La commission procède à l'audition de M. Jean-Robert Pitte, délégué interministériel à l'information et à l'orientation.
À titre liminaire et en lien avec mes anciennes fonctions, je tiens à informer votre commission, qui s'était saisie de cette question, que la procédure d'inscription de la gastronomie française au patrimoine mondial immatériel est bien engagée à l'Unesco.
La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 sur les libertés et les responsabilités des universités a fait de l'information et de l'aide à l'insertion professionnelle des jeunes une des missions essentielles des établissements d'enseignement supérieur. Les instituts universitaires de technologie (IUT) y étaient habitués depuis des années et s'y sont donc bien adaptés, mais cet objectif a été plus difficile à respecter dans d'autres filières, par exemple en lettres et en sciences humaines.
La loi du 24 novembre 2009 sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie a institué un délégué à l'information et à la formation qui est placé auprès du Premier ministre et doit favoriser la collaboration entre quatre ministères : l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, l'emploi et la jeunesse.
J'ai été nommé à ce poste le 23 juin dernier. Ma lettre de mission ne date que de l'été mais j'ai déjà pu constater que les acteurs de l'orientation, tant au niveau central qu'au niveau régional, montraient beaucoup de bonne volonté pour améliorer le service offert aux jeunes, mais aussi aux adultes pour ce qui concerne la formation continue.
Le maquis de l'orientation demeure extrêmement touffu avec un nombre considérable de portails Internet et environ 8 000 sites d'accueil qui dépendent de l'État ou des collectivités territoriales. Les partenaires sociaux qui financent largement la formation professionnelle, notamment l'apprentissage, interviennent également dans ce domaine. Chacun conviendra qu'il faut clarifier le paysage. Mais il n'est pas toujours nécessaire de fusionner des structures existantes qui peuvent s'adresser efficacement à des publics aux besoins particuliers. Il ne s'agit pas de mettre au pas et d'uniformiser tous les dispositifs locaux mais de faire en sorte que l'action de tous les acteurs soit coordonnée et lisible pour les usagers.
Deux tâches prioritaires m'ont été confiées : la mise en place d'un service national dématérialisé d'information et d'orientation, d'une part, la labellisation des différents organismes du secteur, d'autre part.
Pour financer le service dématérialisé, cinq millions d'euros ont été budgétés sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) géré par les partenaires sociaux. Doit être mise en place une adresse unique pour tous les Français quel que soit leur âge, quel que soit leur statut, afin qu'ils trouvent toute l'information utile au choix d'une formation soit initiale, soit continue. L'orientation des différents publics dans telle ou telle filière doit prendre en compte les souhaits individuels, les capacités de poursuite d'études et l'état du marché de l'emploi.
En ce qui concerne la labellisation des structures d'information et d'orientation, il me reviendra de définir le cahier des charges dans le cadre défini par un décret qui devrait bientôt être publié. Nous espérons promouvoir par ce biais le modèle offert par la Cité des métiers de La Villette où travaillent en concertation une mission locale, Pôle Emploi, le Centre d'information et de documentation pour la jeunesse (CIDJ) pour accueillir tous les publics et les guider dans leur choix de formation. J'aimerais également citer l'exemple du Centre d'information et d'orientation (CIO) de Saint-Dié dans les Vosges à l'action duquel sont étroitement associés la mission locale, Pôle Emploi et une Maison de l'entreprise.
Je tiens surtout à insister sur la nécessité d'abattre les cloisons qui séparent l'université et les lycées d'une part, et le monde socio-économique, d'autre part. C'est dans la coopération entre l'école et l'entreprise que se dénouera la problématique de l'orientation.
Vous avez commencé par aborder l'université, les filières littéraires et la sélection par l'échec. Cette sélection par l'échec existe, également, bien avant l'entrée à l'université. La question est toujours la même : comment lutter contre l'orientation subie, par défaut et par l'échec ? Comment revaloriser l'intelligence de la main ?
