S'agissant des équipes pluridisciplinaires, M. Paul Blanc, rapporteur, est convenu du caractère globalement mitigé du bilan, car celles-ci ont été peu étoffées et mal préparées pour affronter la montée en charge des dossiers d'accès à la prestation de compensation du handicap (PCH), qui nécessitent un long délai d'instruction.
Il conviendrait également d'accroître le nombre de personnes au sein des commissions des droits et de l'autonomie, qui ont repris les 600 000 dossiers en souffrance des anciennes commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep) et commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES), afin de résorber le retard accumulé estimé à près de quatre mois en moyenne.
Concernant la nouvelle prestation de compensation du handicap (PCH), mesure phare de la loi du 11 février 2005, le nombre de personnes handicapées susceptibles d'en bénéficier avait été évalué à 120 000 lors du vote de la loi. Au 31 décembre 2006, 70 000 demandes avaient été déposées, dont 23 000 déjà traitées : la moitié a fait l'objet d'une décision favorable et 7 700 prestations ont été liquidées. Cette relative lenteur s'explique par une mauvaise information des personnes handicapées sur cette nouvelle prestation, qui a pu leur inspirer une certaine peur du changement. En témoignent la proportion importante de personnes handicapées qui choisissent de conserver le bénéfice de l'ancienne allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) ou encore la demande surprenante de certaines associations de revenir à un mode de calcul forfaitaire de la nouvelle PCH, sur le modèle de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa). Cette crainte d'une baisse de ressources est pourtant largement infondée puisque la nouvelle PCH correspond en moyenne à 1 000 euros par mois, alors que l'ACTP ne s'élève qu'à 450 euros.
Ces réticences pourraient être surmontées à deux conditions : améliorer l'information des demandeurs sur le montant de leur future prestation et régler la question des ressources des personnes handicapées, afin que celles-ci ne soient plus tentées d'affecter les sommes versées au titre de la compensation à des dépenses d'entretien courant. Il pourrait également être intéressant de verser la PCH sous la forme d'un chèque emploi service universel (Cesu) préfinancé, ce qui limiterait la nécessité d'un contrôle a posteriori de l'affectation de l'aide.
a en outre souligné la nécessité de mettre en place un outil d'évaluation commun des MDPH, opposable sur le plan national, afin d'assurer au plus vite l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire. Pour donner toute sa force à la compensation personnalisée du handicap, il faut que l'évaluation des besoins puisse réellement s'appuyer sur le projet de vie de la personne, ce qui suppose un véritable accompagnement des demandeurs.
Puis, évoquant la situation délicate des fonds départementaux de compensation du handicap, il a déploré la très faible mobilisation des financeurs. En outre, une malfaçon législative doit impérativement être corrigée : actuellement, la loi fait porter sur ces fonds extralégaux l'obligation de garantir que la somme restant à charge des personnes handicapées en matière de compensation ne sera jamais supérieure à 10 % de leurs ressources. Or, telle qu'elle est rédigée, cette garantie s'avère impossible à appliquer et le Parlement ne peut procéder lui-même à cette rectification car elle tomberait sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
Concernant ce qu'il est convenu d'appeler le cinquième risque, M. Paul Blanc, rapporteur, a indiqué que la loi du 11 février 2005 prévoit de faire converger, d'ici 2011, les dispositifs de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées.
Toutefois, cette convergence ne s'oppose pas au maintien d'une différence de traitement entre personnes âgées et handicapées, dès lors que ces situations sont différentes : la dépendance liée à l'âge est un horizon prévisible pour tous, alors que le handicap demeure un malheur rare et imprévisible, qui justifie une compensation spécifique par la solidarité nationale. La convergence entre la compensation du handicap et celle de la perte d'autonomie liée à l'âge pourrait donc n'être que partielle : valable pour l'évaluation des besoins et pour la nature des aides prises en charge, elle ne devrait pas s'appliquer à la tarification différenciée des prestations.
Concernant le financement de cette cinquième branche, deux pistes sont envisageables : la distinction claire de ce qui relève des soins, de l'entretien et de la perte d'autonomie, afin de mieux définir l'ampleur des besoins financiers, et l'instauration d'une forme de prévoyance, individuelle ou collective, pour financer la perte d'autonomie liée à l'âge. Il paraît opportun de préserver l'architecture actuelle, qui s'appuie sur la CNSA et les maisons départementales des personnes handicapées, et permet ainsi d'allier cohérence nationale des actions engagées et régulation de l'offre grâce à la responsabilisation des acteurs locaux.
