Commission des affaires économiques

Réunion du 4 octobre 2006 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • GDF
  • fusion
  • gdf et edf
  • syndicale

La réunion

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Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail

Au cours d'une première séance qui s'est tenue le matin, la commission a entendu M. Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Après lui avoir souhaité la bienvenue devant la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, président, a précisé que cette dernière, regroupant 78 des 331 sénateurs, était la plus importante numériquement des six commissions permanentes, intervenait sur l'ensemble des sujets de nature économique et recevait régulièrement des chefs d'entreprise et responsables d'organisations syndicales.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail

Disant apprécier l'invitation et rappelant que son organisation syndicale avait déjà eu l'occasion d'être entendue par la commission, M. Jean-Christophe Le Duigou a d'abord présenté les personnes l'accompagnant : M. Jean-Pierre Sotura, secrétaire général de l'Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens ; M. Eric Roulot, de la Fédération nationale mines-énergie ; et M. Olivier Barrault, administrateur de Gaz de France.

Abordant ensuite le thème de la mondialisation et de sa perception par son organisation syndicale, qu'il a jugée nuancée, il a rappelé que des processus analogues avaient déjà eu lieu, distinguant trois dimensions à la situation actuelle :

- l'un culturel, marqué par le rapprochement des peuples, l'interconnexion planétaire des évènements et l'émergence d'une solidarité internationale. Le caractère commun des objectifs à y défendre lui a paru justifier la création d'une centrale syndicale internationale, au mois de novembre, à Vienne ;

- l'autre technique, correspondant à la libre circulation des informations et des hommes, à travers les moyens de communication et de transport modernes ;

- le dernier financier, dont il a déploré que les flux correspondants, maîtrisés dans le précédent processus de mondialisation, ne le soient plus désormais.

Exposant le point de vue de son organisation syndicale à l'égard de ces trois éléments, il a regretté d'une façon générale le déficit d'appréhension des questions sociales à l'échelle internationale. Pointant les retards institutionnels en ce domaine, il a fait observer que l'organisation internationale du travail (OIT) et son bureau (BIT), organisme tripartite créé lors du premier processus de mondialisation, étaient dépourvus de force contraignante, regrettant par ailleurs que les firmes multinationales ne soient pas des sujets de droit international. Réfutant la construction d'un marché mondial du travail, il a évoqué l'instauration de règles communes de base rendant possible le développement économique et social, la gestion de biens publics tels que l'énergie, l'eau ou la monnaie, et la question du financement de l'économie mondiale. Il a rappelé à cet égard que le compromis défectueux trouvé en 1943 à travers les accords de Bretton-Woods, prévoyant des parités fixes ou faiblement ajustables, avait volé en éclats en 1971, des transferts d'actifs ou de population permettant depuis lors d'ajuster le système. Estimant en définitive que les organisations syndicales avaient une nouvelle place à prendre dans cette globalisation, à condition d'être capables d'articuler les échelons d'action nationaux et mondiaux, mais aussi de se faire reconnaître comme acteurs internationaux, il les a exhortées à favoriser la production de normes à l'intérieur des sociétés multinationales, ainsi que de droits transversaux s'appliquant à chacune d'elles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Il a acquiescé à la remarque de M. Michel Bécot, qui avait fait observer, en se référant à l'exemple des négociations menées dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Cancun, le manque d'engagement et de volontarisme des mouvements syndicaux à l'échelle internationale. Notant cependant que les forums sociaux s'étaient multipliés et avaient progressivement imposé un débat commun, M. Jean-Christophe Le Duigou a jugé que la constitution d'une nouvelle internationale syndicale serait un progrès important à cet égard. Soulignant que les organisations syndicales étaient intervenues en vue de réguler les échanges économiques internationaux, il a estimé que la dimension sociale devait conserver son identité et son autonomie, et ne relever que de l'OIT.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Qualifiant son discours de général et théorique, M. Dominique Braye a souscrit à l'idée d'un rapprochement des peuples, tout en faisant remarquer que celui-ci, qui ne pouvait concerner que des entités proches les unes des autres, n'était déjà pas envisageable pour la société française. Partisan d'une égalisation et d'une unification des droits internationaux, il s'est demandé dans quelle mesure les entreprises françaises seraient encore viables une fois cet objectif atteint, au regard de l'intensité de la concurrence mondiale. Stigmatisant le caractère conservateur et hostile au changement de la CGT, il a relevé l'existence de divergences entre les positions de la centrale syndicale et celles des délégations d'entreprises.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail

Soulignant l'absence de discipline militarisée à l'intérieur de son organisation syndicale, M. Jean-Christophe Le Duigou a distingué les problématiques globales des enjeux propres aux entreprises. Rappelant que la CGT était le deuxième syndicat signataire d'accords au sein des entreprises, il a appelé les milieux patronaux et politiques à mieux entendre la critique syndicale.