Nous avions inscrit dans la loi relative à la formation professionnelle que le délégué à l'information et à l'orientation devait être placé auprès du Premier ministre et présenter un plan de coordination aux niveaux national et régional de l'action des opérateurs nationaux en matière d'information et d'orientation. En particulier, il devait examiner les conditions du rapprochement de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), du Centre Info et du CIDJ. Où en êtes-vous de l'élaboration de ce plan de coordination ? Quelles solutions préconisez-vous pour décloisonner le système national de l'orientation ?
Enfin, comment améliorer le décloisonnement entre le système scolaire et les partenaires socioéconomiques dont le rôle est essentiel pour une orientation réussie ?
J'ai ressenti dans vos propos une réelle volonté de promouvoir une orientation réussie. Votre tâche est immense. Je mesure sa difficulté. Vous avez largement évoqué l'enseignement supérieur. Ayant conduit plusieurs missions sur l'enseignement agricole et en tant qu'élu local, je suis persuadée qu'une étape importante se joue à la sortie du collège. Allez-vous travailler sur ce point ? Est-ce prévu dans votre lettre de mission ?
Ce n'est pas prévu dans ma lettre de mission. Parmi les multiples cloisons dans lesquelles il faut essayer d'ouvrir des portes, il y a évident le passage entre le collège et le lycée. Je suis également très sensible, depuis longtemps, à la nécessité de réhabiliter les métiers de la main. Aujourd'hui exercer un métier manuel, c'est aussi créer son entreprise, en assurer la gestion, être en relation avec une clientèle... Tout métier est complet. Les métiers tertiaires exigent désormais de la technique, à l'image de l'informatique. Cette distinction est devenue complètement artificielle. J'ai bien conscience que toutes sortes de métiers doivent être réhabilités. Certaines branches, comme le bâtiment ou les métiers de bouche, manquent de main d'oeuvre. Même s'ils sont peu rémunérateurs au départ, les marges de progression sont considérables, notamment dans le cadre de la création d'entreprise.
Dans tout métier, il est nécessaire de s'investir, de travailler et surtout de progresser tout au long de la vie. Il faut faire entrer dans la mentalité des Français que la formation tout au long de la vie est non seulement un droit mais aussi une nécessité. Par exemple, Pôle Emploi n'encourage pas assez les demandeurs d'emploi à s'inscrire dans une formation complémentaire. Il est intéressant de profiter d'une période de chômage pour se former. Dans les pays émergents, la formation progresse. Il est essentiel de faire de même en France. Les pays dits développés ne le resteront pas si on n'améliore pas le système de formation et l'adéquation entre la formation et l'insertion professionnelle.
Pour décloisonner les organismes, on procédera à une labellisation. Les labels de lieu unique seront délivrés par les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle, sous l'autorité du préfet et du président de région. Les organismes - CIDJ, Pôle Emploi, CIO, ONISEP - pourront passer une convention entre eux. Le label leur sera accordé pour trois ans. Après expertise et enquête auprès des usagers, il sera décidé de maintenir ou de supprimer ce label.
Comment aider les jeunes à entrer dans un processus d'orientation active débouchant sur un métier ? Des réformes sont en cours. Une option « initiation aux parcours professionnels » existe au collège et au lycée. Je me demande si ce ne devrait pas être obligatoire dans les programmes d'enseignement. Il faut convaincre les enseignants que ce n'est pas du temps perdu. Cela peut même aider un enseignant à mieux faire passer son enseignement théorique. L'enseignement est d'autant mieux compris que les élèves en perçoivent la finalité professionnelle.
Je m'inquiète des études de médecine. Vous avez peu abordé le sujet, rappelant le concours commun aux différentes professions médicales. J'ai regardé les programmes des études de médecine. En matière de physique nucléaire, de mathématiques, c'est extrêmement compliqué. Le concours à la fin de la première année correspond à une entrée dans une grande école. Il y a un étudiant reçu sur dix. On ne me fera pas croire que parmi les étudiants recalés, il n'y aurait pas eu de jeunes capables d'être des médecins. Je pense qu'on est en train de faire fausse route. On rejette du système des jeunes, intelligents, qui sont des humanistes, mais pas forcément des mathématiciens !
