a ensuite exposé les propositions conjointes des deux rapporteurs.
En introduction à son propos, elle a remarqué que, s'il pouvait certes être considéré comme un facteur de développement, le désenclavement constituait une condition nécessaire, mais non suffisante de ce dernier. Il faut aussi, en effet, que le désenclavement, qui est un facteur de meilleure rencontre de l'offre et de la demande et donc d'allocation optimale des ressources et des activités, soit réalisé de manière adaptée au projet des territoires, et cohérente avec la stratégie de développement des acteurs locaux. Sinon, la réalisation d'une sortie d'autoroute ou la création d'une gare de TGV peuvent rester quasiment sans effet, voire même présenter un risque de « déménagement du territoire », car un territoire sans stratégie peut alors se retrouver en concurrence avec d'autres pôles dynamiques.
a relevé que cette analyse théorique se vérifiait dans la pratique, en donnant l'exemple du sud du Tarn, où les deux rapporteurs avaient pu constater que l'ensemble des acteurs était fortement mobilisé autour du projet de passage en quatre voies de la RN 126 reliant Toulouse et le bassin de Castres-Mazamet, qui servirait la stratégie économique développée dans ces deux villes, notamment dans le domaine industriel.
Elle a ensuite observé que, si « désenclaver, c'est déjà développer », il fallait éviter deux écueils.
Il faut, en premier lieu, assurer la mise en place d'un désenclavement durable. Le rapporteur a noté à cet égard que le risque actuel était de réduire le Grenelle de l'environnement à la seule opposition, souvent stérile, entre partisans systématiques et opposants absolus aux autoroutes, et qu'il fallait, au contraire, élargir le débat dans deux directions.
Tout d'abord, a-t-elle indiqué, la question n'est plus aujourd'hui d'être pour ou contre une infrastructure, mais de définir un projet de développement et d'occupation du territoire. On ne peut, en effet, ignorer la question de la diminution des espaces naturels du fait d'une croissance extensive des activités humaines, à commencer par le phénomène de périurbanisation.
a souligné à cet égard que le modèle qui pousse les habitations toujours plus loin des centres-villes et appelle la construction de nouvelles routes, qui attirent à nouveau de nouvelles habitations, atteignait aujourd'hui ses limites, du fait de la crise énergétique, mais aussi des atteintes qu'il porte à la biodiversité, comme le met en évidence le récent rapport sur ce sujet de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Elle a donc estimé que les infrastructures de transport devraient être un moyen d'anticiper et d'orienter les évolutions de l'utilisation de l'espace. La création d'infrastructures et de services de transport doit ainsi être mise, chaque fois que c'est possible, au service d'une densification de l'habitat, par exemple autour de petites villes qui offriraient aussi des activités économiques et des modes de transports collectifs.
Les services sont en effet, a souligné Mme Jacqueline Alquier, rapporteur, un deuxième élément nouveau à prendre en compte dans la perspective du désenclavement durable : celui-ci ne doit pas seulement porter sur les infrastructures mais aussi sur les services de transports urbains au sein de petites villes redensifiées, mais aussi services de train, voire d'autocar, entre ces villes et en direction des agglomérations proches.
Dans ces conditions, a-t-elle observé, on peut éviter le premier écueil, qui consiste à mal prendre en compte l'aspect écologique du désenclavement.
Elle a indiqué que le second écueil concernait quant à lui l'aspect économique du désenclavement et, plus précisément, l'« économisme » qui caractérise les projets d'infrastructures depuis des années.
En effet, en partant de l'idée selon laquelle le désenclavement est un facteur de développement économique, le financement d'une infrastructure ne sera lancé que si elle présente un certain niveau de rentabilité socio-économique. Or, même calculée selon la méthode du coût social complet, toute évaluation de la rentabilité a, par définition, tendance à privilégier les infrastructures situées sur des grands axes et dans des zones déjà très peuplées et donc très développées, au détriment de projets de désenclavement permettant de relier des territoires à ces grands axes.
a relevé à cet égard qu'en évaluant de la même façon la rentabilité d'une ligne Marseille-Nice et d'une ligne Paris-Clermont-Ferrand, on comparait des choses qui ne sont pas comparables : la première apparaîtra en effet toujours comme plus rentable que la seconde, même si elle a un coût important.
Certes, a-t-elle remarqué, on peut toujours penser que les évaluations de rentabilité socio-économiques ne sont que des éléments secondaires d'une décision qui, in fine, reste une décision politique. Ainsi, la réalisation du TGV Est ou celle de la route Centre-Europe-Atlantique sont deux très beaux projets, retenus pour de bonnes raisons politiques et non sur la base de calculs plus ou moins discutables. Mais cela ne remet pas en cause le fait que les méthodes actuelles d'évaluation des projets sont biaisées au détriment des projets de désenclavement.
Ainsi, plus de 80 % des projets prévus par les décisions du CIADT du 18 décembre 2003 concernaient des axes déjà très dynamiques, comme l'élargissement du sillon rhodanien ou des contournements de très grandes agglomérations même si certains de ces projets ont été abandonnés, comme ceux concernant le contournement de Bordeaux et de Toulouse. Même s'il reste toujours des éléments politiques dans la prise des grandes décisions, l'évaluation de l'intérêt des projets devrait devenir un critère de plus en plus déterminant dans les années qui viennent, comme y incitent le contexte général de la LOLF ainsi que le récent rapport de la Cour des comptes sur le secteur ferroviaire. De surcroît, les enjeux du Grenelle de l'environnement devraient contraindre à ne retenir que des projets, notamment routiers, dont l'intérêt est pleinement justifié et donc évalué.
a donc douté que l'on puisse voir s'accélérer réellement le désenclavement du territoire si l'on ne parvenait pas à éviter l'écueil de « l'économisme » actuel.
