Intervention de Éric de Saint-Denis

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 octobre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. éric de Saint-denis professeur agrégé enseignant-coordonnateur du microlycée 94

Éric de Saint-Denis, enseignant-coordonnateur du Microlycée 94 :

Professeur agrégé d'histoire et géographie, je suis à l'origine du premier Microlycée créé en 2000 à Sénart à l'instigation du ministre Lang, et du deuxième, le Microlycée 94, créé à Vitry-sur- Seine, à l'instigation de M. Blanquer, alors recteur de l'académie de Créteil. Enfin, il s'en crée un troisième à La Courneuve, adossé au lycée Jacques Brel. Le but de ces structures est de permettre à l'éducation nationale d'autoriser le retour en son sein d'élèves qui l'ont quittée dans des circonstances lourdes - scolairement, psychologiquement et socialement -, et qui veulent y retourner « par la fenêtre » alors même que toutes les portes leur ont été fermées. Ces personnes de 18 à 25 ans - les mineurs ou les plus de 25 ans sont exceptionnels - retournent à l'école dans la perspective de réussir le bac alors même que, depuis longtemps, voire depuis toujours, elles n'ont connu que l'échec scolaire. Il s'agit de déconstruire leur sentiment d'échec et de construire en eux un sentiment de confiance dans l'école publique, afin qu'ils renouent avec une perspective de réussite, celle de passer le baccalauréat. J'aime cette phrase du père d'un de ces élèves : « Depuis que mon fils est inscrit chez vous, toute la famille s'est remise à grandir ».

Je vous ai amené des plaquettes et les chiffres sur les élèves, ce qu'ils font, ce qu'ils deviennent. Selon les chercheurs de Paris X, cinq ans après leur sortie du Microlycée, 60 % de ces jeunes ont un emploi, 22 % poursuivent des études longues, 8 % sont au chômage (à comparer au pourcentage national des jeunes au chômage) et 10 % sont dans des situations particulières - formation, congé-maternité, etc. Les résultats sont d'autant plus positifs que ces jeunes n'avaient auparavant aucune solution scolaire : l'impossibilité de toute inscription ailleurs est une condition d'inscription au Microlycée.

Pourquoi ne trouvaient-ils pas leur place dans le système actuel ? La moitié d'entre eux ont connu de gros problèmes d'orientation - orientation forcée, changement de filières impossible, BEP interrompu ou sans suite. Au Microlycée, l'orientation est libre, ils peuvent choisir entre les séries L, ES ou STG mercatique.

D'autres, pour des raisons personnelles (facteurs psychologiques, grossesses précoces, déménagements, etc.) ne retrouvent plus leur place quand ils souhaitent revenir : ils restent à la porte car, à 22 ans, les établissements traditionnels ne peuvent plus les accueillir. Une élève, mère d'un enfant, qui a obtenu son bac ES, m'expliquait ainsi qu'on ne voulait pas d'elle parce qu'elle aurait donné le mauvais exemple au lycée.

Le système scolaire vise à la normalisation, non à la normativité. Le Microlycée, lui, prend les jeunes là où ils en sont et non là où ils devraient être. L'une d'entre elles était en situation de transparence scolaire depuis l'école primaire ! À les prendre là où ils devraient être, on leur interdit d'avancer. Les remettre en route, leur rendre la perspective du bac, de le réussir, comme le font la majorité d'entre eux, puis de se lancer dans des études supérieures, voilà notre vocation.

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