Pour pallier l'absence de médecins français, on fait appel à des médecins étrangers qui n'ont pas le même niveau de formation et qui sont confrontés à un problème de barrière linguistique. Si le médecin et le malade ne se comprennent pas, comment voulez-vous qu'il y ait des soins appropriés ! C'est extrêmement grave.
Cette question concerne l'aménagement du territoire. Ce qui est le pire dans nos campagnes, c'est l'insécurité sanitaire. Si vous n'avez plus de sécurité sanitaire, notamment avec la réduction du nombre d'hôpitaux de proximité, vous n'aurez plus de retraités qui voudront y vivre. Un jour viendra où les retraités auront besoin d'un médecin et ne le trouveront pas ou alors incapable de leur apporter des soins appropriés. Je suis effrayé par le niveau du numerus clausus en France. Il faut le doubler pendant quelques années. Par ailleurs, 70 % des étudiants en médecine sont des femmes, et elles ne sont pas enclines à s'installer dans les campagnes. Il faut absolument réfléchir sur ces problèmes d'insécurité sanitaire qui touchent particulièrement les zones rurales.
Votre discours m'a déçu. Je cherche la cohérence de vos propos. Je cherche une définition de la finalité de votre mission. Je cherche votre analyse globale sur une question fondamentale. Je pense qu'il aurait été bon que votre lettre de mission commence ainsi : « tous les rapports publiés depuis plusieurs décennies dans notre pays démontrent que l'orientation, et en particulier l'orientation scolaire, en France est un échec ».
Vous avez commencé par évoquer l'enseignement supérieur. J'aurais préféré que vous commenciez par le début. Quelle est la gravité de la situation ? Chaque année, entre 130 et 150 000 jeunes quittent le système scolaire obligatoire sans diplôme ni qualification. Quand on essaye de porter une analyse sur les raisons - familles, élèves, faillite de la mission de la société et de l'État - c'est un échec du système d'orientation.
J'aurais été intéressé au-delà de l'énumération des différents dispositifs, déjà connus depuis plusieurs années ou ajoutés récemment, comme la mise en place d'un numéro vert, que vous nous parliez de l'orientation scolaire. Vous avez évoqué le rôle des conseillers d'orientation-psychologues. Combien y en a-t-il en France ?
De combien d'élèves chacun doit-il s'occuper ? Combien d'entretiens personnalisés ont-ils avec chaque élève, en particulier dans les collèges ? Les décrocheurs se trouvent essentiellement à la fin du collège ou dans la première année d'enseignement professionnel. C'est un élément qui me parait essentiel. L'orientation se fera dans un face à face entre élève et conseiller d'orientation au fur et à mesure de la scolarité, au minimum à partir de la classe de quatrième.
Vous avez dit que vous souhaitiez associer les professeurs à cette mission d'orientation. Je crois que c'est une bonne chose et tout le monde est d'accord. Il faut alors redéfinir la mission des professeurs. Quelle formation ont-ils pour être compétents dans ce domaine ? Leur seule formation, à l'heure actuelle, est la transmission de la connaissance sur une discipline. Ne comptez pas trop sur eux ou alors essayez de faire en sorte qu'ils aient une formation ! Je souhaite que vous nous expliquiez quel est votre plan national de réforme de l'orientation en France. Je demande d'abord que l'école de la République accomplisse sa mission dans le cadre de la scolarité obligatoire.
L'orientation est un phénomène complexe qui nait en amont et qu'on ne peut pas seulement traiter par l'aval. Je partage, certes, l'objectif affiché d'une élévation de la formation tout au long de la vie pour tous les Français mais la déclaration du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, il y a quelques mois sur une orientation progressive et surtout réversible grâce à des dispositifs de passerelles me conduit à m'interroger. Le fait de revendiquer un service public de l'information et de l'orientation tout au long de la vie sur une base dématérialisée peut constituer un plus. Mais il ne s'agit pas seulement d'information ; nous avons à modifier dans notre pays des comportements profonds, d'abord ceux de reproduction sociale des inégalités liées aux milieux socioculturels. La question des moyens est posée fortement. Je suis inquiète lorsque vous dites que vous n'avez ni service ni budget, hors ce que vous octroie le fonds paritaire de sécurisation des parcours.
Quel est vraiment votre champ d'intervention ? Je suis extrêmement frustrée car je ne sens pas une réelle prise en compte de cette question de l'orientation tout au long de la vie dès le démarrage.
Je travaille actuellement sur un bilan de l'enseignement professionnel dans le cadre du rapport budgétaire sur la loi de finances 2011 que je présenterai à notre commission. Je vais me pencher sur la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans pour vérifier s'il a induit des modifications de comportement.
On perçoit difficilement comment vous organisez pratiquement ce service dématérialisé.
J'ai des questions sur les conseillers d'orientation-psychologues (COP). On a voté une modification de leurs missions. Un décret est en cours d'élaboration. C'est aussi un corps qui est mis en extinction du fait de la réduction du nombre de postes offerts aux concours.
Dans le cadre de la loi de simplification du droit, l'article 78 propose une modification du statut des groupements d'établissements publics d'enseignement (GRETA) et leur transformation en groupements d'intérêts publics (GIP). Qu'en est-il du lien entre formation initiale et formation continue ?
Beaucoup de mes interrogations rejoignent les propos de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a défini des pistes que vous avez évoquées. Ma crainte est de constater que ce fonds de sécurisation des parcours sera ponctionné pour mettre en place ce service dématérialisé.
Vous avez évoqué le problème du manque de places en formation. Or, ce fonds pourrait aussi servir à la mise en oeuvre de dispositifs de formation. Vous avez abordé votre lien avec l'économie et donc avec l'emploi. Il vous faut être à l'affût de tous les nouveaux métiers et possibilités existantes dans les entreprises. Sachant que ce fonds de pérennisation est à périmètre constant, on est en train de le démanteler. Alors comment faire ? Cela m'inquiète.
Les uns et les autres ont exprimé leurs passions. Les sénateurs vous ont montré qu'ils connaissaient un peu le sujet. Ce qui explique notre déception. Nous avions envie de quelque chose de plus innovant. Ce discours, nous l'avons déjà entendu à de nombreuses reprises. On vous demande de proposer des éléments concrets.
Nous sommes tous convaincus que l'orientation doit se faire beaucoup plus tôt dans la vie des jeunes. Avant de réparer des défauts d'orientation, il faut la faire entrer dès l'école primaire.
Monsieur le délégué, vous l'aurez senti, notre commission attache une grande importance à l'orientation. Nous sommes donc très attentifs à vos propos. Sachez que cette question sera suivie avec beaucoup d'attention et de manière permanente par cette commission.
J'ai été très attentif à vos réactions et à votre déception. Je remercie Mmes Françoise Laborde et Maryvonne Blondin de leurs encouragements. Je vous rappelle que j'ai pris mes fonctions il y a un mois. Vous me laisserez un peu de temps pour comprendre les dysfonctionnements.
Je sais qu'il y a 150 000 décrocheurs par an. Vous oubliez les décrocheurs de l'université qui sont très nombreux. La mesure du problème, je la connais parfaitement. J'ai écrit sur ce sujet dès 2006. Notre crève-coeur en France, c'est 10 % de chômeurs et 25 % de jeunes chômeurs. C'est inadmissible au regard des comparaisons internationales. Les pays voisins qui ont également subi la crise n'ont pas à faire face à une telle situation.
Dans l'ensemble du système éducatif français, il faut valoriser l'apprentissage et l'alternance. Ce n'est pas assez développé en France. Cette réticence n'est pas simplement le fait de l'éducation nationale mais aussi de la responsabilité du tissu économique qui a du mal à admettre que là est la solution. En France, on a l'impression que plus on fait des études initiales longues sans alternance, mieux c'est. Ce n'est pas vrai ! Les études longues en alternance, c'est excellent. Des études plus courtes avec la possibilité d'une formation tout au long de la vie, c'est excellent aussi.
Ce taux d'échec de 90 % à la fin de la première année des études de médecine est une catastrophe. Faut-il augmenter le nombre des places en médecine ? Pourquoi pas ? Cette question dépasse mes compétences.
