Intervention de Claude Biwer

Délégation à l'aménagement du territoire — Réunion du 17 juin 2008 : 1ère réunion
Transports et désenclavement des régions françaises — Examen du rapport d'information

Photo de Claude BiwerClaude Biwer, rapporteur :

a au préalable rappelé que le rapport rédigé avec Mme Jacqueline Alquier était complémentaire d'un autre rapport rendu au mois de février par une mission d'information de la commission des affaires économiques sur le financement des infrastructures de transport terrestre. A ce sujet, il a fait état de la persistance de l'incertitude sur le financement des nouveaux projets d'infrastructures, en raison :

- de l'insuffisance des moyens de l'Agence de Financement des Infrastructures de Transports de France (AFITF) qui ne disposera plus, fin 2008, que de ses ressources permanentes, qui s'élèvent à 800 millions d'euros alors que ses besoins courants sont évalués à près de 2 milliards d'euros par an ;

- des interrogations sur la traduction des engagements ambitieux pris, lors du Grenelle de l'environnement, en matière de lignes ferroviaires et de transports urbains, qui augmenteront de plus d'un milliard par an ces besoins de financement entre 2009 et 2020 ;

- enfin, du fait que la redevance d'usage sur les poids lourds annoncée par le Gouvernement devrait couvrir moins de la moitié des besoins de financement de l'AFITF.

a précisé que, pour cette dernière raison, la commission des affaires économiques avait avancé un certain nombre de propositions pour dégager des moyens supplémentaires, tels la taxation des plus-values foncières réalisées après la construction des infrastructures, l'octroi d'une contribution à l'AFITF du budget général de l'Etat ou, le cas échéant, la création d'une taxe additionnelle sur les assurances automobiles.

Il a ajouté que le rapport d'information de la commission des affaires économiques traitait aussi d'une question déjà évoquée par la délégation lorsqu'elle avait entendu, le 16 octobre 2007, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, chargé des transports : celle des moyens de réduire les coûts, notamment en faisant jouer la concurrence des projets de l'administration avec ceux qui peuvent être conçus dans le cadre de partenariats public-privé.

Abordant ensuite la présentation du projet de rapport, et indiquant qu'il laisserait le soin à Mme Jacqueline Alquier de présenter leurs propositions communes, M. Claude Biwer, rapporteur, a tout d'abord souligné que les incertitudes pesant sur le financement des infrastructures de transport n'épuisaient pas, à elles seules, le débat sur le désenclavement des territoires, notant que l'on ne pouvait que constater que toute augmentation de l'effort de l'Etat en faveur des infrastructures de transport n'était pas toujours synonyme de désenclavement, les projets ne concernant pas toujours des territoires enclavés.

Le rapporteur a illustré ce propos en prenant l'exemple du Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, qui a essentiellement arrêté des projets de contournement de grandes agglomérations ou d'élargissement d'autoroutes existant dans des régions déjà très denses en infrastructures. Or, la problématique du désenclavement concerne des territoires qui sont isolés ou mal reliés aux grands réseaux de communication, sans qu'il soit toujours évident de déterminer le critère à retenir pour évaluer ce défaut de raccordement aux réseaux existants. En effet, pour certains territoires, l'enclavement est surtout ferroviaire, alors que pour d'autres il est routier ou aérien. De même, l'enclavement peut exister par rapport à une métropole régionale, à Paris ou à une ville étrangère : par exemple, dans le nord de la Meuse, le problème quotidien est d'être relié aux grands axes qui desservent Luxembourg, davantage que d'être relié à Paris, à Nancy ou à Strasbourg.

Notant que, si la Nation veut se fixer des objectifs en matière de désenclavement, elle doit pouvoir mesurer leur degré de réalisation, M. Claude Biwer, rapporteur, a déploré que les quinze années écoulées se soient traduites par l'abandon de tout critère politique du désenclavement.

Il a rappelé que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dite « loi Pasqua », avait eu le mérite de définir un objectif quantitatif de désenclavement, en prévoyant qu'en 2015, « aucune partie du territoire français métropolitain continental ne (serait) située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route express à deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferré à grande vitesse ». Il a estimé que ce critère simple et unique avait les inconvénients de ses avantages et qu'il aurait sans doute pu être amélioré sur de nombreux points, notamment par une meilleure adaptation à la réalité de la décentralisation ou encore par la prise en compte du service de transport effectivement assuré : lorsqu'existe par exemple une sortie d'autoroute, encore faut-il qu'un réseau secondaire de bonne qualité permette à toutes les catégories de véhicules d'y accéder facilement. De même, il n'est pas toujours très utile de disposer d'une ligne à très grande vitesse s'il y passe un très faible nombre de trains, comme c'est le cas depuis un an pour le TGV Est.

a cependant considéré que, même s'il n'était pas parfait, le critère de 1995 avait le grand mérite d'exister et de permettre une mesure du désenclavement du territoire.

Il a donc vivement regretté que ce critère, et tout objectif officiel de désenclavement, aient été supprimés. Comment, en effet, fonder une politique si celle-ci est dépourvue d'objectifs propres et de moyens permettant de la différencier de la politique des infrastructures de transports en général ?

a cependant fait observer que la première étape de cette évolution avait plutôt constitué un progrès en enrichissant la notion de désenclavement : elle correspond à l'instauration, par la loi dite « Voynet » du 25 juin 1999, de schémas de services collectifs, qui concernaient neuf domaines dont le transport de voyageurs et celui des marchandises. En effet, outre le fait qu'ils permettaient d'affiner un critère national en le déclinant au niveau de schémas régionaux, les schémas de transports présentaient un double avantage par rapport au critère de 1995 : d'une part, celui de prendre en compte l'ensemble des modes de transport et, d'autre part, celui de mettre les objectifs en matière de transport en regard de ceux des schémas relatifs aux autres équipements, ce qui permettait par exemple d'apprécier la cohérence des projets de réalisation d'équipements universitaires ou hospitaliers dans une ville donnée avec l'évolution des moyens de transports prévus pour accéder à cette ville et donc à ces services.

Le rapporteur a ajouté que ces schémas étaient adoptés par décret, qu'ils planifiaient des équipements et infrastructures à échéance de 2020, et il a rappelé que c'était précisément en vue de rendre un avis sur ces schémas que la délégation à l'aménagement du territoire avait été instituée. Cependant, ces instruments originaux n'ont jamais pu jouer leur rôle puisqu'ils ont été supprimés par le CIADT du 18 décembre 2003, c'est-à-dire un an à peine après avoir été finalisés.

Ainsi, même si ce comité interministériel a incontestablement témoigné, au moins au niveau des intentions, d'un certain volontarisme dans la relance d'une politique d'équipement du territoire en infrastructures de transport, il a en revanche supprimé de fait les schémas de services, sans revenir au critère de 1995.

a considéré que l'absence de tout objectif national de désenclavement était préjudiciable à la conduite d'une politique réellement identifiée visant à assurer une meilleure liaison de certains territoires aux grands axes de transports qui structurent le pays.

Il a exposé que, devant ce constat, il avait semblé nécessaire aux deux rapporteurs de proposer les contours de ce que pourrait être une « nouvelle politique de désenclavement », en s'appuyant notamment sur les outils dont disposent les services du ministère pour définir les objectifs de désenclavement, et avec le souci de faire preuve de réalisme et de pragmatisme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion