Soulignant l'absence de discipline militarisée à l'intérieur de son organisation syndicale, M. Jean-Christophe Le Duigou a distingué les problématiques globales des enjeux propres aux entreprises. Rappelant que la CGT était le deuxième syndicat signataire d'accords au sein des entreprises, il a appelé les milieux patronaux et politiques à mieux entendre la critique syndicale.
Abordant ensuite le débat concernant la fusion de Gaz de France (GDF) et Suez, dont il a précisé qu'il n'était pas clos par l'adoption du texte à l'Assemblée nationale, il a jugé que les enjeux véritables et les questions de fond n'avaient pas réellement été évoqués. Regrettant que les assemblées aient à se prononcer sans avoir connaissance des contreparties exigées par la Commission européenne d'ici au 17 novembre, il a précisé intervenir, non pour défendre le seul statut des salariés des deux groupes concernés, mais au nom de considérations d'intérêt général. Il a ainsi critiqué le projet de fusion selon trois motifs :
- la perte de contrôle effectif de l'Etat dans un secteur stratégique, alors que les notions de sécurité d'approvisionnement et d'indépendance énergétique s'affirment. Le nouvel ensemble résultant de la fusion ne sera en mesure de mieux négocier les contrats gaziers qu'à hauteur de 15 % supplémentaires. La dimension politique, prépondérante en ce domaine, appelle la création d'un consortium européen apte à conduire ce type de négociations. La stratégie communautaire consistant à favoriser les oligopoles de grands groupes privés dans le secteur de l'énergie est contraire aux intérêts des consommateurs en tant qu'elle va se traduire par une hausse des prix non accompagnée d'une revalorisation des investissements de capacité ;
- l'augmentation prévisible des tarifs de l'énergie. L'exigence d'une rentabilité de 12 ou 13 %, qui va s'imposer au groupe résultant de la fusion, ne peut entraîner une diminution des prix, leur niveau étant en France plutôt inférieur à celui ayant cours dans les autres pays membres. La remise en cause de leur pérennité par les actionnaires et la Commission européenne paraît contraire à la logique de libre concurrence. Les tarifs règlementés auront probablement disparu d'ici à une dizaine d'années, tandis que le maintien des tarifs à caractère politique ne sera que provisoire. Le projet de loi, qui prévoit la suppression de la péréquation nationale, devrait s'appliquer ensuite au secteur de l'électricité ;
- les risques induits pour l'avenir d'Electricité de France (EDF). Il paraît injustifié d'appeler, à travers la fusion entre GDF et Suez, à la constitution d'une entreprise de taille mondiale : EDF, qui représente déjà un groupe d'envergure internationale, va se trouver directement concurrencé par le nouvel ensemble ainsi créé.
Annonçant que son organisation encourageait la signature de pétitions et l'organisation d'une manifestation pour le 14 octobre, il a présenté les trois propositions avancées par la CGT : la constitution d'un pôle public de l'énergie regroupant GDF et EDF, la mise en place d'une agence européenne de l'énergie et la recherche d'autres moyens propres à répondre aux menaces d'offre public d'achat sur Suez, tels que l'augmentation des participations au sein du groupe.