S'agissant des conseillers d'orientation, j'en ai rencontré, je sais qu'ils sont très inquiets. Il est vrai que l'entretien individuel avec l'élève est indispensable. Je ne crois pas que les COP tous seuls puissent résoudre tous les problèmes d'orientation. Car la formation sur les métiers des COP se résume à trois mois de stage, sinon ce sont des psychologues. Cette formation est donc très insuffisante. Ils doivent mieux connaître les débouchés professionnels. Certains, individuellement, ont fait cet effort.
Je pense qu'il est indispensable que les professeurs des collèges et des lycées, mais aussi des écoles, s'intéressent davantage à ce qui se passe dans le monde de l'économie, de l'entreprise et en matière de débouchés professionnels. C'est une des évolutions très souhaitables pour la formation des professeurs. Je pense que notre pays n'implique pas assez les parents dans le processus d'information et d'orientation. Dans l'enseignement privé, les parents, les professeurs et la communauté éducative collaborent pour inciter les élèves à se forger un projet professionnel. Il faut ainsi parler dès l'école primaire des métiers, même si c'est un rêve et donner l'idée aux jeunes qu'on exerce un métier en fonction de compétences qu'on a acquises. L'enseignement agricole ne dispose pas non plus de COP mais se révèle assez efficace dans la formation des jeunes à leurs futurs métiers.
Je partage le point de vue sur la nécessité de passerelles entre l'enseignement général, technologique et professionnel, et de passerelles multiples entre les différents organismes qui existent.
Aujourd'hui, le corps des COP réagit comme s'il se sentait cerné d'ennemis, alors que la mission que j'ai reçue est de leur dire : « travaillons ensemble », par exemple en collaborant avec Pôle Emploi.
Selon les termes de la lettre de mission que j'ai reçue et de la loi que vous avez votée, je suis un catalyseur et, de ce fait, je n'ai pas besoin de beaucoup de moyens. Je sais aussi qu'il sera très difficile de faire bouger les lignes. Le travail véritable se fera à l'échelon local. Mon travail est d'encourager les bonnes pratiques et de les faire connaître. Je dois essayer de convaincre le service public de la télévision et de la radio qu'il y a des informations à transmettre aux jeunes. On aurait un jour un « Plus belle la vie » sur les métiers et l'emploi, ce serait formidable ! Il existe déjà des programmes courts diffusés sur France 3 région. Il faut que les jeunes se sentent investis de cette responsabilité vis-à-vis d'eux-mêmes. Trop de jeunes arrivent en fin de lycée ou dans l'enseignement supérieur sans savoir ce qu'ils veulent faire.
J'ai pour mission d'alerter le monde de l'emploi, donc de l'entreprise et de la fonction publique, sur la nécessité de définir les compétences et les métiers dont ils ont besoin. L'orientation ne peut se faire qu'à un échelon local extrêmement décentralisé.
Pour le moment, je dispose de cinq millions d'euros au titre du fonds paritaire de sécurisation des parcours. On peut faire évoluer ce budget si on arrive à convaincre tous les partenaires que c'est nécessaire. Ce fonds doit servir à mettre en place la base du service dématérialisé. L'ensemble des jeunes et moins jeunes doit savoir qu'il existe un site, avec des personnes pouvant répondre à leurs demandes, qui leur permet d'avoir une première orientation. Ensuite, c'est la rencontre individuelle qui compte.
Il est important que tous les acteurs de l'éducation, de l'orientation et de la formation tout au long de la vie se sentent impliqués dans cette tâche. L'orientation doit se faire plus tôt ; j'en suis persuadé. C'est beaucoup trop tard de la faire plus ou moins bien à la fin de la classe de terminale. Il faut la faire tout au long des études et réhabiliter l'ensemble des métiers.
Je ferai le mieux possible avec la mission qui m'a été confiée et les moyens qui m'ont été donnés pour faire bouger un peu les lignes ou tout au moins ouvrir des portes pour faire entrer un peu d'air frais dans ce système complexe. C'est un des aspects de la vie de notre pays pour lequel il faut vraiment se rassembler quelque soit son appartenance politique.