Puis M. Paul Blanc, rapporteur a présenté le bilan de l'application du second volet de la loi, relatif à l'intégration des personnes handicapées.
En ce qui concerne la scolarisation des enfants handicapés, il s'est étonné de la polémique qui a surgi au cours de la campagne présidentielle. En effet, les progrès ont été particulièrement significatifs dans ce domaine puisque, au cours de la dernière législature, le nombre d'enfants accueillis à l'école ordinaire s'est accru de 80 % pour atteindre plus de 160 000 au total. Si l'inscription administrative obligatoire dans l'école du quartier n'est pas toujours suivie d'une scolarisation effective, cette règle a permis de donner une existence sociale à des milliers d'enfants tout en contribuant à l'augmentation des effectifs accueillis.
Plusieurs problèmes de fond demeurent néanmoins :
- le nombre insuffisant d'auxiliaires de vie scolaire (AVS), qui nécessite à très court terme la mise en place d'une formation renforcée et d'une véritable filière professionnelle dans ce domaine ;
- les réticences encore importantes des enseignants, qui supposent un effort de formation en direction des professeurs, ainsi que le développement du réseau d'enseignants référents, en charge de la coordination des projets individualisés de scolarisation des élèves handicapés, et dont le nombre demeure notoirement insuffisant.
La notion de droit opposable à la scolarisation doit être utilisée avec précaution, celle-ci n'étant pas synonyme de droit absolu à la scolarisation à l'école ordinaire. Une telle interprétation serait en effet contraire à l'esprit de la loi qui fait de l'enseignement spécialisé une solution complémentaire et parfois préférable dans l'intérêt de l'enfant. En conséquence, M. Paul Blanc, rapporteur, a suggéré que cette notion soit comprise comme la possibilité, pour les parents, de faire respecter la décision prise par la commission des droits et de l'autonomie pour la scolarisation de leur enfant.
Sur la question de l'emploi des personnes handicapées, les effets de la loi du 11 février 2005 sont, à ce stade, encore modestes, en grande partie parce qu'un nombre important des dispositifs qu'elle prévoit n'entrent en vigueur que cette année. Des progrès peuvent être réalisés dans deux domaines :
- améliorer le fonctionnement du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), qui n'est pas encore satisfaisant, faute de moyens suffisants. Le démarrage de son activité a été différé par une installation tardive des comités locaux chargés d'attribuer les aides tandis que, dans le même temps, de graves dissensions sont apparues entre le comité national et le gestionnaire administratif du fonds, la Caisse des dépôts et consignations. Au total, en 2006, seuls onze dossiers d'aide ont été traités. Pour cette raison, la commission pourrait demander à la Cour des comptes d'établir un rapport sur le fonctionnement de ce fonds ;
- obtenir de l'Etat qu'il assume la responsabilité qui lui a été donnée par le législateur de conventionner les dispositifs « Cap Emploi », l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) et le FIPHFP ayant ensuite compétence liée pour subventionner les organismes auxquels il aura confié la mission de service public du placement et du suivi dans l'emploi des personnes handicapées. A l'heure actuelle, selon une interprétation erronée des textes, l'Agefiph considère que la procédure de conventionnement est de sa seule responsabilité et entraîne obligatoirement une procédure d'appel d'offre.
Enfin, s'agissant de l'accessibilité de la cité, M. Paul Blanc, rapporteur a préconisé une très grande vigilance, même si, pour l'heure, le bilan de la loi du 11 février 2005 est difficile à tirer, ces dispositions n'entrant en vigueur qu'en 2015.
Il s'est notamment inquiété du délai excessif accordé pour l'établissement du diagnostic de l'accessibilité des bâtiments existants, qui ne laissera que quatre ans pour engager les travaux nécessaires à la mise en conformité avec la loi. Il faut impérativement anticiper les échéances et planifier les travaux sur la base du rapport annuel des commissions communales d'accessibilité, afin que les collectivités publiques ne se trouvent pas financièrement acculées à l'approche de la date d'entrée en vigueur. De même, il est nécessaire de veiller à la publication des textes d'application ainsi qu'à leur contenu, afin de limiter les risques de contournement des textes légaux ou les interprétations extensives visant à créer des dérogations à l'obligation d'accessibilité.
En conclusion, M. Paul Blanc, rapporteur, s'est félicité de la dynamique enclenchée par ce texte, notamment en faveur de l'intégration des personnes handicapées, regrettant toutefois que, deux ans après le vote de la loi, son application rencontre encore des résistances importantes, qui justifient l'attention que la commission continuera de lui porter.