Les propositions pour une nouvelle politique du désenclavement formulées dans le rapport ont donc pour objet d'éviter ces risques, en particulier dans la perspective du prochain Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT).
Sur le plan technique, il existe déjà un critère spécifique qui pourrait être pris en compte pour mesurer l'intérêt d'un projet en termes de désenclavement, celui de l'accessibilité, notion commune déjà mesurée par les services du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui ont pu fournir des mesures très précises de l'accessibilité des différents territoires.
Le rapporteur a indiqué que l'étude approfondie de ce critère d'accessibilité permettait d'affirmer qu'il pourrait constituer dès aujourd'hui un critère opérationnel de classement des différents projets au regard de l'objectif de désenclavement, sous réserve bien sûr de quelques améliorations, comme la prise en compte des liaisons infra-départementales, du transport collectif par autocar et, surtout, le remplacement du critère d'accès à un panel de villes par un critère d'accès à un panel de services et d'emplois. Car c'est bien l'accès aux services qui compte concrètement pour les habitants de nos territoires.
a cependant observé que, s'il était aujourd'hui possible de mesurer l'intérêt des projets et de les classer au regard de l'objectif de désenclavement, cela n'assurait pas pour autant qu'ils seraient considérés avec autant d'intérêt que les projets concernant des régions déjà très bien desservies. En effet, un projet peut permettre des gains importants en termes d'accessibilité sans pour autant présenter une rentabilité socio-économique élevée.
Mais, a-t-elle rappelé, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, a indiqué qu'à la suite du Grenelle de l'environnement, les nouvelles opérations routières lancées par l'Etat devraient répondre soit à des impératifs de sécurité routière, soit à une situation de congestion du trafic, soit à un intérêt local, ce dernier critère correspondant largement au désenclavement.
Il semble donc possible de s'inscrire dans cette nouvelle perspective pour proposer que le prochain CIACT « post-Grenelle » distingue trois enveloppes différentes pour ces trois catégories de projets routiers.
Précisant qu'au sein de chaque enveloppe, les projets devraient être classés en fonction d'un critère propre à la catégorie à laquelle ils appartiennent et qui serait, pour les projets dits « d'intérêt local », le critère d'accessibilité, elle a estimé que le financement de la politique de désenclavement pourrait ainsi être en quelque sorte « sanctuarisé », et définie une politique de désenclavement disposant de moyens dédiés et d'objectifs propres, bien que l'on puisse être sceptique quant au réalisme des prévisions financières du Grenelle de l'environnement en matière de projets routiers. En effet, d'après les estimations actuelles, les moyens consacrés à ces projets sur la période 2009-2020 devraient être trois fois inférieurs à ceux qui étaient programmés lors du CIADT de 2003.
En ce qui concerne le secteur ferroviaire, le rapporteur a noté qu'il conviendrait de s'assurer que l'Etat et RFF n'oublient pas les secteurs enclavés dans la répartition des importants moyens nouveaux annoncés. Rappelant que la région Midi-Pyrénées avait dû financer non seulement le matériel roulant mais aussi la rénovation du réseau et de la signalisation, au moyen d'un emprunt, elle a souligné que cette question, également abordée par le projet de loi d'orientation et de programmation du Grenelle de l'environnement, méritait une attention toute particulière.
S'interrogeant ensuite sur les projets susceptibles d'être évalués dans la perspective du prochain CIACT, plusieurs fois repoussé et qui sera un rendez-vous important pour les suites du Grenelle de l'environnement, Mme Jacqueline Alquier, rapporteur, a noté qu'une première option pourrait être de reprendre les projets déjà annoncés ou portés par des collectivités mais qu'il serait utile, pour aller au bout de la logique d'une nouvelle politique de désenclavement, de ne retenir, en vue de leur évaluation, que les projets correspondant réellement aux projets des territoires et à leurs besoins, ce qui exige une réflexion préalable des acteurs locaux.
Evoquant les schémas de services collectifs cités par M. Claude Biwer, elle a rappelé l'intérêt des schémas directeurs de transport « voyageurs » ou « marchandises » adoptés en 2002, et suggéré de s'inspirer de cet exemple pour élaborer de nouveaux « schémas de désenclavement », dans le cadre desquels il faudrait veiller au sort des « territoires orphelins » situés aux confins d'une région ou d'un département, qui sont souvent les grands oubliés de politiques traditionnellement centrées sur la desserte du chef-lieu. Elle a cependant relevé que, pour être utile, cet exercice devrait être mené, par définition, avant le prochain CIACT, ce qui ne paraissait pas possible, la procédure de consultation engagée en 2001-2002 ayant pris plus d'un an, et elle a noté qu'il faudrait aussi intégrer autant que possible des prescriptions de type « trame verte ».
Observant qu'il semblait en tout cas difficile d'engager une nouvelle politique fondée sur les besoins concrets d'accessibilité des territoires sans procéder au préalable à leur analyse, pour engager ensuite le processus d'évaluation des projets retenus pour le financement de l'Etat, elle a proposé que le prochain CIACT prévoie, contrairement à celui de 2003, une programmation glissante et que celle-ci soit ensuite révisée en fonction de ces schémas de désenclavement et selon des méthodes d'évaluation rénovées.
Soulignant que ces objectifs semblaient réalistes au vu des travaux déjà très avancés des services du ministère sur la mesure de l'accessibilité des territoires, Mme Jacqueline Alquier, rapporteur, a conclu que le problème n'était pas un problème technique de méthodologie, mais juste une question de volonté, ou plutôt de vision politique.
Un débat a suivi l'exposé des deux rapporteurs.