Compte tenu de l'importance que nous attachons à ce problème, je propose que vous reveniez au printemps prochain de façon à faire le point avec vous sur cette question essentielle.
La commission procède à l'audition de M. Pierre Bordry, ancien président de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
Désigné officiellement pour un mandat de six ans à la tête de l'Agence française de lutte contre le dopage, j'ai préféré démissionner un peu moins d'un an avant l'échéance, parce qu'un président en fin de mandat perd une partie de son autorité, et que les décisions difficiles qu'il faut prendre aujourd'hui engageront l'Agence sur le long terme.
L'Agence est tout d'abord soumise à une contrainte budgétaire. Ainsi, la remise en cause du double financement de l'Agence, initialement prévu dans le projet de loi de finances pour 2010, via une dotation budgétaire et l'affectation d'une partie du produit de la taxe Buffet, a rendu l'exercice 2010 plus compliqué et l'engagement des ministres interrogés en séance n'a finalement été respecté que tardivement et suite à une déclaration que j'avais faite au journal Le Monde. La négociation pour l'année 2011 semble avoir abouti à une solution convenable pour l'Agence. Pour autant, son financement n'est ni pérenne, ni suffisamment élevé à moyen terme et le nouveau président devra gérer cette situation. Je considère, à cet égard, que l'Agence peut en partie puiser dans son fonds de roulement s'il s'agit d'une question de trésorerie, mais je rappelle que trois millions d'euros y ont été accumulés avec un objectif précis et très important : celui de poursuivre le développement du laboratoire de dépistage. Le meilleur ciblage des sportifs, nécessaire à l'efficacité de la lutte contre le dopage, implique notamment un travail de recherche, de réflexion et de formation, qui a un coût important.
S'agissant de l'avenir du laboratoire, un nouveau directeur doit être choisi et il me paraissait important que cette décision majeure et difficile soit prise par le futur président de l'Agence.
Enfin, au vu de la nette augmentation des procédures judiciaires dans le monde sportif, le renforcement du service contentieux est impératif.
Si l'on souhaite que l'Agence reste l'une des meilleures au monde, selon l'Agence mondiale antidopage, des décisions devront être prises rapidement sur ces trois aspects.
Je souhaite rappeler que notre commission a tenté une nouvelle fois, lors de la discussion du projet de loi relatif aux jeux en ligne, de trouver une recette pérenne pour l'Agence française de lutte contre le dopage et qu'elle a retiré son amendement compte tenu d'un engagement du ministre du budget en faveur d'un financement budgétaire pertinent de l'Agence. Nous veillerons à ce que cette promesse soit tenue.
La difficulté pour une agence indépendante de négocier avec l'État est réelle. Ainsi, suite à la convocation de Floyd Landis par l'Agence en février 2007, le ministre Jean-François Lamour avait marqué son désaccord. À la suite de mes déclarations sur ce sujet, j'ai fait l'objet de poursuites judiciaires de la part de Jean-François Lamour ! Je suis cependant heureux de pouvoir vous dire que l'audience de ce sportif a été maintenue, qu'il a été suspendu et que le tribunal arbitral du sport a confirmé le bien-fondé de cette décision. Par ailleurs, le tribunal d'instance et la cour d'appel de Paris ont considéré qu'il était du devoir d'un président d'une autorité indépendante de rendre publiques les pressions qu'il subit.
Je veux rendre hommage à Pierre Bordry pour l'ensemble de son travail à la tête de l'Agence. L'adoption de la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, dont j'ai été le rapporteur, a été une étape décisive et la réactivité de l'Agence a constitué un atout majeur pour l'efficacité de la lutte menée. Par ailleurs, outre une interrogation évidente sur la défense d'Alberto Contador, contrôlé positif au clenbutérol lors du dernier Tour de France, quatre questions me viennent à l'esprit. L'ordonnance relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage a été prise par le Gouvernement le 14 avril dernier, mais n'a pas encore été ratifiée. Vous convient-elle en l'état ou estimez-vous que des améliorations pourraient y être apportées ? L'Agence doit-elle, selon vous, disposer d'une ressource autre que budgétaire ? Où en est-on de l'utilisation du passeport sanguin et quels sont selon vous les chantiers d'avenir pour l'Agence française de lutte contre le dopage ?