Abordant ensuite le débat concernant la fusion de Gaz de France (GDF) et Suez, dont il a précisé qu'il n'était pas clos par l'adoption du texte à l'Assemblée nationale, il a jugé que les enjeux véritables et les questions de fond n'avaient pas réellement été évoqués. Regrettant que les assemblées aient à se prononcer sans avoir connaissance des contreparties exigées par la Commission européenne d'ici au 17 novembre, il a précisé intervenir, non pour défendre le seul statut des salariés des deux groupes concernés, mais au nom de considérations d'intérêt général. Il a ainsi critiqué le projet de fusion selon trois motifs :

- la perte de contrôle effectif de l'Etat dans un secteur stratégique, alors que les notions de sécurité d'approvisionnement et d'indépendance énergétique s'affirment. Le nouvel ensemble résultant de la fusion ne sera en mesure de mieux négocier les contrats gaziers qu'à hauteur de 15 % supplémentaires. La dimension politique, prépondérante en ce domaine, appelle la création d'un consortium européen apte à conduire ce type de négociations. La stratégie communautaire consistant à favoriser les oligopoles de grands groupes privés dans le secteur de l'énergie est contraire aux intérêts des consommateurs en tant qu'elle va se traduire par une hausse des prix non accompagnée d'une revalorisation des investissements de capacité ;

- l'augmentation prévisible des tarifs de l'énergie. L'exigence d'une rentabilité de 12 ou 13 %, qui va s'imposer au groupe résultant de la fusion, ne peut entraîner une diminution des prix, leur niveau étant en France plutôt inférieur à celui ayant cours dans les autres pays membres. La remise en cause de leur pérennité par les actionnaires et la Commission européenne paraît contraire à la logique de libre concurrence. Les tarifs règlementés auront probablement disparu d'ici à une dizaine d'années, tandis que le maintien des tarifs à caractère politique ne sera que provisoire. Le projet de loi, qui prévoit la suppression de la péréquation nationale, devrait s'appliquer ensuite au secteur de l'électricité ;

- les risques induits pour l'avenir d'Electricité de France (EDF). Il paraît injustifié d'appeler, à travers la fusion entre GDF et Suez, à la constitution d'une entreprise de taille mondiale : EDF, qui représente déjà un groupe d'envergure internationale, va se trouver directement concurrencé par le nouvel ensemble ainsi créé.

Annonçant que son organisation encourageait la signature de pétitions et l'organisation d'une manifestation pour le 14 octobre, il a présenté les trois propositions avancées par la CGT : la constitution d'un pôle public de l'énergie regroupant GDF et EDF, la mise en place d'une agence européenne de l'énergie et la recherche d'autres moyens propres à répondre aux menaces d'offre public d'achat sur Suez, tels que l'augmentation des participations au sein du groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

l'ayant interrogé sur la position de la délégation CGT du groupe Suez sur le projet de fusion, M. Jean-Pierre Sotura a précisé que si certains représentants du syndicat au sein de la holding étaient plutôt favorables à la fusion, cela ne représentait que quelques personnes. Il a insisté sur le fait que l'ensemble des élus au comité de groupe rejoignaient entièrement la position de la centrale syndicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

a ensuite questionné les intervenants sur l'impact de la libéralisation du secteur de l'énergie sur le niveau des prix ces dernières années, sur les conséquences tarifaires de l'ouverture du marché à la concurrence, sur la possibilité pour l'Etat de conserver le contrôle du groupe à travers des instruments tels que la golden share ou la minorité de blocage, sur la méthode ayant permis à la CGT d'estimer à 20 000 le nombre de pertes d'emplois potentielles, sur la façon dont le projet de loi traitait des 60 000 salariés travaillant dans des services communs et sur le risque que la Commission européenne préconise la mise en concurrence de la distribution de gaz et d'électricité, dont le monopole repose sur une loi de 1946.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

a regretté la suspicion de principe pesant sur les entreprises privées quant à leur tarification. Citant l'exemple de France Télécom, il les a jugées capables de bonnes performances leur permettant d'abaisser leurs prix.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail

a apporté les éléments de précision suivants :

