Intervention de Patrice Gélard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 décembre 2009 : 2ème réunion
Réforme de la représentation devant les cours d'appel — Examen du rapport et du texte proposé par la commission, amendement 18

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

rappelant que le projet de loi supprimait le tarif de la postulation en appel, a expliqué que l'amendement n° 18, présenté par M. Yves Détraigne et plusieurs de ses collègues, tendait à maintenir ce tarif dans un objectif de protection de l'accès au droit, en limitant le coût de l'accès de la justice d'appel. Indiquant qu'il avait lui-même proposé la suppression du tarif de postulation devant le tribunal de grande instance, il a jugé que le maintien du tarif de postulation en appel ne paraissait pas constituer le moyen adéquat pour assurer un coût limité à la justice d'appel. M. Jacques Mézard, estimant que le tarif de postulation devant le tribunal de grande instance et le tarif de postulation en appel étaient très différents, a rappelé que le premier n'avait été réévalué qu'une fois depuis 1960, à hauteur de 20 % en 1973.

a expliqué que l'amendement n° 36 rectifié visait à confier au juge de l'expropriation la détermination du montant de l'indemnisation des avoués, retenant ainsi le principe selon lequel la suppression du droit de présentation, par les avoués, de leur successeur, la suppression de leurs offices et la suppression de leur monopole constituent une atteinte au droit de propriété.

Il a souligné que la suppression de la profession d'avoué près les cours d'appel se distinguait de la suppression des avoués près les tribunaux de grande instance ou de la suppression du monopole des commissaires-priseurs en matière de ventes volontaires. Dans ces derniers cas, les avoués et les commissaires-priseurs avaient gardé leur activité et leur clientèle, dans un cadre devenu concurrentiel. Les avoués près les cours d'appel perdront en revanche leur activité propre et leur clientèle qui leur vient des avocats. Cette situation peut entraîner une nouvelle appréciation des fondements de l'indemnisation des avoués près les cours.

Rappelant que l'indemnisation des commissaires-priseurs se fondait sur l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, relatif à l'égalité devant les charges publiques, M. Patrice Gélard, rapporteur, a estimé que l'indemnisation des avoués près les cours pourrait se fonder sur l'article 17 de cette Déclaration, aux termes duquel « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

Il a considéré que le projet de loi pouvait donc prévoir le versement aux avoués d'une indemnité dont le montant doit être fixé par le juge de l'expropriation, en application des règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Il a expliqué que, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme faisant référence à l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, cet amendement prévoyait que le juge déterminerait une indemnité spécifique allouée aux avoués détenant seulement des parts sociales en industrie.

Soulignant que cette jurisprudence faisait partie du droit existant, il a indiqué que la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Lallement contre France du 12 juin 2003, avait consacré l'obligation pour l'Etat d'indemniser la perte de l'outil de travail et les préjudices matériels qui en résultent, et il a estimé que l'outil de travail des avoués était constitué par l'office qu'ils avaient acquis et duquel ils tiraient leurs revenus.

Relevant que la Cour européenne des droits de l'homme avait jugé que l'expropriation de l'outil de travail imposait une indemnisation spécifique de cette perte spécifique, il a indiqué que la Cour avait constaté que l'expropriation litigieuse avait eu pour effet d'empêcher le requérant de poursuivre de manière rentable son activité. L'intéressé ayant perdu son « outil de travail » sans indemnisation appropriée, la Cour a conclu à la violation de l'article premier du Protocole n° 1. Elle a en outre souligné que le préjudice causé spécifiquement par cette violation de la Convention était susceptible de justifier l'allocation d'une indemnité.

observant que le projet de loi ne prévoyait aucune indemnisation pour les avoués détenant des parts sociales en industrie, a considéré indispensable, pour assurer le respect du droit, que le juge leur alloue une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la loi.

Il a indiqué que l'adoption de cet amendement devrait entraîner des mesures de coordination, notamment à l'article 19 du projet de loi, qui seraient renvoyées à l'examen du texte en séance publique.

rappelant que l'article 24 du projet de loi prévoyait qu'à partir du 1er janvier 2010 les avoués pourraient exercer simultanément, et jusqu'au 1er janvier 2011, leur profession et celle d'avocat, a indiqué que le calendrier d'examen du texte conduisait à penser qu'il ne serait pas définitivement adopté avant les premiers mois de l'année 2010. Soulignant que cette période transitoire visait à permettre aux avoués de se constituer une clientèle dans leur nouvelle profession et de gérer la liquidation de leur office, il a jugé que les conditions d'entrée en vigueur du dispositif leur permettant d'être également avocat devaient être adaptées. Il a estimé que cette période transitoire devrait par conséquent commencer à compter de la publication de la loi, ce qui ne lui donnerait qu'une durée de six à huit mois. M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que ce dispositif permettant aux avoués d'exercer pendant une courte durée leur profession et celle d'avocat était nécessaire pour assurer une transition convenable vers la nouvelle profession.

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