L'ordonnance du 14 avril dernier que vous avez citée modifie notre dispositif légal antidopage dans le bon sens. En revanche, des petites imperfections subsistent. Ainsi, lorsqu'une agence fait un contrôle en compétition à la demande d'une fédération internationale, le code mondial antidopage prévoit que cette fédération conserve le pouvoir disciplinaire. Cette précision est omise dans l'ordonnance. Par ailleurs, le dépôt tardif du projet de loi de ratification sur le Bureau du Parlement a ouvert la voie à un contentieux lancé par les footballeurs sur les règles de localisation des sportifs hors des compétitions. Enfin, si les décrets d'application ont tardé, c'est qu'un dialogue utile a été engagé avec l'Agence française de lutte contre le dopage, ce dont je me réjouis.
Sur la question financière, l'Agence française de lutte contre le dopage est une autorité administrative indépendante comme l'autorité des marchés financiers qui devrait disposer à ce titre d'une ressource propre et pérenne. Dépendre d'un financement privé serait notamment très néfaste dans la mesure où le laboratoire de dépistage est limité dans le nombre de contrôles qu'il peut effectuer chaque année. Il me semble que le monde du sport professionnel brasse suffisamment d'argent pour que la lutte antidopage puisse être mieux financée.
En 2009, les contrôles de l'agence sur le Tour de France ont été effectués avec l'accord de l'Union cycliste internationale (UCI). Suite au rapport de l'agence divulgué dans la presse, l'UCI a décidé de mettre fin à cette collaboration. Toutefois, avec l'accord de l'Agence mondiale antidopage (AMA) et en dépit du refus de l'UCI, l'Agence a mené des contrôles additionnels sur le Tour de France en 2010. En outre, l'AMA a envoyé six observateurs sur cette épreuve. Il serait utile que l'Agence mondiale publie rapidement le rapport établi par ces personnes. Je suis, en fait, favorable à un rapprochement de l'Agence française de lutte contre le dopage et de l'UCI sous le contrôle de l'AMA. L'arrivée de mon successeur devrait le faciliter.
S'il est avéré que des traces de clenbutérol ont été détectées dans les urines de Contador et qu'aucune justification cohérente n'est apportée, alors il doit être rapidement présenté devant une instance disciplinaire où il pourra s'expliquer. Mais la décision doit être claire.
Enfin, l'avenir de l'Agence passe par l'amélioration de la recherche. Il existe un conseil scientifique au sein de l'Agence française de lutte contre le dopage qui doit être bien utilisé. L'idée de détecter la présence de phtalates dans le sang pour démontrer une autotransfusion est ainsi venue de l'Agence française de lutte contre le dopage mais le financement avait été insuffisant pour faire des expérimentations.
On parle beaucoup du cyclisme mais le dopage est certainement présent dans tous les sports, qu'en pensez-vous ? Par ailleurs, le décès de Laurent Fignon nous a interpellés. Les risques du dopage pour la santé des sportifs est réel et les jeunes générations doivent être particulièrement alertées.
Il s'agit d'un problème de santé publique et d'éducation.
Les résultats des contrôles effectués au premier semestre 2010 montrent que les disciplines les plus concernées sont le culturisme et l'haltérophilie, le rugby, en raison de la consommation de cannabis, et l'athlétisme. S'agissant de cette dernière discipline, je souhaite souligner la très forte implication des fédérations française et internationale dans la lutte contre le dopage et le soutien qu'elles apportent régulièrement à l'Agence.
Les contrôles longitudinaux sont-ils généralisés dans le monde entier et dans tous les sports ?
Ces contrôles ne permettent pas forcément de lutter contre le dopage, notamment parce que les médecins qui suivent les résultats sont tenus au secret médical. Comme le passeport sanguin, le suivi longitudinal n'est utile que s'il permet d'améliorer le ciblage des sportifs à contrôler.
