Intervention de Alain Vasselle

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 juillet 2007 : 1ère réunion
Travail emploi et pouvoir d'achat — Examen du rapport pour avis

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur :

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Vasselle sur le projet de loi n° 390 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Rappelant que le Président de la République avait fait du retour à la valeur « travail » un des thèmes majeurs de sa campagne, M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué que le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a pour objectif de relancer l'économie par la réhabilitation du travail comme outil d'amélioration du pouvoir d'achat et comme instrument de lutte contre le chômage et la pauvreté.

L'examen de ce texte est renvoyé au fond à la commission des finances, mais deux séries de dispositions entrent dans le champ de compétence de la commission des affaires sociales : l'article premier, qui crée une exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires et les articles 8 à 13, qui instituent le revenu de solidarité active.

La mesure en faveur des heures supplémentaires découle du raisonnement selon lequel l'augmentation de la durée moyenne de travail entraîne une baisse durable du chômage et un taux de croissance plus élevé. En effet, des exemples étrangers montrent que la création de richesses, qui entraîne la hausse de la consommation, des investissements et de l'emploi, est fonction du nombre d'heures travaillées.

Il s'agit donc de rompre avec la logique de « partage du travail » qui a longtemps guidé la politique de l'emploi de la France, en dépit de résultats peu convaincants et d'un coût considérable pour les finances sociales.

a indiqué que l'article premier vise à diminuer le coût du travail pour inciter les entreprises à augmenter la durée d'activité de leurs salariés, sans revenir pour autant sur la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaire. En contrepartie, les salariés bénéficieront d'une hausse substantielle de leurs revenus grâce à trois mesures : le salaire de chaque heure supplémentaire sera exonéré d'impôt sur le revenu, sans plafonnement ; cette heure ouvrira droit à une exonération complète des cotisations et contributions salariales (assurance maladie et assurance vieillesse, CSG et CRDS, cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arrco et assurance chômage) ; le régime dérogatoire des heures supplémentaires des entreprises d'au plus vingt salariés, qui avait été reconduit jusqu'au 31 décembre 2008, sera abrogé et la majoration des heures supplémentaires y sera portée à 25 %, soit le taux de droit commun.

Le champ d'application des exonérations est extrêmement large, puisqu'il vise toutes les heures supplémentaires, complémentaires ou choisies, effectuées par les salariés du secteur privé, mais aussi par les agents publics.

Des garde-fous sont prévus afin d'éviter un recours abusif au dispositif. Le projet de loi pose notamment un principe de non substitution des heures supplémentaires à d'autres éléments de rémunération, sauf si un délai de douze mois s'est écoulé entre le dernier versement de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier paiement pour heures supplémentaires exonérées. Le bénéfice de l'exonération est également exclu lorsqu'un salarié à temps partiel effectue des heures complémentaires de manière permanente sans que son horaire contractuel de travail soit modifié.

a indiqué que le projet de loi est aussi favorable aux employeurs, puisqu'il prévoit une déduction forfaitaire de cotisations patronales afin de réduire le coût de l'heure supplémentaire. Sont concernés les employeurs entrant dans le champ de la réduction « Fillon », c'est-à-dire essentiellement le secteur privé ; en sont en revanche exclus l'Etat et les collectivités publiques ainsi que les employeurs de personnels à domicile ou d'assistants maternels.

Le montant horaire de cette déduction sera de 50 centimes d'euros ; il sera porté à 1,50 euro dans les entreprises d'au plus vingt salariés afin de compenser l'entrée en vigueur anticipée du passage de 10 % à 25 % du taux de majoration des heures supplémentaires. Elle pourra se cumuler avec les autres dispositifs d'exonération, dont l'allégement « Fillon » sur les bas salaires, qui est également modifié dans un sens favorable à la prise en compte des heures supplémentaires.

L'impact de ce nouveau dispositif, qui entrera en vigueur au 1er octobre 2007, devrait être sensible. Ainsi, un salarié payé 1,2 Smic pour 35 heures de travail hebdomadaire percevra un revenu net en hausse de 4,5 % s'il fait une heure supplémentaire par semaine et de 17,8 % pour quatre heures.

Le cas particulier des petites entreprises, qui vont subir le relèvement du taux de majoration des heures supplémentaires à 25 %, est plus délicat. Si la déduction forfaitaire au taux majoré de 1,50 euro et la modification de la formule de l'allégement « Fillon » permettront de compenser ce surcoût pour des salaires compris entre 1,27 et 1,45 Smic, le coût des heures supplémentaires sera légèrement plus élevé au-delà qu'il ne l'est aujourd'hui. Sachant toutefois que le régime dérogatoire devait s'éteindre au plus tard le 31 décembre 2008, alors que la déduction forfaitaire d'1,50 euro a un caractère pérenne, toutes les entreprises auront intérêt à recourir aux heures supplémentaires.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé le coût de ce dispositif : 6 milliards d'euros en année pleine, soit environ la moitié de la dépense publique résultant du projet de loi, dont 4,5 à 5 milliards d'euros constituent un manque à gagner pour la sécurité sociale. Mais cette somme risque d'être largement dépassée en cas de succès du dispositif, ce qui pose la question des conditions de compensation des exonérations de cotisations sociales au régime concerné.

Le texte aura en effet un impact en trésorerie d'environ 800 millions d'euros sur les deux derniers mois de 2007, puisqu'aucun versement de compensation n'interviendra avant l'entrée en vigueur des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2008. De fait, le plafond de découvert de 28 milliards d'euros accordé à l'Acoss devrait être atteint à la fin de l'année. Ce constat sera aggravée par l'augmentation prévue du coût de l'allégement « Fillon » sur les bas salaires, dont le manque à gagner pour la sécurité sociale ne serait déjà pas compensé à hauteur de 850 millions à la fin de l'année 2007.

