a fait valoir que près de sept mois après son adoption en Conseil des ministres et quinze mois après le discours du Président de la République clôturant les travaux du Grenelle, le projet de loi de programme du Grenelle de l'environnement était enfin examiné au Sénat. Ces délais peuvent, a priori, paraître longs, ce qui est loin d'être le cas puisque, dans l'intervalle, les 263 engagements pris à l'issue du Grenelle ont, pour beaucoup, déjà commencé à être mis en oeuvre, soit par voie réglementaire ou conventionnelle, soit dans d'autres projets de loi comme la loi de finances pour 2009 ou la loi de finances rectificative pour 2008, soit encore au niveau européen, à travers l'action menée par la France durant sa présidence de l'Union européenne. La mise en oeuvre du Grenelle, loin d'être enlisée, avance donc sur de nombreux sujets.
S'interrogeant ensuite sur l'utilité de ce texte, il a rappelé que le Gouvernement avait fait le choix de présenter au Parlement, comme le lui permet l'article 34 de la Constitution, une loi de programmation qui se borne à afficher les objectifs de l'action de l'Etat sans comporter de dispositions normatives d'application directe qui rendraient leur mise en oeuvre immédiatement effective. Cela peut donc être déconcertant au premier abord, d'autant plus que le Parlement est régulièrement accusé par de hautes instances juridiques de produire trop de textes dont certains sans caractère normatif.
Répondant aux critiques formulées sur ce point, M. Bruno Sido, rapporteur, a indiqué tout d'abord, d'un point de vue juridique, que le Conseil constitutionnel avait autorisé le Parlement, dans le cadre des lois de programmation, à approuver « des dispositions dénuées d'effets juridiques, mais fixant des objectifs qualitatifs et quantitatifs à l'action de l'Etat ». Puis, d'un point de vue plus politique, il a fait valoir que le processus du Grenelle s'était concrétisé, surtout dans sa première phase, par un dialogue mené par le Gouvernement plutôt avec la société civile, le Parlement n'étant que faiblement associé en tant qu'institution, même si, heureusement, un certain nombre de parlementaires avaient été associés aux travaux.
Dès lors, ce texte permet au Parlement, à son tour, de reprendre la main et de se prononcer sur l'ensemble des engagements du Grenelle qui ne nécessiteront pas tous des mesures législatives. Il permettra également à la représentation nationale de mieux contrôler, en aval, leur mise en oeuvre. A cet égard, il s'est félicité que le Sénat soit, conformément au souhait de la commission des affaires économiques, la première assemblée saisie sur le projet de loi portant engagement national pour l'environnement.
Abordant ensuite le fond du texte, il a indiqué que celui-ci retranscrivait fidèlement les engagements pris à l'automne 2007, qui proposent des modifications importantes dans tous les secteurs participant à la dégradation de l'environnement ou aux changements climatiques, et notamment dans deux secteurs majeurs :
- le bâtiment, marqué par l'objectif d'une réduction des consommations énergétiques de 38 % d'ici 2020, grâce au lancement d'un programme de rénovation, dans le neuf et dans l'ancien ;
- les transports, secteur pour lequel l'objectif est de réduire de 20 % d'ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre (GES), par l'incitation au report modal vers les moyens de communication peu émetteurs de dioxyde de carbone.
Soulevant la question du caractère très ambitieux de ces objectifs, surtout dans un contexte de crise économique, il s'est demandé si la France avait les moyens de ses ambitions en matière environnementale et si le Grenelle était compatible avec l'état économique et budgétaire du pays.
Face à l'urgence écologique, que personne ou presque ne nie plus, la France pourrait en effet se satisfaire du constat suivant lequel elle n'est pas en retard. Ainsi par exemple, les émissions nationales de GES par habitant sont inférieures de 21 % à la moyenne européenne et même de 30 à 40 % par rapport à celles de nos grands voisins. Le Grenelle a montré que la France souhaitait aujourd'hui, non seulement ne pas être en retard, mais être en avance. Il s'agit là, précisément, d'un des mérites du Grenelle que d'avoir accéléré la prise de conscience du potentiel de croissance de l'écologie, dénommée « croissance verte », dont l'intérêt est aujourd'hui particulièrement mis en avant dans le contexte de crise économique. A l'appui de sa démonstration, M. Bruno Sido, rapporteur, a cité deux chiffres :
- au niveau international, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) estime que le marché des produits et services écologiques pourrait doubler d'ici 2020, pour atteindre 2 740 milliards de dollars ;
- en France, les mesures proposées dans le cadre du Grenelle devraient aboutir à court terme à des investissements générateurs de croissance, dans des secteurs à forte intensité de main d'oeuvre et peu délocalisables, notamment le bâtiment, les transports et l'énergie : l'étude d'impact réalisée en novembre 2008 par le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a estimé que près de 500 000 emplois devraient être créés.