- réfutant se livrer à un procès d'intention et admettant que le secteur public n'était pas par principe préférable au secteur privé, il a jugé que les révolutions technologiques, incessantes en matière de télécommunications, expliquaient la baisse des prix unitaires dans ce domaine. Soulignant les particularités du secteur de l'énergie, il a estimé avérées les pratiques oligopolistiques s'y produisant, en l'absence de tout moyen d'intervention sur les prix ;

- louant le dévouement et la compétence des 60 000 personnes travaillant dans les services communs, il a douté de leur pérennité dès lors que les deux entreprises dont elles relèvent seraient mises en concurrence. Prévoyant que l'ouverture d'un abonnement au service de distribution du gaz nécessiterait désormais, du fait de la disparition prévisible de ces services communs, de multiples démarches, il a fait référence à la mise en place par GDF et EDF de factures séparées, pour un coût de 340 millions d'euros ;

- il a précisé que l'évaluation à 20.000 du nombre de salariés risquant d'être affectés par la fusion provenait des institutions financières souhaitant investir dans le nouveau groupe et reposait sur des critères financiers tels que la hausse du retour sur investissement exigé de 7 ou 8 % aujourd'hui à 12 ou 13 % prochainement. Il a ajouté que le nouvel ensemble ainsi formé devrait, selon ces mêmes institutions, se séparer de ses secteurs « environnement » et « eau » ;

- si la possession d'une golden share était un moindre mal, il a regretté que l'Etat entende conserver un simple pouvoir de blocage, au lieu de chercher à garder les moyens de peser positivement sur l'évolution du groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Sur les autres éléments d'interrogation, M. Jean-Pierre Sotura a apporté les compléments de réponse suivants :

- l'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité a entraîné une augmentation du niveau des prix de 70 % pour les industriels, du fait du passage d'une logique de service public à une logique de marché. Cette libéralisation ouvre la possibilité de manipuler artificiellement le marché pour faire augmenter les prix, comme l'a illustré l'exemple de la Californie. Il est aujourd'hui nécessaire de réaliser le bilan de ce processus de déréglementation, prévu par la directive européenne pour 2006, mais non encore effectué. Il serait opportun de reconnaître aux Etats une clause de lock out leur laissant la liberté d'ouvrir ou non entièrement leur marché au 1er juillet 2007 ;

- l'ouverture à la concurrence des concessions énergétiques est risquée. Si le projet de loi maintient les contrats en l'état pour celles existantes, le renouvellement de celles arrivant à terme donnera lieu à une multiplication des concessionnaires, en l'absence de successeur obligé. L'assimilation par le projet de loi de la distribution de gaz à un service public local aura pour conséquence la suppression de la péréquation à l'échelle nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

a souhaité savoir si la CGT avait obtenu, de la part du ministre en charge du secteur de l'énergie lors de la discussion en 2004 de la loi de programmation, l'engagement de ne pas privatiser GDF et de ne pas réduire la participation de l'Etat à moins de 70 % du capital du groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ironisant sur la nouveauté que constituait pour la CGT la référence à la dimension européenne du débat et la reconnaissance du caractère non systématiquement optimum de certains services publics, M. Dominique Braye a interrogé les intervenants sur le caractère réaliste du consortium européen proposé et les raisons pour lesquelles cette suggestion n'avait pas été faite antérieurement. Prenant acte de ce qu'ils prétendaient que l'ouverture à la concurrence aboutirait à la vente de gaz à l'extérieur si les conditions y étaient plus favorables, il a évoqué à cet égard la pratique consistant pour EDF à vendre de l'électricité à l'étranger afin de pouvoir conserver de justes tarifs sur le marché intérieur. Soulignant que l'anticipation d'une augmentation des tarifs du gaz dans la décennie à venir intervenait dans une conjoncture déjà haussière, il a considéré favorablement le fait pour les élus locaux d'être prochainement confrontés à une pluralité d'opérateurs, estimant que ce serait un moyen d'ouvrir de nouveaux réseaux de distribution. Enfin, il s'est interrogé sur le financement de la différence actuelle entre le prix du gaz facturé au consommateur et son prix de marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Après avoir fait remarquer que la juridiction communautaire venait d'interdire la pratique des golden share, et que celle-ci s'appliquait en tout état de cause à la seule gestion courante et non aux assemblées générales extraordinaires, M. Daniel Raoul a interrogé les intervenants sur les contreparties qu'exigerait la Commission européenne à la fusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Estimant que cette dernière était difficile à justifier d'un point de vue industriel, M. Michel Billout s'est demandé dans quelle mesure les contreparties potentiellement requises à un rapprochement entre GDF et EDF n'auraient pas été inférieures à celles exigées pour la fusion entre GDF et Suez.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail

