Intervention de Jean-Robert Pitte

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 octobre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Robert Pitte délégué interministériel à l'information et à l'orientation

Jean-Robert Pitte :

J'ai été très attentif à vos réactions et à votre déception. Je remercie Mmes Françoise Laborde et Maryvonne Blondin de leurs encouragements. Je vous rappelle que j'ai pris mes fonctions il y a un mois. Vous me laisserez un peu de temps pour comprendre les dysfonctionnements.

Je sais qu'il y a 150 000 décrocheurs par an. Vous oubliez les décrocheurs de l'université qui sont très nombreux. La mesure du problème, je la connais parfaitement. J'ai écrit sur ce sujet dès 2006. Notre crève-coeur en France, c'est 10 % de chômeurs et 25 % de jeunes chômeurs. C'est inadmissible au regard des comparaisons internationales. Les pays voisins qui ont également subi la crise n'ont pas à faire face à une telle situation.

Dans l'ensemble du système éducatif français, il faut valoriser l'apprentissage et l'alternance. Ce n'est pas assez développé en France. Cette réticence n'est pas simplement le fait de l'éducation nationale mais aussi de la responsabilité du tissu économique qui a du mal à admettre que là est la solution. En France, on a l'impression que plus on fait des études initiales longues sans alternance, mieux c'est. Ce n'est pas vrai ! Les études longues en alternance, c'est excellent. Des études plus courtes avec la possibilité d'une formation tout au long de la vie, c'est excellent aussi.

Ce taux d'échec de 90 % à la fin de la première année des études de médecine est une catastrophe. Faut-il augmenter le nombre des places en médecine ? Pourquoi pas ? Cette question dépasse mes compétences.

S'agissant des conseillers d'orientation, j'en ai rencontré, je sais qu'ils sont très inquiets. Il est vrai que l'entretien individuel avec l'élève est indispensable. Je ne crois pas que les COP tous seuls puissent résoudre tous les problèmes d'orientation. Car la formation sur les métiers des COP se résume à trois mois de stage, sinon ce sont des psychologues. Cette formation est donc très insuffisante. Ils doivent mieux connaître les débouchés professionnels. Certains, individuellement, ont fait cet effort.

Je pense qu'il est indispensable que les professeurs des collèges et des lycées, mais aussi des écoles, s'intéressent davantage à ce qui se passe dans le monde de l'économie, de l'entreprise et en matière de débouchés professionnels. C'est une des évolutions très souhaitables pour la formation des professeurs. Je pense que notre pays n'implique pas assez les parents dans le processus d'information et d'orientation. Dans l'enseignement privé, les parents, les professeurs et la communauté éducative collaborent pour inciter les élèves à se forger un projet professionnel. Il faut ainsi parler dès l'école primaire des métiers, même si c'est un rêve et donner l'idée aux jeunes qu'on exerce un métier en fonction de compétences qu'on a acquises. L'enseignement agricole ne dispose pas non plus de COP mais se révèle assez efficace dans la formation des jeunes à leurs futurs métiers.

Je partage le point de vue sur la nécessité de passerelles entre l'enseignement général, technologique et professionnel, et de passerelles multiples entre les différents organismes qui existent.

Aujourd'hui, le corps des COP réagit comme s'il se sentait cerné d'ennemis, alors que la mission que j'ai reçue est de leur dire : « travaillons ensemble », par exemple en collaborant avec Pôle Emploi.

Selon les termes de la lettre de mission que j'ai reçue et de la loi que vous avez votée, je suis un catalyseur et, de ce fait, je n'ai pas besoin de beaucoup de moyens. Je sais aussi qu'il sera très difficile de faire bouger les lignes. Le travail véritable se fera à l'échelon local. Mon travail est d'encourager les bonnes pratiques et de les faire connaître. Je dois essayer de convaincre le service public de la télévision et de la radio qu'il y a des informations à transmettre aux jeunes. On aurait un jour un « Plus belle la vie » sur les métiers et l'emploi, ce serait formidable ! Il existe déjà des programmes courts diffusés sur France 3 région. Il faut que les jeunes se sentent investis de cette responsabilité vis-à-vis d'eux-mêmes. Trop de jeunes arrivent en fin de lycée ou dans l'enseignement supérieur sans savoir ce qu'ils veulent faire.

J'ai pour mission d'alerter le monde de l'emploi, donc de l'entreprise et de la fonction publique, sur la nécessité de définir les compétences et les métiers dont ils ont besoin. L'orientation ne peut se faire qu'à un échelon local extrêmement décentralisé.

Pour le moment, je dispose de cinq millions d'euros au titre du fonds paritaire de sécurisation des parcours. On peut faire évoluer ce budget si on arrive à convaincre tous les partenaires que c'est nécessaire. Ce fonds doit servir à mettre en place la base du service dématérialisé. L'ensemble des jeunes et moins jeunes doit savoir qu'il existe un site, avec des personnes pouvant répondre à leurs demandes, qui leur permet d'avoir une première orientation. Ensuite, c'est la rencontre individuelle qui compte.

Il est important que tous les acteurs de l'éducation, de l'orientation et de la formation tout au long de la vie se sentent impliqués dans cette tâche. L'orientation doit se faire plus tôt ; j'en suis persuadé. C'est beaucoup trop tard de la faire plus ou moins bien à la fin de la classe de terminale. Il faut la faire tout au long des études et réhabiliter l'ensemble des métiers.

Je ferai le mieux possible avec la mission qui m'a été confiée et les moyens qui m'ont été donnés pour faire bouger un peu les lignes ou tout au moins ouvrir des portes pour faire entrer un peu d'air frais dans ce système complexe. C'est un des aspects de la vie de notre pays pour lequel il faut vraiment se rassembler quelque soit son appartenance politique.

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