Cette situation est préoccupante, d'autant plus que le Gouvernement n'est pas tenu de résoudre le problème avant 2008 et que le Parlement ne peut s'en charger en raison des règles d'application de l'article 40 de la Constitution.

a ensuite présenté les dispositions relatives à la mise en place expérimentale d'un revenu de solidarité active. Celle-ci a un double objectif : encourager l'augmentation de l'activité professionnelle ou le retour à l'emploi des allocataires de minima sociaux et améliorer leur niveau de revenu, qui se situe le plus souvent au dessous du seuil de pauvreté européen (60 % du revenu médian, soit environ 830 euros). Sept millions de personnes sont concernées en France, dont deux millions d'enfants et plus de 3 millions et demi de bénéficiaires d'un minimum social.

Le Gouvernement souhaite diminuer de 30 % en cinq ans le niveau de pauvreté. Le texte propose donc d'instituer un revenu de solidarité active (RSA), versé aux bénéficiaires d'un minimum social, pour assurer l'augmentation de leurs revenus lorsqu'ils reprennent, exercent ou accroissent leur activité professionnelle.

Dans un premier temps, ce dispositif sera expérimenté pendant trois ans dans les départements volontaires et sera limité aux seuls allocataires du RMI et de l'allocation de parent isolé (API). Cette expérimentation complète celle précédemment organisée par la loi de finances pour 2007, qui a autorisé les conseils généraux volontaires à augmenter les montants de la prime de retour à l'emploi et de la prime forfaitaire d'intéressement et à en modifier les modalités, la périodicité et la durée de versement, mais aussi à déroger aux règles régissant les contrats aidés, en aménageant leur durée, les conditions de leur renouvellement, les aides versées aux employeurs et le temps de travail hebdomadaire.

Le champ de cette expérimentation est élargi par le projet de loi à dix nouveaux départements, qui s'ajoutent aux dix-sept déjà candidats et aux allocataires de l'API et du RMI qui travaillent moins de 78 heures par mois ou bénéficient d'un contrat aidé. Son coût sera pour partie assumé par l'Etat selon des conditions définies dans une convention avec le conseil général.

Les départements volontaires pourront s'inspirer de l'expérience en cours dans le département de l'Eure, où le niveau du RSA tient compte de la composition de la famille et des revenus d'activité. Ils auront toutefois la liberté de fixer le niveau du revenu garanti, pour lequel le texte ne prévoit aucun plafond, et de définir les modalités de calcul du RSA.

L'agence nouvelle des solidarités actives (Ansa), qui participe activement à la mise en oeuvre de cette expérimentation, a formulé plusieurs recommandations pour une plus grande efficacité de la mesure. La progressivité du revenu garanti pourrait, selon elle, être plus forte pour les premières heures travaillées pour inciter à la reprise d'activité et être accentuée dès lors que l'on dépasse un certain temps de travail pour favoriser les emplois à temps plein. Par ailleurs, il est recommandé de fixer un nombre d'heures travaillées à partir duquel les ressources totales des bénéficiaires dépassent le seuil de pauvreté. Enfin, les droits connexes légaux, souvent liés au statut des bénéficiaires de minima sociaux, les prestations ou aides locales et extra-légales versées par les collectivités locales, certains organismes de protection sociale ou des associations, et les dépenses liées au retour à l'emploi pourraient être utilement recensés et pris en compte.

a fait sienne cette dernière proposition, l'estimant indispensable dans l'optique d'une réforme à venir du régime des minima sociaux et des droits connexes. L'avantage en serait triple : permettre aux départements d'ajuster le montant du RSA qu'ils verseront aux bénéficiaires en fonction des droits connexes, limiter l'apparition d'inégalités entre travailleurs pauvres non éligibles au RSA expérimental et ses bénéficiaires, enfin préparer la mise en place d'une allocation unique.

Par ailleurs, des questions restent en suspens concernant le financement du dispositif, notamment le montant de la participation de l'Etat. Si le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, a annoncé que cette participation atteindrait 50 % du coût estimé de l'expérimentation pour les départements, soit 25 millions d'euros, le projet de loi ne garantit pas le montant de cette dotation. Au regard des dérapages observés pour le RMI et des surcoûts liés à la mise en place des contrats d'avenir, il est nécessaire que les modalités exactes de la participation de l'Etat au financement de l'expérimentation soient précisées.

Une autre interrogation porte sur la durée au cours de laquelle s'applique cette participation de 25 millions d'euros, d'autant plus que la généralisation du dispositif a été annoncée par le haut commissaire pour la fin de l'année 2008, c'est-à-dire bien avant le terme de la période d'expérimentation fixé à fin 2010. Il serait donc légitime que le texte indique clairement que le surcoût pour le département n'excédera pas 50 % du coût total de l'expérimentation, et cela sur l'ensemble de sa durée, même si cette précision ne peut être proposée par la commission en raison de l'application de l'article 40.

Enfin, M. Alain Vasselle, rapporteur, a suggéré d'améliorer le texte pour favoriser l'accompagnement et le développement des actions de formation en faveur des allocataires de l'API et pour prévoir que le comité d'évaluation, créé par l'article 142 de la loi de finances pour 2007, émette un avis qui sera annexé au rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant la généralisation du dispositif.

Pour conclure, il a jugé cette expérimentation prudente et pragmatique et a rappelé qu'elle répond, pour partie, aux préoccupations du groupe de travail « minima sociaux » de la commission, même si elle laisse de côté les travailleurs pauvres et certains bénéficiaires de minima sociaux (AAH, ASS).

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