Confirmant que des promesses avaient été faites par le Gouvernement en 2004, M. Jean-Christophe Le Duigou a précisé toutefois que son organisation, sceptique quant à la capacité de leurs auteurs à les tenir, ne les avait jamais réclamées. Jugeant favorablement le mémorandum adressé en 2004 par la France à ses partenaires européens, il a regretté qu'elle ne se soit pas mobilisée autour des objectifs qu'il contenait. Estimant que les organisations syndicales européennes partageaient des opinions convergentes sur les dossiers énergétiques, il a appelé à un débat communautaire sur le sujet.

Debut de section - Permalien
Eric Roulot

a apporté les compléments d'information suivants :

- concernant la sécurité d'approvisionnement énergétique, le Livre vert européen, qui préconise un rapprochement des positions nationales sur le sujet, a fait l'objet d'un accord et d'une déclaration commune des chefs d'Etat de l'Union ;

- l'augmentation des tarifs du gaz ces derniers mois, due pour partie à la hausse des coûts d'approvisionnement du fait de leur indexation sur les cours du pétrole, s'explique également par la revalorisation par les opérateurs de leur marge, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Il est à craindre que ce phénomène ne s'accélère du fait de certains éléments tels que la mise à l'index par la Commission européenne dans sa lettre de grief des contrats à long terme, le durcissement prévisible des exigences des actionnaires ou encore l'alignement sur les tarifs du marché des tarifs mentionnées dans le contrat de plan entre l'Etat et GDF ;

- suite au processus de libéralisation enclenché en 2000 pour l'électricité et en 2003 pour le gaz, les plus importants des professionnels éligibles ont créé un consortium leur permettant de s'approvisionner à des tarifs préférentiels. Les petites et moyennes entreprises, quant à elles, ont été affectées par une hausse de 80 % des tarifs en un an. Le projet de loi leur propose un tarif d'ajustement de retour, dont EDF paiera le différentiel par rapport au prix de marché.

Debut de section - Permalien
Olivier Barrault

a souhaité préciser certains éléments :

- sur la pérennité du distributeur mixte, il a rappelé que la mise en concurrence de Total et GDF, qui étaient liés par deux filiales communes, avait entraîné la suppression de ces dernières. Le rapporteur du projet de loi au Sénat, M. Ladislas Poniatowski, a d'ailleurs reconnu le 22 mai dernier, a-t-il ajouté, que le maintien d'un système de distribution mixte avec deux entreprises en concurrence poserait des problèmes et aurait des conséquences sur la qualité du service public. Selon lui, il ne pourrait y avoir d'agents mixtes ;

- concernant le développement du réseau gazier, il a rappelé que s'il avait occasionné des conflits importants de 1996 à 1998 au sein du groupe, l'article 50 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier prévoyait un plan triennal de desserte de 1.500 communes permettant un doublement des raccordements annuels. Ce développement avait été rendu possible grâce à l'abaissement des critères de rentabilité. La déréglementation, en séparant la marge sur la molécule et sur le transport, a remis en cause ce dynamisme. De plus, la rentabilité sera davantage liée aux exigences des actionnaires, comme le confirment les positions des administrateurs les représentant. La réévaluation des critères de rentabilité de 6 ou 7 % à 12 % s'opposera à la réalisation de nouveaux raccordements. Par exemple, sur le département de Saône-et-Loire, le programme de développement initial de 70 km a été ramené à moins de 20 km en 2006. Cette baisse d'activité durable induit à terme la suppression de 200 emplois de développeurs ;

- sur l'augmentation des prix, il a rappelé que l'Europe gazière, et particulièrement la France, se sont développées grâce à la coopération entre pays producteurs et pays consommateurs, sur la base de contrats de long terme d'Etat à Etat. Ceux-ci ont historiquement permis d'obtenir, depuis leur conclusion dans les années 50, des tarifs intéressants, puisque les plus faibles en Europe. Or, malgré les tarifs régulés, on assiste à une déconnexion des prix par rapport aux coûts réels, avec pour objectif un alignement tarifaire sur la moyenne européenne. Cette hausse est illustrée par les résultats du groupe. Ainsi, au premier semestre 2006, le résultat de GDF est passé de 1 à 1,6 milliard, cette progression s'expliquant notamment par une augmentation de marge commerciale de 400 millions d'euros liée à une hausse des tarifs supérieure à l'augmentation des coûts d'approvisionnement. Ces évolutions tarifaires sont liées à l'objectif annoncé aux investisseurs de faire passer les dividendes de 420 millions d'euros à 840 en 2007, soit un doublement. Les administrateurs représentant les actionnaires exigent désormais qu'ils atteignent 1,2 milliard d'euros, soit un triplement, afin de maintenir le caractère attractif du groupe. Ils ont fait pression sur l'entreprise afin qu'elle exerce un recours pour exiger le soi-disant retard tarifaire. Sachant que la création d'un euro de dividende supplémentaire implique la réalisation de 4 euros de marge, il est inévitable que ce phénomène induise une augmentation des prix. Il est à noter par ailleurs que le montant des dividendes (700 millions d'euros), égal à celui affecté aux salaires, devrait prochainement le dépasser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