La santé des jeunes constitue un impératif et je souhaiterais savoir, à cet égard, quels contrôles sont effectués dans les centres de formation et quelle information est dispensée auprès des jeunes.
L'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique a insisté sur les risques de trafic dans ces centres. Mais la faiblesse des moyens de l'Agence l'empêche de multiplier le contrôle sur ces sportifs. Je tiens à rappeler que les sportifs de haut niveau du groupe cible doivent théoriquement être contrôlés par l'Agence quatre fois dans l'année, mais que celle-ci ne procède bien souvent qu'à un seul de ces contrôles.
Je tiens à vous féliciter et à vous remercier pour votre indépendance et l'intégrité intellectuelle dont vous avez fait preuve à la tête de l'Agence française de lutte contre le dopage. Je voulais, en outre, savoir si le monde amateur avait été touché par cette course aux résultats dans le monde professionnel et dans quelle proportion. Je constate enfin que les cas de dopage jettent le trouble sur l'ensemble des manifestations sportives et que le sentiment agréable ressenti lors de la victoire de certains sportifs, les nageurs français par exemple, pouvait être gâché du fait de l'impression qu'elle peut être trop belle...
De nombreux cas de dopage sont constatés chez les amateurs qui souhaitent devenir professionnels. Ils peuvent en outre mettre en place de petits trafics de médicaments, ce qui impose une vigilance, notamment des douaniers.
Par ailleurs, les nageurs ont tous été contrôlés et l'Agence française de lutte contre le dopage fait en sorte que la lutte antidopage soit la plus crédible possible. Le renforcement du ciblage des contrôles est l'une des solutions pour améliorer l'efficacité de la lutte.
Je vous remercie du travail effectué depuis toutes ces années, mais je constate qu'il est difficile de faire vivre un organisme indépendant dans notre pays. S'agissant du Tour de France, combien de temps va-t-il se dérouler dans ces conditions ? Enfin, on a le sentiment que les Nord-Américains ont une conception différente de la prise de médicaments dans le sport, et que le dopage semble davantage accepté. Qu'en est-il en réalité ?
La presse américaine m'a régulièrement interrogé, notamment sur les pressions que j'ai pu subir. Je veux être clair à cet égard : ma démission n'a rien à voir avec d'éventuelles pressions que j'aurais subies.
Par ailleurs, l'agence antidopage américaine fait de très gros efforts et accompagne la justice dont le travail est efficace : Jeff Nowitzki, enquêteur américain, a ainsi été décisif dans le démantèlement de l'affaire Balco.
La grande majorité des coureurs sportifs du Tour de France ne se dope pas, mais le sentiment que tout est fait pour trouver les tricheurs passe par une amélioration constante de la lutte que l'on mène. L'été dernier, 350 seringues auraient ainsi été remises par la gendarmerie au Parquet de Paris, suite au Tour de France : une enquête doit être menée.
Le sport suscite un engouement très fort et on peut trouver que l'action de l'Agence française de lutte contre le dopage est parfois exaspérante. Comment le ressentez-vous ?
Le Parlement a décidé en 2006 qu'une lutte féroce contre le dopage devait être menée et qu'une agence indépendante devait en être responsable. Cette indépendance limite les risques de connivence et de bienveillance. La loi est donc extrêmement protectrice et on constate une tendance mondiale au renforcement de la lutte antidopage. Le Comité international olympique s'est fermement saisi de la question. Le Parlement américain a ratifié la convention internationale contre le dopage dans le sport et les budgets des agences antidopage européennes sont en hausse. J'espère, à cet égard, que l'Agence française de lutte contre le dopage pourra dans l'avenir continuer à jouer un rôle précurseur.
Enfin, sur la proposition de loi de simplification et d'amélioration du droit, la commission adopte un amendement, présenté par M. Pierre Bordier, rapporteur pour avis, portant article additionnel après l'article 4.
Cette modification du code du travail vise à permettre une mise en cohérence juridique de nature à assurer une couverture conventionnelle homogène aux artistes et techniciens du spectacle lorsqu'ils interviennent en dehors du champ des conventions collectives du secteur du spectacle vivant.