Il a, toutefois, fait valoir que ces prévisions ne se réaliseraient que si un certain nombre de conditions étaient réunies et a indiqué ce que devraient être les principes guidant les parlementaires dans l'examen de ce texte.
Il a rappelé que la commission des affaires économiques s'était, très tôt, impliquée dans le processus du Grenelle en étant à l'origine de la création, à l'été 2007, du groupe sénatorial de suivi du Grenelle. Celui-ci a travaillé parallèlement au processus du Grenelle puis procédé à 75 auditions sur ce projet de loi. Ce travail lui a permis de prendre pleinement la mesure des évolutions proposées et du chemin parcouru par les différentes parties en présence pour rapprocher des positions éloignées au départ.
Ces auditions ont également montré qu'il fallait, dans l'intérêt même de la réussite du Grenelle, rester vigilant sur plusieurs points.
La pression fiscale globale ne doit en aucun cas être alourdie par les mesures liées au Grenelle et les agents économiques devront disposer de la faculté de choisir entre payer la taxe ou adopter des comportements plus responsables et ne pas se voir assujettis à une fiscalité punitive ; la fiscalité environnementale doit financer des actions environnementales et non pas servir à résorber le déficit budgétaire ; en outre, les nouveaux dispositifs ne doivent pas alourdir non plus les contraintes qui pèsent notamment sur les PME, et, plus généralement, sur les projets d'investissements alors même que le Parlement examine un projet de loi de simplification des procédures pour relancer l'économie.
Par ailleurs, le manque de compétences pourrait freiner les progressions envisagées en matière de créations d'emplois : ainsi, les 88 000 emplois supplémentaires prévus d'ici 2012 par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour l'amélioration énergétique du secteur résidentiel dépassent largement le rythme actuel des formations en ce domaine. En conséquence, un effort devra impérativement être effectué en la matière.
De surcroît, toute adoption ou modification de réglementation nationale en matière d'environnement doit être précédée d'une étude d'impact. Ainsi, sur les objectifs de consommation d'énergie des bâtiments, le rapporteur a indiqué qu'il proposerait un amendement demandant une étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques avant de fixer la modulation des seuils proposés ;
Enfin, les collectivités territoriales ne doivent en aucun cas supporter les coûts supplémentaires engendrés par le manque de moyens budgétaires de l'État. Les inquiétudes des associations d'élus sont importantes à cet égard, notamment sur la question du financement des transports collectifs.
Faisant valoir que le texte transmis par l'Assemblée nationale s'était un peu éloigné du projet de loi initial -plus de 2 000 amendements ayant été présentés et 390 adoptés, dont 150 issus de l'opposition-. M. Bruno Sido, rapporteur a annoncé qu'il proposerait un certain nombre d'amendements visant à revenir à l'esprit d'une loi de programmation en supprimant soit des redondances qui alourdissent la lecture du texte, soit des dispositifs trop vagues ou, à l'inverse, trop précis qui trouveront mieux leur place dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement.
Il a également souhaité faire part de quelques propositions d'améliorations, parmi lesquelles :
- la discussion par les partenaires sociaux de la création d'un « carnet de santé » du travailleur lui permettant de disposer, tout au long de son parcours professionnel, d'informations précises sur les substances auxquelles il a été exposé sur son lieu de travail ;
- la demande au Gouvernement d'un rapport sur les enjeux et l'impact relatifs, d'une part, à l'autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes et, d'autre part, à la réduction de la vitesse à 80 kilomètres/heure et à l'interdiction des dépassements pour tous les poids lourds circulant sur autoroute ;
- la création d'une instance de médiation des éco-organismes compétents en matière de gestion des déchets, qui s'avèrera particulièrement utile après le récent scandale lié à la gestion des fonds d'Eco-emballages ;
- en matière agricole, l'incitation pour l'Etat de favoriser la valorisation des effluents organiques d'élevage et d'intervenir au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) afin de garantir la réciprocité des contraintes environnementales dans les importations françaises de produits agricoles en provenance de pays tiers par rapport aux productions nationales.
En conclusion, M. Bruno Sido, rapporteur, a relevé que l'immense majorité des personnes auditionnées sur ce texte ont fait part de leur satisfaction globale sur son contenu et que, avant d'en examiner la déclinaison concrète dans le projet de loi d'engagement national pour l'environnement qui sera examiné au printemps prochain, il proposait d'adopter le présent projet de loi, sous réserve de la centaine d'amendements soumis.