal, le Hamas veut la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien et l'Europe peut avoir un rôle à jouer, les Etats-Unis ayant jusqu'à présent échoué dans leur rôle de médiateur.

a ensuite évoqué la situation au Liban, dont l'ensemble de la classe politique est focalisée sur les élections de juin prochain.

Dans ce pays, les communautés se divisent en trois blocs : un tiers de Sunnites, menés par le fils de Rafic Hariri, Saad Hariri ; un tiers de Chiites, avec la milice Amal, qui ne compte quasiment plus, et le Hezbollah, dont le chef est Nassan Nazrallah ; enfin, un tiers de Chrétiens scindés en deux camps : celui des forces libanaises, avec Samir Geaga et son allié Michel Murr, qui ont fait alliance avec les Sunnites, et le général Aoun, qui, avec l'autre moitié des Chrétiens, a fait alliance avec le Hezbollah et la Syrie. Les Druzes de Walid Jumblatt protègent au mieux leurs intérêts.

Dans ces conditions, il semble que les Chrétiens seront les arbitres des prochaines élections en se ralliant à l'un ou l'autre des courants dominants et en permettant la constitution d'une coalition de gouvernement.

Quant au Hezbollah, le fait qu'il soit resté inactif lors de l'offensive israélienne à Gaza montre qu'il n'est peut-être pas la « marionnette » de l'Iran ou de la Syrie, comme le pensent certains, mais qu'il privilégie ses priorités politiques libanaises.

Enfin, malgré les violations quotidiennes de l'espace aérien libanais par l'armée de l'air israélienne, la FINUL est parvenue à faire respecter un certain ordre au sud Liban.

Abordant ensuite la visite de la délégation en Israël, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a précisé que, compte tenu de la rencontre avec Khaled Mechaal à Damas, dont les autorités israéliennes ont eu connaissance, ni le ministère des affaires étrangères israélien, ni aucun responsable politique n'ont accepté de recevoir les membres de la mission, à l'exception de Haïm Oron, leader du Meretz, le parti de la gauche sioniste. La mission a toutefois pu rencontrer des personnalités intéressantes, telles que l'ancien ambassadeur d'Israël en Allemagne, Avi Primor, et des « think tanks ».

L'impression générale qui ressort de la visite en Israël est que la sécurité semble n'y avoir jamais été aussi grande, sauf au centre-ouest où la population est durement marquée et traumatisée par les tirs de roquettes du Hamas qui frappent et tuent au hasard. Dans ces conditions, il semble que l'insécurité qui subsiste soit d'autant plus intolérable.

De fait, on ressent une grande frustration au sein de l'opinion publique israélienne, qui a le sentiment que le fait d'avoir rendu Gaza a été payé en retour par des tirs de roquettes sur le sud d'Israël, ayant provoqué la mort de vingt-cinq personnes en huit ans, et que le Hamas méritait une « bonne correction ». Les Franco-israéliens d'Ashkelon, que la délégation a rencontrés, pourtant directement visés par les tirs de roquettes, ont exprimé les difficultés de leur vie quotidienne d'une manière impressionnante.

A l'approche des prochaines élections législatives, il est probable, d'après les sondages, que la droite emmenée par Benyamin Netanyahu remportera ces élections et formera une coalition avec le parti travailliste d'Ehud Barak, le leader d'extrême droite Avigdor Lieberman et le parti ultra orthodoxe Shaas. Le parti de centre droit Kadima et Tipi Livni seront vraisemblablement les perdants de ces élections.

Enfin, le fossé avec les Arabes israéliens, marginalisés sur le plan économique et social, semble encore s'être accentué avec l'intervention de l'armée israélienne à Gaza.

a enfin évoqué le déplacement dans les Territoires palestiniens, en Cisjordanie et à Gaza.

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