Intervention de Robert Badinter

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 31 janvier 2007 : 1ère réunion
Modification du titre ix de la constitution — Examen du rapport

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

a rappelé la déclaration du Président de la République, le 11 mars 2002, selon laquelle le statut du chef de l'Etat touchait aux « fondements mêmes de la République ». Souscrivant à ces propos, il a jugé indispensable de conserver l'équilibre de la Constitution. Il s'est étonné que l'innovation sans précédent introduite par la réforme constitutionnelle soit prise à l'initiative d'une majorité qui se réclamait du gaullisme. De même, il a constaté que la responsabilité politique du Président de la République élu au suffrage universel direct serait mise en cause devant le Parlement composé de deux assemblées dont l'une, le Sénat, ne bénéficiait que d'une légitimité démocratique seconde. Il a rappelé qu'au départ, les interrogations soulevées par le statut du chef de l'Etat portaient sur le caractère peut-être excessif des immunités qui lui étaient reconnues. Il a souligné à cet égard que l'arrêt de la Cour de cassation avait clarifié la situation en posant le principe, incontestable, de l'irresponsabilité pénale du chef de l'Etat, sous la double réserve de la haute trahison et de la compétence de la Cour pénale internationale. De même, il apparaissait évident que le chef de l'Etat devait échapper aux poursuites pendant la durée de son mandat. Selon M. Robert Badinter, il était légitime qu'une révision constitutionnelle clarifie, sur la base des positions de la Cour de cassation, le régime des immunités du Président de la République.

Cependant, M. Robert Badinter a vivement déploré que le projet de loi constitutionnelle ne s'en tienne pas à cette simple clarification, mais pose le principe d'une immunité totale du chef de l'Etat, y compris sur le plan civil. Il a estimé qu'ainsi, celui-ci, placé en quelque sorte « sous globe », ne répondrait plus d'aucun de ses actes, même ceux liés à de simples incidents privés. Il a ajouté qu'il avait fallu, en conséquence, chercher une contrepartie à cette protection et qu'à l'exemple de la procédure d'« impeachment » américaine, les initiateurs de la réforme avaient conçu une procédure d'empêchement à la française. Il a souhaité attirer l'attention sur le risque d'affaiblissement considérable de la fonction présidentielle que pourrait induire un tel dispositif. En effet, compte tenu de la publicité qui s'attacherait à l'ensemble de la procédure, le chef de l'Etat se verrait mis en cause devant le seul tribunal qui comptait, celui de l'opinion publique.

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