Intervention de Hervé Novelli

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 mars 2010 : 1ère réunion
Entrepreneur individuel — Audition de M. Hervé Novelli secrétaire d'état chargé du commerce de l'artisanat des petites et moyennes entreprises du tourisme des services et de la consommation

Hervé Novelli, secrétaire d'État :

secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, a rappelé en premier lieu que le texte concrétisait une idée ancienne jamais appliquée et pourtant souvent défendue, en particulier dans le rapport Champaud de 1978, un avis de 1993 du Conseil économique et social et les deux rapports Hurel de 2002 et 2008. En effet, en raison du principe d'unicité du patrimoine, il existait des oppositions d'ordre juridique à la création d'un patrimoine professionnel d'affectation. Actuellement, un entrepreneur individuel est responsable de ses dettes professionnelles sur l'ensemble de ses biens. Le patrimoine d'affectation vise à séparer patrimoine affecté à l'entreprise et patrimoine personnel, de façon à mieux protéger ce dernier.

a rappelé qu'il s'était engagé, lors des débats parlementaires sur le projet de modernisation de l'économie, à faire établir un rapport sur l'opportunité de créer l'entreprise à patrimoine affecté. A sa demande, M. Xavier de Roux, ancien député, lui a remis ce rapport en novembre 2008, concluant à ce que rien ne s'opposait, en droit, à la création du patrimoine d'affection. Une large consultation des professionnels concernés est venue appuyer cette conclusion, répondant ainsi à une revendication ancienne des chambres de métiers.

La loi de 2003 pour l'initiative économique a institué la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel, élargie à l'ensemble des biens immobiliers non professionnels par la loi de modernisation de l'économie en 2008. Pour des raisons d'ordre constitutionnel, il a semblé difficile d'élargir davantage le champ de l'insaisissabilité. Dès lors, le Gouvernement a fait le choix d'ouvrir le débat de la création de l'entreprise d'un patrimoine affecté.

Déplorant le relatif insuccès de la formule de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée créée en 1985, puisque seulement 200 000 ont été créées en 25 ans, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, a souligné le fort attachement des entrepreneurs individuels à l'exercice en nom propre, puisque chaque année plus d'une entreprise sur deux est créée sous cette forme. A partir du 1er janvier 2009, le nouveau statut de l'auto-entrepreneur a encore renforcé la part des créations d'entreprises en nom propre.

Concernant la déclaration d'insaisissabilité, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, a considéré qu'il était logique de la supprimer pour l'avenir dès lors qu'entrait en vigueur le nouveau statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, car les deux dispositifs seraient, selon lui, redondants. Il a néanmoins indiqué qu'il était ouvert à la discussion sur ce sujet.

Simple et attractif pour les 1,5 million d'entrepreneurs individuels français, le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée respecte la liberté de choix de créer son entreprise en nom propre sans constituer une société. Ainsi, il devrait libérer encore davantage l'esprit d'entreprendre, en apportant une sécurité supplémentaire, puisqu'il empêche la saisie des biens personnels de l'entrepreneur en cas de difficulté professionnelle.

a ensuite précisé les différents aspects de la création et du fonctionnement du patrimoine d'affectation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. La déclaration d'affectation doit être faite auprès du registre du commerce et des sociétés pour les commerçants, auprès du répertoire des métiers pour les artisans et auprès d'un registre spécial créé à cet effet au greffe du tribunal de commerce pour les autres entrepreneurs individuels, notamment les professionnels libéraux. L'Assemblée nationale a souhaité étendre le dispositif aux exploitants agricoles. La déclaration d'affectation doit comporter la liste des biens affectés au patrimoine professionnel, nécessaires à l'activité professionnelle ou utilisés pour les besoins de cette activité. L'entrepreneur individuel reste propriétaire des deux patrimoines. Le projet de loi prévoit des règles particulières pour l'affectation des biens immobiliers, des biens communs ou indivis, et des biens d'une valeur supérieure à 30.000 euros. L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sera également astreint à tenir une comptabilité autonome. En cas de faillite, seul le patrimoine affecté sera liquidé, les biens personnels de l'entrepreneur et de sa famille étant préservés.

a précisé que la déclaration d'affectation valait pour l'avenir : le patrimoine affecté devient le gage des seuls créanciers professionnels dont les droits sont nés postérieurement à l'affectation, les autres créanciers postérieurs ont pour gage le patrimoine personnel. L'Assemblée nationale a souhaité, contre l'avis du Gouvernement, que l'affectation soit également opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement. Ce choix comporte certes une logique économique et apporte une plus grande protection, mais il pose d'importants problèmes d'ordre juridique. Néanmoins, la lisibilité du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée voudrait que l'on puisse prendre en compte les créances en cours au moment de l'affectation.

Concernant le régime fiscal de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, a considéré qu'il réparait une injustice, en donnant à l'entrepreneur individuel le même régime fiscal que le gérant associé unique d'une société à responsabilité limitée. Comme l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut opter soit pour l'impôt sur le revenu soit pour l'impôt sur les sociétés. Il serait au demeurant absurde de créer un nouveau statut moins favorable que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Avec l'option pour l'impôt sur les sociétés, le bénéfice de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée serait imposé à hauteur de 15 % jusqu'à 38 000 euros et 33? % au-delà. Le régime fiscal et social de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée comporte un dispositif « anti-abus », de nature à éviter tout risque de préférence fiscale, selon lequel les revenus d'activité reversés dans le patrimoine personnel sont assujettis aux cotisations sociales de droit commun lorsqu'ils excèdent 10 % de la valeur du patrimoine affecté ou 10 % du bénéfice net. Le Gouvernement est disposé à discuter du seuil de ce dispositif et s'est engagé, en tout état de cause, à déposer sur ce sujet un rapport dans le délai d'un an après l'entrée en vigueur du texte.

Enfin, abordant la question des relations des entrepreneurs individuels avec les banques, qu'il a qualifiée de stratégique, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, a estimé que le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne rencontrerait le succès qu'à la condition que les banques ne demandent plus de garanties sur le patrimoine personnel. A cet égard, il a rappelé qu'il travaillait avec les organismes de caution mutuelle pour améliorer l'accès au crédit des entrepreneurs individuels. Il a confirmé l'engagement de principe qu'OSEO puisse garantir à 70 % les prêts sollicités par les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée à condition que les banques ne demandent pas de caution personnelle ou de sûreté sur les biens personnels. Ce dispositif spécifique d'OSEO aurait un coût supplémentaire représentant 1,2 % de l'encours du prêt.

En conclusion, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, a indiqué que l'esprit du projet de loi ne consistait pas à supprimer la part de risque inhérente à tout acte d'entreprendre, mais à faciliter cet acte en évitant qu'un échec professionnel ne conduise à la ruine personnelle de l'entrepreneur.

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