s'est dit choqué par la confidentialité des discussions au sein de la Commission européenne, qu'il a estimée contraire au principe de transparence des débats parlementaires et aux exigences d'information du public. Prévoyant des contreparties largement supérieures à ce qui est prévu, il a souligné que la Commission européenne, qui attaque les contrats de long terme et les tarifs règlementés, vise à terme à établir une séparation patrimoniale entre les gestionnaires de réseau et de transport. Rapportant que GDF et Suez proposaient de céder des contrats de long terme à hauteur de 20 % et de filialiser leurs terminaux méthaniers, il a prédit, au vu de l'évolution actuelle des discussions, notamment en Belgique, que le groupe serait contraint de faire davantage de concessions. Il a estimé que les contreparties à un rapprochement entre GDF et EDF, qui ne seraient pas supérieures à celles exigées pour la fusion entre GDF et Suez, permettraient à tout le moins de sauvegarder la propriété publique du groupe et de conserver le personnel travaillant dans les services communs.

Debut de section - Permalien
Olivier Barrault

a indiqué partager l'inquiétude des parlementaires sur la transparence nécessaire du dossier de fusion. Il a rappelé que les administrateurs salariés avaient dû exercer un recours en justice pour obtenir connaissance de la lettre de griefs de la Commission européenne et une délibération pour obtenir la réponse correspondante. Regrettant que les administrateurs du groupe se soient aujourd'hui dessaisis des choix stratégiques, il a souligné, en effet, que le président avait, à l'issue du conseil d'administration et avec l'assentiment du ministre en charge de l'économie, comme le confirme le vote des administrateurs représentant l'Etat, proposé une délibération lui conférant tout pouvoir de négociation avec les institutions communautaires en vue de mener à bien la fusion. Il a estimé cette attitude contraire au fonctionnement normal du conseil d'administration, notamment en termes de définition des choix stratégiques, ainsi qu'aux règles de l'OCDE.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail

a renchéri, en déplorant que la puissance publique se soit dessaisie de son pouvoir de négociation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

a interrogé les intervenants sur l'exigence pour le pôle public que constituerait le rapprochement de GDF et EDF de se séparer d'une partie de son parc nucléaire. D'une façon plus générale, elle les a également questionnés sur la conciliation entre l'objectif d'un partage du travail entre pays industrialisés et pays en voie de développement, et la nécessité de préserver les emplois au niveau national.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail

Sur ces deux éléments, M. Jean-Christophe Le Duigou a apporté plusieurs éléments de réponse :

- le démantèlement du parc nucléaire n'est absolument pas envisagé, Suez étant d'ailleurs candidat pour être opérateur nucléaire. Au titre des contreparties de l'entrée d'EDF dans le capital d'une firme allemande, a été requise la mise aux enchères de capacités ; dès lors, il est inexact de prétendre que cela constituerait une nouvelle contrepartie. En outre, il n'y a aucun rapport entre l'ouverture à la concurrence et la structuration du parc nucléaire ;

- un marché unique du travail risquant d'être préjudiciable au développement, il serait plus judicieux d'établir d'abord des coopérations entre les pays. Observant que l'essentiel des délocalisations se faisait en direction de pays de l'OCDE et que la mobilité internationale du capital ne profitait pas aux pays les moins développés, laissant de grandes zones à l'écart, il a souligné que l'ouvrier polonais ou chinois ne constituait pas en tant que tel un danger pour le travailleur français. Il a appelé à une stratification des droits en deux degrés, les plus basiques étant reconnus partout, quel que soit le niveau de développement, et les plus évolués dans certains ensembles seulement, suite à un travail en amont à l'intérieur des grandes firmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Remerciant les intervenants, M. Jean-Paul Emorine, président, a fait remarquer que la durée du débat avait illustré l'importance de ses enjeux.