Intervention de Roger Madec

Réunion du 24 février 2006 à 10h30
Égalité des chances — Demande de renvoi à la commission

Photo de Roger MadecRoger Madec :

D'ailleurs, que vient faire cette mesure dans un texte qui prétend répondre au mal des banlieues ?

Vous souhaitez, messieurs les ministres, un débat serein. Mais comment être serein quand la seule réponse à la situation des jeunes face à l'emploi, c'est le CPE, avec l'épée de Damoclès d'une période d'essai portée à vingt-quatre mois ? C'est une provocation grossière !

Comment rester serein lorsque l'échec scolaire devient une fatalité et non l'objet d'un combat ? Comment rester serein lorsque la seule réponse à l'absentéisme scolaire, c'est la suppression des allocations familiales ? Comment rester serein lorsque votre projet est muet en ce qui concerne l'éducation, alors que l'égalité des chances passe d'abord par l'école ?

A ce sujet, du reste, on commence à connaître, en lisant la presse, les projets du Gouvernement en matière d'éducation par la voix de M. Sarkozy. Là aussi, pas de surprise : c'est le libéralisme, c'est la déréglementation.

L'école est la grande absente du débat : aucune réflexion, aucune mesure. L'absence de proposition dans ce domaine est une véritable aberration.

La déscolarisation est de plus en plus précoce, touchant même aujourd'hui des enfants dès le CM 1. Or, face à cette situation, vous n'apportez aucune réponse, hormis la suppression des allocations familiales. Une fois de plus, vous ne cherchez pas les causes, vous punissez en touchant au portefeuille, sans prévenir, en précarisant davantage les familles !

Toute la communauté éducative réclame davantage de psychologues, de médecins scolaires, d'assistants sociaux, de surveillants, toutes catégories de personnels chez lesquelles vous avez supprimé des postes depuis quatre ans alors qu'elles contribuent largement à prévenir ce fléau qu'est l'absentéisme.

Au lieu de conforter l'environnement scolaire, vous supprimez les contrats éducatifs locaux. Ainsi, vous supprimez tout l'environnement qui peut amenuiser l'inégalité des chances, mais cela, vous ne l'avez, semble-t-il, pas compris et les dispositions que vous voulez mettre en place à travers ce projet le démontrent.

Vous n'avez pas pris le temps de la réflexion pour proposer des solutions afin de traiter les problèmes efficacement, et c'est pourquoi, à nos yeux, ce projet est un véritable contresens.

Au lieu de donner à la jeunesse les moyens de son avenir par un environnement éducatif approprié, une formation initiale ouverte à toutes et à tous et égalitaire, vous encouragez la sortie précoce du système scolaire.

Faut-il vous rappeler que l'apprentissage à quatorze ans va faire sortir du système de transmission des connaissances générales de nombreux jeunes qui se retrouveront démunis devant les aléas de la vie et privés de ce socle commun que vous avez pourtant inscrit dans la loi il y a tout juste un an ?

Faut-il vous rappeler l'opposition au contrat d'apprentissage à quatorze ans de tous les syndicats, des enseignants, de la plupart des fédérations de parents d'élèves, des associations de jeunes, du Conseil supérieur de l'éducation ?

Faut-il vous rappeler l'opposition à la suspension des allocations familiales des associations familiales et de la Caisse nationale des allocations familiales ?

La précipitation avec laquelle vous répondez aux problèmes de nos banlieues, l'absence de réflexion dans ce domaine et la non-prise en compte de l'école comme premier socle indispensable à l'intégration vous conduisent à multiplier les inégalités et non à les réduire.

L'école de la République ne doit pas être réduite à un instrument destiné à produire une main-d'oeuvre malléable et corvéable dès le plus jeune âge. La mission de l'école de la République est de conduire chaque élève, quel qu'il soit et quel que soit le statut de ses parents, et grâce à une égalité des chances effective, à un même degré d'existence ! C'est à l'école qu'il revient de donner à tous les mêmes chances d'apprentissage des connaissances.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs, nous demandons le renvoi en commission de ce texte qui mérite d'être rediscuté, travaillé. Notre jeunesse, nos villes, nos quartiers et leurs habitants ont besoin, en effet, d'un peu plus de considération !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion